Ce nom n'apparaît que peu, voire pas du tout. Mais dans la hiérarchie du Kremlin, Sergueï Choïgou est un pion essentiel pour le tsar. Alors que les forces militaires ne jouaient aucun rôle dans les décisions politiques, subordonnées au service de sécurité, elles remplissent, depuis plusieurs années, un rôle plus important dans les orientations politiques. L'armée, comme l'explique un article de Foreign Affairs repéré par Le Courrier International, est l'une des institutions les plus importantes de la Russie de Poutine.
La pierre angulaire de ce changement radical lancé il y a dix ans, se nomme Sergueï Choïgou. Lui qui s'est vu confier le portefeuille de la Défense, en 2012, a réussi à rendre ses lettres de noblesse à l'armée depuis l'annexion de la Crimée en 2014. Cette confiance indéfectible de Poutine pour son discret ministre, se niche dans une guerre interne entre la FSB (ex-KGB, les Renseignements russes) et l'armée russe. Comme l'explique le papier de Foreign Affairs, la FSB a connu une série de revers, alors qu'à l'inverse, l'armée de Choïgou a aligné les succès d'envergure.
Le natif de la région de Touva, Choïgou, 66 ans et ingénieur de formation, n'est pas un proche de longue date de Poutine. Il n'est pas ce vieux pote de la filière du KGB, mais sa place est si importante qu'il est volontiers cité comme l'un des papables pour succéder à Poutine sur le trône. En attendant, le grand artisan des frappes militaires russes, épaulé par son chef d'Etat-major Valéri Guérassimov, est un personnage essentiel au Kremlin.
Poutine lui voue une confiance aveugle. L'homme est décoré, en 1999, de la plus grande distinction nationale: Héros de la Fédération de Russie. Une ligne en lettres d'or pour «ce parfait caméléon, capable de se transformer à volonté pour se plier au bon plaisir des dirigeants», le décrivait Sergeï Konvis, un politicien originaire de la même région que Choïgou.
Au début des années 1990, il se fait un nom dans la peau du ministre des Situations d'urgence. Il accède à un autre statut pour avoir sauvé la face de Boris Eltsine en 1993, lors de la tentative de putsch des députés.
Outre les médailles et les honneurs, sa faculté à se glisser dans tous les bons coups, l'ami du tyran du Kremlin, avec qui il ferre le poisson dans sa région natale, est aussi un adepte du mysticisme et autres délires chamaniques. Et dans son sillage, c'est Poutine qui y goûte. Le Point vient même de publier les propos d'un intellectuel russe, Valeri Soloveï, 61 ans, un ancien professeur de l'université de MGIMO (Institut d'Etat des relations internationales de Moscou). Il affirme que Poutine a pris part à une obscure cérémonie de sacrifice animal aux côtés de Choïgou, à Sotchi, début février. Il détaille:
Et le chaman de prédire à Vladimir Poutine:
Un récit abracadabrant. Fadaises ou non, toujours est-il que des policiers ont fait irruption chez l'académicien, lui ont retiré ses ordinateurs et portables, tout comme ceux de sa femme, de son fils et de son cousin.
Dans un article du Monde datant du 13 février, le philosophe et journaliste Michel Eltchaninoff expliquait que «Vladimir Poutine se réfère au cosmisme dans ses discours». Un penchant pour l'ésotérisme qu'un autre «familier du Kremlin», toujours cité par Le Point, confirme. Le président russe verserait de plus en plus dans le mysticisme. Quand un micro lui est tendu, «il chasse de la main l'air juste au-dessus et sa garde rapprochée veille à ce que personne ne marchent dans les pas du maître des lieux». Une manière de voir, peut-être, les manoeuvres en sous-main de Sergueï Choïgou.