Il a été la surprise de cette présidentielle. Laissant longtemps planer le doute, Eric Zemmour a choisi de se lancer dans l'arène politique en se présentant à la fonction suprême, dans le but de réunir les droites et de sauver la France. Problème: sa prédiction d'un grand rassemblement patriote derrière sa candidature ne s'est pas produite et Marine Le Pen, qu'il estimait destinée à mourir politiquement, s'est qualifiée au second tour, plus forte que jamais. L'ex-éditorialiste-star se prépare-t-il alors à devenir, déjà, un ex-politicien?
Deux mois après les présidentielles, les Français sont invités à choisir leurs représentants à l'Assemblée nationale, l'une des deux chambres du pouvoir législatif. Eric Zemmour a confirmé, le soir du premier tour, vouloir continuer son action politique quoi qu'il arrive. «Je vous dirai très vite la forme que [celle-ci] prendra», a-t-il ajouté. Et il avait déjà assuré cinq jours plus tôt sur France 2 que s’il ne parvenait pas à être élu à l’Elysée, il serait candidat aux législatives.
Bien qu'on sache à quel point les promesses de ce genre peuvent être amendées – voire abandonnées – par la suite, il est très probable qu'Eric Zemmour joue un rôle déterminant dans la participation de son mouvement Reconquête! à ses élections. Jusqu'à en être la tête de liste et briguer ainsi un mandat de député?
Selon, le politologue Olivier Rouquan, oui-da: «Il va tenter de se présenter aux élections législatives et avec ses ressources, il va pouvoir se faire une place dans plusieurs circonscriptions», déclare-t-il à RTL. Mais attention, avertit le spécialiste, il y a trois défis qui se poseraient pour le candidat:
Ainsi, une victoire de Zemmour aux législatives est incertaine. C'est pourquoi une autre hypothèse n'est pas à exclure: celle selon laquelle il resterait leader de son parti tout en déléguant le rôle de tête de liste à l'une des personnalités politiques influentes qui l'ont rejoint (Marion Maréchal, Philippe de Villiers, Jean-Frédéric Poisson...) ou vont peut-être le rejoindre (Eric Ciotti, Laurent Wauquier, François-Xavier Bellamy...). Voir justement le prochain point.
C'est qu'au-delà de la simple question – qu'il faudra trancher très vite – des élections législatives, Eric Zemmour pourrait continuer à être crédible comme patron – ou l'un des patrons – de la droite identitaire ou souverainiste en tant que théoricien plutôt qu'en tant qu'élu potentiel. En clair, Zemmour continuerait à écrire des livres, à préparer le terrain culturel de ses espoirs politiques. Tout en gardant un poste à responsabilité au sein de Reconquête! et un objectif de candidature pour les élections présidentielles 2027.
Il ne faut pas oublier que le mouvement qu'il a co-fondé est peut-être actuellement le plus grand de France en nombre d'adhérents (plus de 100 000 adhérents revendiqués en février 2022), ou alors le deuxième, derrière Les Républicains (150 000 membres au moment du congrès pour désigner leur candidat à la présidentielle). S'il arrive à se bâtir une base d'élus et de relais locaux, il est amené à compter dans la paysage politique français des prochaines années.
Mais les choses pourraient être encore plus simples. Après tout, Zemmour est un auteur de best-sellers, dont Le Suicide français en 2014 qui s'était écoulé à quelque 400 0000 exemplaires et La France n'a pas dit son dernier mot, en 2021, vendu à plus de 250 000 exemplaires (ce qui en fait également un succès éditorial). Il n'y a pas de raison que l'essayiste s'en arrête là. Lui-même l'a confirmé à la presse dernièrement:
Toute la question est de savoir si la drogue dure du discours politique – disons électoral pour être plus précis – agira sur lui jusqu'à l'empêcher de s'en tenir à un rôle d'intellectuel et d'écrivain. Une fois qu'on y touche, pas facile d'arrêter...
C'est le moins probable des scénarios: un retour à l'antenne. Bien que ce soit à la télévision que l'ancien journaliste s'est fait connaître par un très large public (donnée qui rend justement cet hypothétique come-back possible), un revirement de statut entre l'acteur politique et le commentateur aurait quelque chose d'incompréhensible et de faux.
Selon BFM TV, «l'ancien journaliste aurait déjà exclu un retour en tant que commentateur politique à la télévision, comme il le faisait auparavant sur CNews ou Paris Première.» Mais attention: cela ne l'empêchera pas, en tant que politicien, d'intervenir fréquemment dans les médias, les audiences étant ce qu'elles sont. Reste cette question: Zemmour continuera-t-il désormais de fasciner et d'énerver comme avant?