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Encerclée, Avdiïvka résiste encore et toujours à Poutine

A woman sits in front of a building in Avdiivka, the site of heavy battles with Russian troops in the Donetsk region, Ukraine, Tuesday, April 25, 2023. (AP Photo/Libkos)
Une femme assise devant un bâtiment à Avdiïvka, dans la région de Donetsk, en Ukraine, le 25 avril 2023.Image: Keystone

Encerclée par les Russes, Avdiïvka résiste encore et toujours à Poutine

Bakhmut n'est pas la seule ville à être presque totalement encerclée sur le front est ukrainien. La cité industrielle d'Avdiïvka l'est également. Pourtant, certains civils sont toujours sur place. Une organisation humanitaire s'occupe d'eux.
06.05.2023, 16:2706.05.2023, 17:44
Kurt Pelda, Avdiïvka / ch media
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Au loin, on aperçoit déjà les cheminées et les tours de refroidissement. La route mène presque en ligne droite aux fours et aux halls dans lesquels près de 4000 employés fabriquaient autrefois des produits chimiques à partir du charbon. Aujourd'hui, les cheminées sont froides, les machines sont à l'arrêt et seul un service de sécurité s'occupe encore de ces immenses installations.

L'usine se trouve dans les steppes du Donbass, à la périphérie de la petite ville d'Avdiïvka à seulement trois kilomètres des positions russes les plus proches. Il est conseillé de rouler à la vitesse la plus élevée possible sur l'asphalte troué.

La seule route qui mène encore à Avdiïvka est régulièrement bombardée par l'artillerie. La ville est désormais encerclée sur trois côtés par les troupes russes.

Poutine à la potence

Peu avant l'usine, des drapeaux flottent au vent. Ils sont fixés à une structure métallique qui a été installée à l'entrée de la ville à la place d'un panneau de signalisation. Il est écrit en grandes lettres cyrilliques: «Avdiïvka est l'Ukraine». Une poupée avec le visage de Vladimir Poutine se balance sur le support, la corde serrée sur son cou.

Une poupée de Vladimir Poutine sur la potence, à l'entrée de la ville d'Avdiïvka.
Une poupée de Vladimir Poutine sur la potence, à l'entrée de la ville d'Avdiïvka.Raimond Lüppken

Sur les 30 000 habitants d'origine, on estime que seuls 2000 vivent encore dans la ville, principalement des personnes âgées. Les rues sont jonchées de débris de maisons criblées de balles et de fragments de roquettes et d'obus. Il n'y a plus d'électricité, d'eau courante ou de gaz.

Sous une vitre brisée, un cœur bleu s'affiche sur le mur d'une maison. A côté, les mots «douche», «machine à laver», «thé», «café», «internet» et «télévision» sont écrits en lettres cyrilliques. Une flèche également bleue pointe en biais vers le bas, vers un escalier couvert qui mène à une immense cave.

Des civils dans le bunker de l'organisation humanitaire Unity of people.
Des civils dans le bunker de l'organisation humanitaire Unity of people.raimond lüppken

Pour faciliter un peu la vie des civils restants, l'organisation humanitaire ukrainienne Unity of people a installé ici un bunker qui a tout pour plaire. Un générateur fournit de l'électricité pour que les gens puissent recharger leur téléphone portable et surfer sur Internet.

Une cuisine sert à préparer des repas pour les gens, et dans une pièce séparée se trouvent quatre machines à laver et un sèche-linge ainsi que plusieurs cabines de douche. Il y a également un petit salon de coiffure et une télévision allumée en permanence devant un palmier en plastique. A côté, il y a un grand poster qui montre l'usine en des temps meilleurs et avec des cheminées fumantes.

Le fils disparu

Lioubov, une ancienne conductrice de trolleybus, est assise sur un banc près des machines à laver. Elle vient de s'offrir une douche en attendant que ses vêtements soient lavés. Cette femme de 64 ans vit dans la cave de sa maison en raison des tirs d'artillerie. Mais elle s'inquiète surtout pour les quelque 3000 tableaux que son fils a peints et qu'elle doit conserver non pas à la cave, mais en haut de la maison, à cause de l'humidité.

Lioubov parle de son fils disparu.
Lioubov parle de son fils disparu.Raimond Lüppken

Avdiïvka n'est qu'à environ huit kilomètres de Donetsk, la capitale de l'oblast du même nom, qui est occupée depuis 2014 par la Russie et les séparatistes moscovites. C'est à ce moment-là que le fils de Lioubov a disparu.

Un jour, cette mère s'est vue présenter un corps fortement défiguré. Elle raconte:

«J'ai fait incinérer le corps, mais plus tard, les résultats du test ADN sont arrivés et il s'est avéré que ce n'était pas mon fils. Il est donc peut-être encore en vie, et maintenant je l'attends».

Lioubov espère pouvoir un jour serrer son fils dans ses bras. C'est pour protéger ses nombreux tableaux qu'elle n'a pas encore quitté la ville.

Avdiïvka, ville encerclée

Les Russes auraient retiré une partie de leur artillerie d'Avdiïvka afin d'accentuer l'attaque sur Bakhmout, à environ 50 kilomètres au nord-est (cible principale de l'offensive hivernale russe).

Comme Avdiïvka, Bakhmout est encerclée sur trois côtés par les Russes. Les mercenaires du groupe russe Wagner ont conquis environ 90% de la ville, mais les Ukrainiens résistent encore dans quelques pâtés de maisons, à l'ouest de la ville.

Les destructions causées par les tirs d'artillerie à Avdiivka.
Les destructions causées par les tirs d'artillerie à Avdiivka.Raimond Lüppken

Moscou et Kiev utilisent désormais leurs forces aériennes pour rendre la vie difficile à l'adversaire. Tout récemment, les Ukrainiens ont utilisé plusieurs bombes guidées américaines à Bakhmout. L'objectif? Pulvériser des bâtiments dans lesquels s'étaient installés des mercenaires de Wagner en pleine progression.

Le chef de Wagner, Evgueni Prigojine, craindrait une contre-offensive dès que ses combattants auront entièrement pris la ville. Il pense que les Ukrainiens tenteront de percer le front russe à Bakhmout avec une opération en tenailles. Mais quels que soient les plans ukrainiens, il faut rappeler qu'il a beaucoup plu: ainsi, même si les températures ont un peu grimpé, il faudra encore un certain temps avant que les sols ne sèchent et deviennent praticables pour les chars.

Une boue permanente

Au nord de la ville, nous ne tardons pas à nous rendre compte des effets de la boue. En allant visiter une unité de chars de l'armée ukrainienne proche du front dont nous avons interdiction de révéler le nom - notre 4x4 s'enlise quelques minutes dans les profondes traces laissées par les chars de combat.

Un soldat dans le cratère causé par une bombe dans un champ.
Un soldat dans le cratère causé par une bombe dans un champ.Raimond Lüppken

Comme les Russes ne sont pas loin, nous nous garons dans un hangar (trop petit pour la voiture). Bien que l'arrière dépasse encore, nous espérons que cela suffira à nous protéger des regards. Les soldats nous montrent leurs véhicules chenillés recouverts de filets de camouflage, tous des chars de combat de type T-80 capturés aux Russes. Puis, ils nous invitent à prendre le thé. Ils se plaignent de ne pas avoir assez de munitions pour leurs canons.

Les activités de l'armée de l'air russe les inquiètent également. Il y a quelques jours, un avion a lâché une bombe sur un champ à proximité, laissant ainsi un énorme cratère. A l'époque, les Ukrainiens se seraient moqués de l'imprécision du pilote russe. Mais l'avion est revenu, et cette fois, il a touché une maison. Un soldat de l'unité blindée a payé l'attaque de sa vie.

La guerre en Ukraine dans l'œil d'Alexander Chekmenev
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La guerre en Ukraine dans l'œil d'Alexander Chekmenev
Faces of war pour le New York Times.
source: alexander chekmenev
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Video: watson
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