Au début, on pense à une énième vidéo de dénonciation de la part d'un cycliste, persécuté par l'existence de l'automobile. Vous savez, ces fous du guidon, équipés comme Spielberg et prêts à tous les risques pour se retrouver dans des situations parfois dangereuses, histoire de pouvoir expliquer, témoigner, pointer du doigt, gueuler. En France, on les appelle les vélotafeurs et ils sont de plus en plus nombreux, à Paris comme sur les réseaux sociaux. Héros écolos ou cauchemars des bagnoles, le débat n'est pas tranché, mais le sujet est toujours très sensible et la communauté clivante.
Dimanche matin, l'un d'eux, surnommé Altis, a capturé une scène qu'il n'aurait certainement jamais pensé vivre. Présenté sur Twitter comme un cycliste qui «vulgarise la mobilité dans l'environnement urbain & le vélo», Altis participait à une «convergence». Une manifestation où les cyclistes pédalent en nombre, pour prouver aux autorités qu'ils n'ont pas assez de place. Une fois dans le XIIIe arrondissement de Paris, une altercation attire alors son regard (et donc la caméra qu'il porte toujours sur son casque). Il filmera toute la scène en streaming sur Twitch et en déposera un extrait, lundi, sur son compte Twitter.
En quelques minutes, c'est un véritable emballement sur les réseaux sociaux. Non pas que les bagarres entre usagers de la route soient exceptionnelles dans la capitale française. La lutte fut même plutôt inoffensive: pas de mort, de blessé, de carambolage, de sang ou de drame particulier. Tout juste quelques dures empoignades, deux ou trois coups maladroits et une effusion d'insultes. Mais la présence d'une justicière VIP va offrir un filtre un peu burlesque à l'événement.
Après 42 secondes de vidéo, sur la droite de l'écran, on aperçoit soudain Sandrine Rousseau, en jean et jaquette bleue. La très populaire élue de la Nupes, et chouchoute des médias, s'est interposée avec poigne et détermination.
La tension est née au carrefour précédent. Un chauffeur de taxi semble avoir frôlé le pneu d'un vélo, lui-même au milieu de la chaussée et arrêté devant un passage pour piétons. La première insulte fuse, de la bouche du cycliste: «Priorité piéton, du con!» Une formule qui, soyons francs, appelle rarement à la conciliation mesurée et intelligente. L'automobiliste réplique, moins grossier: «Mais alors, tu t’arrêtes comme ça devant moi? Mets-toi sur le côté». Le sang du représentant de la mobilité douce se met à bouillonner:
Quelques mètres plus tard, la bagarre sera cette fois férocement dégoupillée, aux poings. Dans la séquence filmée par le vulgarisateur à pédales, on croit apercevoir des coups donnés de l'extérieur, en direction de l'habitacle du chauffeur de taxi. L'image n'est pas assez bonne pour s'en assurer.
Le caméraman, lui, dira au Parisien que «le chauffeur est arrivé par la droite en l’attrapant par le bras pour le ramener vers le véhicule». Il ne faudra en tout cas pas des heures pour que l'automobiliste se décide à sortir de la voiture (et les muscles).
Au HuffPost, la députée écologiste s'est dite ««surprise par la violence de l’altercation». Raison pour laquelle elle se serait interposée. Manifestement soucieuse des détails qui n'ont aucune importance, Sandrine Rousseau précisera au site français qu'elle allait «faire des courses au marché Jeanne d’arc» quand elle a décidé de changer de mission.
Et le moins que l'on puisse dire, c'est que Sandrine Rousseau n'a pas fait de la figuration. En usant de tout son corps, l'élue a passé de longues secondes à tenter (puis réussir) de séparer les protagonistes. Une attitude qui a impressionné internet: «Sandrine Rousseau qui surgit tel Batman devant un bonhomme furieux qui fait deux têtes de plus qu'elle et le double de son poids».
Mais aussi agacé ses meilleurs ennemis. Au point que (sans surprise) des hommes peu adroits, mais très à droite, se sont succédés dans des attaques trop grosses pour être véritablement crédibles.
.@sandrousseau vous êtes intervenue courageusement sur un différent.
— Bruno Attal (@Bruno_Attal_) June 12, 2023
Vous seriez une piètre policière. Vous avez commis des #violences illégitimes. Si vous étiez flic Sandrine Rousseau votre ami @JLMelenchon et toute la @FranceInsoumise crieraient aux #ViolencesPolicieres… pic.twitter.com/5jNy0I6CRE
En revanche, un tel incident, dans le cadre d'une manifestation censée démontrer que les deux-roues ont la vie dure à Paris, nourrit tous les discours. Le chauffeur de taxi est «un connard», les cyclistes «se croient tous permis» et Sandrine Rousseau a pu glisser un message politique une fois tout ce beau monde en sécurité: «Rue de Tolbiac, comme ailleurs, une véritable piste cyclable permettrait d’apaiser l’usage de la route et de sécuriser la pratique du vélo et du taxi». En revanche, Twitter ira toujours beaucoup plus vite qu'un texte de loi.