Nanterre, banlieue parisienne, mardi, 8h30. Lors d’un contrôle, un policier accompagné d’un collègue met en joue un automobiliste et tire au moment où la voiture redémarre. Une balle. Mortelle. L’automobiliste est un jeune homme de 17 ans. Il conduisait sans permis. Des images vidéo montrent un plan de la scène. Nahel, le prénom du défunt, ne semble pas menacer l’agent auteur du coup de feu. Pourquoi ce dernier tire-t-il? L’enquête devra l’établir. Le chef d’homicide volontaire est retenu contre le fonctionnaire de police, qui risque les assises.
Les faits sont dramatiques. La vidéo, qui paraît accablante pour le policier, fait monter la colère:
HAUTS-DE-SEINE : Un adolescent de 17 ans a été tué par le tir d'un policier après un refus d'obtempérer à #Nanterre. (@Ohana_Fgn) pic.twitter.com/TD5jdtU6j2
— Infos Françaises (@InfosFrancaises) June 27, 2023
La nuit de mardi à mercredi a été marquée par des émeutes dans plusieurs quartiers, en région parisienne comme ailleurs France: tirs de mortiers, voitures cramées, bâtiments incendiés, heurts avec les forces de l’ordre.
L’affaire est devenue immédiatement politique sur fond de «rapports police-banlieues», souvent exécrables. Après le tir à balle réelle d'un policier et la mort d’un adolescent, ça canarde sur Twitter. Deux camps qui se connaissent bien s’affrontent: la gauche radicale et la droite identitaire. Prompte à dégainer, la gauche radicale s’empare du dossier. Les «violences policières» dans les cités font partie de sa chasse gardée. Mardi, à 15h42, le député France insoumise (LFI) Louis Boyard, agitateur-né, lance:
À Nanterre, la police a encore tué.
— Louis Boyard (@LouisBoyard) June 27, 2023
Chaque année, cette institution défaillante vole des vies.
Tant que le Gouvernement restera dans le déni, nous pleurerons d'autres Zyed, Bouna, Adama, Steeve et Zineb.
Toutes mes pensées vont à la famille et aux proches de la victime. 🙏 https://t.co/9QDPSNo2J6
La militante décoloniale Fatima Ouassak parle, elle, d’exécution et prévient: «Pas de justice, pas de paix», l'un des slogans phares des quartiers:
Naël, adolescent de 17 ans, exécuté par un policier à Nanterre aujourd’hui.
— Fatima Ouassak (@FOuassak) June 27, 2023
Paix à son âme, condoléances à sa famille, soutien à ses proches.
Pas de justice, pas de paix. pic.twitter.com/PJ5UE4yiR8
Le député LFI Adrien Quatennens, réintégré par sa députation après l'affaire de la gifle donnée à sa compagne, emprunte au même registre, niant au passage la présomption d’innocence qui vaut dans toute enquête pour homicide:
Comment se fait-il que les images contredisent les premières affirmations des médias ?
— Adrien Quatennens (@AQuatennens) June 27, 2023
Le refus d’obtempérer et le délit de fuite sont certes condamnés par la loi. Mais la loi ne prévoit pas que le suspect soit exécuté ! Pensée pour la famille et que toute la lumière soit faite. pic.twitter.com/Eedcue0DMT
Le père-fondateur de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, dénonce dans un discours à ses partisans un «mensonge», une «manipulation», «la déchéance de l’autorité de l’Etat»:
🔴 @JLMelenchon revient sur le drame de cet après -midi à Nanterre dans l'Émission populaire de ce soir.
— La France insoumise (@FranceInsoumise) June 27, 2023
➡️ « Quelle que soit la situation, rien ne justifie que l’on tue quelqu’un. C’est doublé de mensonge, de manipulation … Cela montre la gravité de la déchéance de… pic.twitter.com/SF9R188pgq
La religion s’en mêle. L’activiste islamiste Elias d’Imzalene, qui avait contribué au déclenchement d’émeutes en 2013 à Trappes, dans les Yvelines, suite au contrôle d’une femme portant un niqab en infraction à la loi, voit venir une «révolte», «un 2005 décuplé», allusion aux grandes émeutes de banlieues cette année-là:
L'injustice contre les nôtres de ce pays ne finit de grandir.
— Elias d'Imzalène (@imzalene) June 28, 2023
Attaques contre nos sœurs Musulmanes et now on tue nos petits frères.
Le risque d'un 2005 décuplé se profile.
Mais cette fois l'islamophobie et le racisme seront au centre de la révolte.#Nael #Nanterre #Abaya pic.twitter.com/28u7krAWXQ
La colère est là, présente, palpable, alimentée, justifiée, diront certains, par des propos en soi inadmissibles, tenus par l’un de policiers lors du contrôle et dénoncés par une avocate de la partie civile. «Tu vas te prendre une balle dans la tête», entend-on dans la vidéo (citée plus haut) qui circule sur les réseaux sociaux. «Ce geste (réd: le coup de feu) ne relève pas de la légitime défense», affirme l’avocate.
Le prédicateur suisse Tariq Ramadan, acquitté en première instance à Genève de faits de viol, poursuivi en France pour de mêmes chefs, se demande «jusqu’à quand» durera le «déni»:
Nanterre : Le déni... jusqu'à quand ?
— Tariq Ramadan (@TariqRamadan) June 27, 2023
Naël est mort à Nanterre. Un préfet qui cherche ses mots contre l'évidence des images... Une liquidation sommaire à bout portant avec un policier armé qui annonce son intention : "je vais te tirer une balle dans la tête"... en étant… pic.twitter.com/xnBCWkiear
L’autre bord, la droite identitaire, choisit clairement son camp. Sans surprise, celui de la police contre la «racaille», selon le mot du syndicaliste policier Bruno Attal, rangé à l’extrême droite:
Je préfère une racaille morte qu’un policier mort. Chacun son électorat!#Nanterre https://t.co/6ne6Hhj3e5
— Bruno Attal (@Bruno_Attal_) June 27, 2023
Le polémiste-influenceur en cravate Jean Messiha, un habitué de TPMP, l’émission d’Hanouna, toujours partant pour une «battle», défend la police et accuse les «gaucho-progressistes» d’être responsables du drame :
Quand on refuse d’obtempérer aux #FDO, on sait qu’on met le doigt dans un engrenage qui peut être fatal.
— Jean MESSIHA (@JeanMessiha) June 27, 2023
Mais quand, à 17 ans, on est un délinquant multirécidiviste au lourd casier judiciaire et qu’on conduit sans permis, on n’est plus à un risque près.
Le risque de trop donc.… https://t.co/zkRxP5GJjL
Les réactions à la mort violente de Naël ne sont pas seulement le fait de deux camps qui se détestent. Omar Sy, la star d’Intouchables et de Lupin, a sobrement écrit:
Mes pensées et prières vont à la famille et aux proches de Naël, mort à 17 ans ce matin,
— Omar Sy (@OmarSy) June 27, 2023
tué par un policier à Nanterre.
Qu’une justice digne de ce nom honore la mémoire de cet enfant. pic.twitter.com/mdNp6Aju80
Deux autres stars, du football cette fois, ont également eu un mot. Elles ont en quelque sorte pris les devants, tant les étoiles du foot, elles-mêmes souvent issues des quartiers populaires, sont à présent tenues de s’exprimer quand survient ce genre de drame. Le premier à le faire a été le défenseur de l’équipe de France Jules Koundé, avec des propos critiques envers les «journalistes», qu’il entoure de guillemets :
Un jeune homme de 17 ans abattu à bout portant par un policier pour un refus d’obtempérer lors d’un contrôle. Telle est la réalité de la situation et elle est dramatique.
— Jules Kounde (@jkeey4) June 27, 2023
Comme si cette nouvelle bavure policière ne suffisait pas les chaînes d'information en continu en font leurs…
Kylian Mbappé a suivi ce mercredi matin, en moins politique:
J’ai mal à ma France. 💙🤍💔💔💔
— Kylian Mbappé (@KMbappe) June 28, 2023
Une situation inacceptable.
Tout mes pensées vont pour la famille et les proches de Naël, ce petit ange parti beaucoup trop tôt.
Mais pourquoi Sy, Koundé et Mbappé n’ont-ils pas rédigé de tweets après l’assassinat de Lola, comme après «tous les francocides quotidiens»?, demande, faussement ingénu, le pseudo Geronimus III, reprenant au passage le vocabulaire d’Eric Zemmour:
Il semblerait qu'Omar Sy, Jules Kounde et Kilian Mbappé, complètement endormis pour Lola, Annecy, et tous les francocides quotidiens, se soient réveillés pour Nanterre. Ils ont soudainement "mal à leur France". pic.twitter.com/bUF4TgmV4B
— Geronimus lll 🇨🇵 (@Geronimuslll) June 28, 2023
Eric Zemmour, le chef politique des identitaires, s’est attardé sur la dénonciation selon lui à géométrie variable de la récupération d’un certain nombre de drames:
La France a connu une nouvelle nuit de violentes émeutes dans de nombreuses banlieues. Les policiers mais aussi les pompiers ont été attaqués, le moindre bâtiment public incendié, tout comme les voitures de braves gens qui n’ont pas pu aller travailler ce matin.
— Eric Zemmour (@ZemmourEric) June 28, 2023
Quand un…
En France, on compte les morts comme à la guerre, en fonction du camp auquel on appartient.