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Ukraine: La Russie détruit le blé et rappelle l'Holodomor

Les Ukrainiens craignent de revivre l'Holodomor, une terrible famine dans les années 1930 causée par les Soviétiques et qui a tué 5 millions de personnes.
Les Ukrainiens craignent de revivre l'Holodomor, une terrible famine dans les années 1930 causée par les Soviétiques et qui a tué 5 millions de personnes.image: shutterstock/twitter

La Russie détruit les réserves de blé et ravive le pire cauchemar ukrainien

Les troupes russes volent et bombardent les stocks de blé ukrainiens. La population craint de revivre la terrible famine des années 1930, sciemment causée par les Soviétiques en guise de représailles.
27.06.2022, 19:04
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L'armée russe ne cible pas que des sites militaires ou civils en Ukraine. Elle s'attaque aussi aux réserves de céréales, dont le pays est l'un des principaux exportateurs au monde. Mercredi 22 juin, deux sites de stockage de grains ont été bombardés dans la ville portuaire de Mykolaïv. Un silo dans l'oblast de Louhansk (Est) a aussi été frappé.

Sachant que l'Ukraine stocke actuellement près de 30 millions de tonnes de blé, elle peut craindre d'autres agressions sur ses infrastructures.

En détruisant les cultures et installations céréalières ukrainiennes depuis le début de l'invasion, la Russie affaiblit l'une des principales économies de son ennemi. D'autant qu'elle lui a volé environ 700 000 tonnes de céréales (plus de 100 millions de dollars), selon l'ONU, et l'empêche d'exporter sa marchandise en contrôlant les ports. Mais au-delà de l'aspect financier, c'est la privation de nourriture qui terrorise.

Le chef de la diplomatie européenne, l'Espagnol Josep Borrell, a ainsi accusé la Russie de commettre un «véritable crime de guerre» en bloquant ces exportations. Il a ajouté:

«Cela crée la faim voire la famine. Il s'agit d'une tentative délibérée d'utiliser l'alimentation comme une arme de guerre»
Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne

Un génocide et 5 millions de morts

Le risque de famine est particulièrement important pour des pays en Afrique et au Moyen-Orient. Mais les craintes sont aussi vivaces en Ukraine, où ces destructions et privations d'aliments ont ravivé des cauchemars chez les plus vieux de ses citoyens. Parmi eux, Maria Gontcharova, 93 ans. «Je pense que la faim va revenir», angoisse cette habitante de la région de Kharkiv dans une interview pour L'agence France-Presse (AFP). Elle est une survivante de l'Holodomor.

Quèsaco? Ce nom aux sonorités de territoire ou de montagne du Seigneur des anneaux définit l'une des périodes les plus sombres de l'histoire ukrainienne. Littéralement, le terme signifie «famine», mais il est traduit par «extermination par la faim». Entre 1931 et 1933, près de 5 millions d'Ukrainiens et Ukrainiennes sont morts de faim. En cause: la dépossession de leurs récoltes et nourriture par les troupes soviétiques. Ces représailles ont été orchestrées par Staline, qui souhaitait punir les paysans refusant la collectivisation de leurs terres et, par extension, l'idéologie communiste que la toute récente URSS voulait imposer sur tous ses territoires.

«Nous avons survécu uniquement en faisant cuire une pomme de terre et de la farine moulue chaque jour», rappelle Maria Gontcharova. La nonagénaire pense que cette apocalypse peut revenir:

«Les Russes nous ont déjà volé beaucoup de céréales et ils sont capables de tout prendre»
Maria Gontcharova, citoyenne ukrainienne

Elle n'est pas la seule à faire le lien entre la tragédie du début des années 1930 et la situation actuelle. «Les années 1930 sont très propices à l’établissement de parallèles, car il s’agissait également d’une tentative d’anéantissement de ce que nous pouvons appeler aujourd’hui la nation politique ukrainienne», analyse pour l'AFP Lioudmila Hrynevitch, directrice du centre de recherche et d’éducation de l’Holodomor.

Les commémorations de l'Holodomor, avec des bougies posées à côté du monument aux victimes, à Kiev.
Les commémorations de l'Holodomor, avec des bougies posées à côté du monument aux victimes, à Kiev. image: keystone

Les souvenirs racontés par une survivante à l'écrivain Josef Winkler pour son livre L'Ukrainienne (2022) vont dans le même sens:

«lls (les chefs soviétiques) ont causé artificiellement cette famine pour que les gens aillent travailler au kolkhoze (exploitation agricole collectivisée) s’ils ne voulaient pas mourir de faim, parce que la cantine leur donnait du pain et de la soupe pour les journées de travail, rien de plus.»
Une survivante de l'Holodomor

Cannibalisme et exposition saccagée

En plus des privations de denrées, les troupes soviétiques ont assassiné ou déporté vers la Sibérie des paysans ukrainiens qui se rebellaient contre leur autorité. Staline a également ordonné d'éliminer les familles qui quittaient leur village pour trouver de quoi se nourrir ailleurs. Cette famine a entraîné son lot d'horreurs, outre les décès causés par la malnutrition.

«On a tué les enfants, on a vendu leur chair pour de la viande. Et tout le monde a feint de croire que c'était du cheval – un même goût un peu douceâtre»
Une survivante de l'Holodomor
Les commémorations ont aussi lieu dans les églises d'Ukraine.
Les commémorations ont aussi lieu dans les églises d'Ukraine. image: keystone

L'objectif du dictateur soviétique était de faire plier les Ukrainiens et tuer leurs velléités nationalistes en décimant leur production agricole. Exactement comme Vladimir Poutine aujourd'hui, selon plusieurs observateurs.

Ira-t-il jusqu'à reproduire la cruauté de son prédécesseur en affamant ses adversaires? On le craint jusque dans les plus hautes sphères de la politique ukrainienne. Andriï Yermak, chef de l’administration du président Volodymyr Zelensky, affirmait récemment que la Russie tentait de «refaire l’Holodomor».

Si c'est le cas, Moscou ne pourra plus, à l'ère des réseaux sociaux et des médias de masse, cacher aux yeux du monde ces atrocités comme elle l'avait fait dans les années 1930 et pendant des décennies encore. Ce n'est qu'en 2006 que l'Ukraine, pourtant victime, a reconnu l'Holodomor comme un génocide. La même année, une exposition sur la thématique a été saccagée dans la capitale russe.

En Ukraine, l'Holodomor est commémoré chaque année par les autorités qui mettent les drapeaux en berne et vont à la messe. Les citoyens ont pour habitude de mettre des bougies à leur fenêtre et près des monuments qui rendent hommage aux victimes. Des plaies qui n'ont pas encore cicatrisé et dont toute une nation craint la réouverture.

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