Il y a eu Bruxelles, le premier mars. Puis Londres, une semaine plus tard, et ensuite Varsovie, Ottawa, Washington, Berlin, Tokyo, Paris... Ce jeudi, c'est le tour de Canberra. Ce n'est pas la tournée mondiale d'une rockstar, bien que le principe ne soit pas si différent. Depuis le début du mois, le président ukrainien Volodymyr Zelensky enchaîne les discours devant les leaders du monde occidental, dans l'espoir de les mobiliser autour de sa cause.
En direct vidéo depuis Kiev, le chef d'Etat s'est déjà exprimé devant pas moins de 15 assemblées. D'autres dates sont prévues en avril.
Ses interventions, d'une durée de 10 à 15 minutes, s'achèvent souvent de la même manière: sous une pluie d'applaudissements de la part de parlementaires admiratifs, conquis par les mots du président ukrainien.
Un succès qui s'explique, du moins en partie, par un procédé que Volodymyr Zelensky a développé au cours de ses prises de parole et qu'il applique à l'identique à chaque étape de sa tournée diplomatique. Ses interventions sont à la fois uniques et équivalentes: pour solliciter l'aide dont il a besoin, le président ukrainien glisse dans son discours des références historiques et culturelles propres au pays auquel il s'adresse.
Zelensky a commencé à user de ce mécanisme à partir de son deuxième discours, qu'il a tenu devant le parlement anglais, le 8 mars dernier. Sa première intervention, une semaine plus tôt au parlement européen, était plus classique. «Je n'ai pas des notes, je n'ai pas écrit ce discours à l'avance», avait-il notamment affirmé. Une déclaration révélatrice, qui suggère à quel point les prises de parole suivantes ont été soigneusement préparées. Sélection.
Volodymyr Zelensky a pris la parole à Londres le 8 mars. Lors de son discours, il a cité deux des personnalités britanniques les plus populaires du pays.
Si la référence au célèbre poète est évidente, la suivante peut être plus difficile à identifier.
Ce dernier passage fait référence à un discours prononcé par Winston Churchill le 4 juin 1940, en pleine Seconde guerre mondiale. Voici l'original:
La Seconde guerre mondiale était également présente dans l'allocution prononcée par Zelensky devant le Congrès américain, le 16 mars:
Après avoir évoqué l'attaque japonaise, le président ukrainien a enchaîné avec l'histoire récente:
Sans oublier un petit clin d'oeil à une personnalité bien connue, pour demander une zone d'exclusion aérienne au-dessus de l'Ukraine:
Le 17 mars, alors qu'il s'adressait au Bundestag allemand, Zelensky a parlé d'un moment iconique de l'histoire du pays:
La phrase reprend mot pour mot celle que le président américain Ronald Reagan, lui aussi ancien acteur devenu président, a adressée depuis la porte de Brandebourg à son homologue soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, en 1987: «Tear down this wall». Satisfait de sa trouvaille, Zelensky a ensuite abondé avec les métaphores:
Et encore, concernant les étroites relations économiques entre Berlin et Moscou:
Lors de sa date suisse, Volodymyr Zelensky n'a pas parlé devant l'assemblée fédérale. Le 19 mars, il s'est exprimé lors d'une manifestation à Berne, événement rendu en quelque sorte officiel par la présence du président de la Confédération, Ignazio Cassis.
Malgré cela, les références mobilisées par le chef d'Etat ukrainien étaient beaucoup plus légères que celles qu'on a pu entendre auparavant.
La référence au national-socialisme ne pouvait pas manquer. Volodymyr Zelensky, lui-même d'origine juive, a atteint le point Godwin devant les députés de la Knesset, le 20 mars, à Jérusalem.
Devant les députés français, le 23 mars, le président ukrainien a confirmé sa passion pour les conflits mondiaux, en choisissant cette fois de citer le premier:
Avant de citer la devise de la République française:
L'allocution tenue au Danemark, mardi 29 mars, ressemblait plus à celle que Zelensky avait prononcée devant les manifestants réunis à Berne, dix jours auparavant: pas de grandes références historiques, juste un clin d'oeil à la culture locale:
En danois, le mot hygge désigne un sentiment de bien-être, une humeur joyeuse et une atmosphère intime et chaleureuse.
Cette manière de s'adresser aux parlements s'inscrit dans la stratégie de communication que Volodymyr Zelensky a adoptée depuis le début de la guerre en Ukraine.
«Zelensky est un homme de spectacle, il exploite ses armes à lui. Cette communication est sa manière d'avoir le plus d'impact possible», analysait dans nos colonnes Alexandre Eyries, enseignant-chercheur HDR en sciences de l’information et de la communication.
Exploiter ses armes à lui, c'est précisément ce qu'il fait pendant sa tournée diplomatique, affirme l'historienne Galia Ackerman sur BFMTV: «C'est une façon pour lui de montrer ses connaissances, mais surtout de cibler un certain auditoire. Au-delà du parlement, c'est à la population tout entière que son message est adressé.»