Peu avant son départ pour le sommet des chefs de gouvernement à Bruxelles, Robert Fico a déjà clairement indiqué que de nouveaux temps s'étaient ouverts à Bratislava: «Je n'accepterai aucune nouvelle sanction contre la Russie», a promis le nouvel homme fort de Bratislava. Ces sanctions ne serviraient à rien et nuiraient à la Slovaquie, a justifié le populiste de gauche ami de Poutine, qui avait été réélu Premier ministre pour la quatrième fois la veille.
Au cours des trois semaines qui ont suivi les élections législatives, Fico a réussi à former la coalition politique de son choix: outre son parti Smer-SD («Direction - Social-démocratie»), qui a remporté les élections avec près de 23%, elle comprend la scission du Smer «Hlas» («Voix», 15%), plutôt pro-européenne, fondée en 2020, ainsi que le Parti national slovaque (SNS, 5,6%), hostile à l'UE.
Auparavant, la présidente libérale Zuzana Caputova avait tenté en vain de retarder la formation du gouvernement de son adversaire politique de longue date par le biais du sommet de Bruxelles. Elle a déposé deux recours contre les trois ministres SNS choisis par Fico. Il s'agit notamment de la nouvelle ministre de la Culture Martina Simkovicova, ouvertement fasciste, et du ministre de l'Environnement Tomas Tereba, qui estime que le réchauffement climatique est une «grosse escroquerie».
«Nous serons un gouvernement constructif», a promis Fico lors de sa prestation de serment, mercredi soir, au palais présidentiel. «Vous verrez une politique étrangère slovaque souveraine», a ajouté le nouveau premier ministre, qui avait déjà annoncé pendant la campagne électorale la fin de l'aide militaire à l'Ukraine. «Nous ne livrerons pas une seule balle à l'Ukraine», avait promis Fico, appelant en même temps à de meilleures relations avec la Russie.
En conséquence, Fico a fait entrer le député pro-russe controversé Juraj Blanar (Smer) dans son cabinet en tant que ministre des Affaires étrangères. En avril 2022, Banar avait été l'un des rares à voter, au Conseil national slovaque, contre une condamnation des atrocités russes à Boutcha, pourtant avérées et documentées. En janvier de la même année, il s'était déjà opposé fermement au traité militaire slovaco-américain, qui accorde aux troupes américaines deux bases aériennes.
La nomination de Robert Kalinak (Smer) au poste de ministre de la Défense est au moins aussi controversée. Cet ami de Fico, généralement considéré comme particulièrement corrompu, était ministre de l'Intérieur avant l'assassinat du journaliste d'investigation slovaque Jan Kuciak. Des manifestations de colère l'avaient contraint, ainsi que Fico, à démissionner en 2018.
En avril 2022, Kalinak a été brièvement arrêté dans le cadre du meurtre de Jan Kuciak, mais il a rapidement été remis en liberté. La procédure pour «formation d'une association criminelle» a été abandonnée du jour au lendemain.
Les observateurs, à Bratislava, s'attendent à ce que Fico s'inspire politiquement, au cours des prochaines semaines, de son modèle politique: le Hongrois Viktor Orban. Dans ce contexte, on ne sait pas quelle influence aura le parti plutôt pro-européen Hlas, piloté par son ex-camarade de parti, Peter Pellegrini. Notons toutefois que, par le passé, Fico a fait preuve de pragmatisme vis-à-vis de l'UE et a tout de même contribué à l'introduction de l'euro dans le pays.
Cette situation politique est un problème pour le voisin ukrainien. En effet, la Slovaquie partage, à l'Est, une frontière de 100 kilomètres avec le pays en guerre. Des temps difficiles s'annoncent. Fico veut certes continuer à fournir une aide humanitaire, mais il ne veut absolument plus livrer d'armes.
On ne sait toutefois pas très bien quel matériel de guerre l'armée slovaque pourrait encore céder, tous les avions de chasse et systèmes de missiles de conception soviétique ayant déjà été livrés à Kiev par le gouvernement libéral précédent. De 1948 à 1993, la Slovaquie a fait partie de la Tchécoslovaquie, dominée politiquement et militairement par l'URSS.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)