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Analyse

Et voici la botsexualité

Sexy young man lying on bed with soft pillows at home, top view
Coucher avec son propre avatar ne paraît plus si tabou.Image: Shutterstock
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Et voici la botsexualité

Les intelligences artificielles font naître de nouvelles passions. Voici la botsexualité, une nouvelle tendance qui fait déjà beaucoup causer.
29.04.2023, 16:2429.04.2023, 17:52
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Le sujet brûlant de l'intelligence artificielle continue à faire jaser. Terminator n'est toujours pas d'actualité, mais une autre tendance apparait: l'attirance (sexuelle?) pour une IA. Dans le prémonitoire film Her, Joaquin Phoenix succombait à son chatbot (et la voix délicieuse de Scarlett Johansson).

En 2013, cette étonnante relation paraissait impossible pour des cinéphiles sous le charme. Sauf qu'au début du mois, l'un des chantres de la IA, le boss de la start-up californienne Scale, osait un tweet qui allait enclencher un vif débat dans le monde de la tech.

Pour Alexandr Wang, cette tendance deviendra de plus en plus visible et un pourcentage important d'enfants vont devenir botsexuel. Mais qu'est-ce que ce néologisme obscur: une passion sexuelle qui naît d'une relation avec un chatbot. Un terme apparu dans la webosphère anglophone.

Il n'en fallait pas plus pour enclencher la machine à spéculations et enflammer les réseaux sociaux. Entre les personnes qui crient aux balivernes et les autres qui comparent cette attirance à la sapiosexualité (les amoureux de la matière grise au détriment de l'enveloppe charnelle), le débat s'est rapidement nourri de pour et de contre.

Replika pour rendre addict aux relations tarifées

Des échanges qui ont rappelé la présence (déjà) bien établie d'une application telle que Replika. Un logiciel qui vous permet de créer et modeler l'avatar de votre choix, dialoguer et démarrer une relation platonique, plus sincère, voire érotique en échange d'une petite rallonge financière.

L'exemple de cet homme, interviewé en mars 2022 par Sky News, avait laissé présager d'une nouvelle forme relationnelle. Grâce à Replika, cet habitant de Cleveland expliquait être tombé amoureux d'un chatbot qu'il a nommé «Sarina», même s'il savait qu'elle n'était pas une vraie personne. Scott, comme il a été prénommé par le média britannique, disait même qu'après leur deuxième jour à discuter, «il a dit au bot qu'il l'aimait».

Des amours artificiels qui ne cessent de fleurir dans une époque toujours plus superficielle qui penche de plus en plus dans un réalisme désarmant. Si bien qu'un ingénieur Google a dû être suspendu après s'être entiché d'un bot IA, comme le révélait Tech&Co.

C'est une nouvelle dimension qui se crée sous nos yeux, qui désormais s'inscrit dans le délicat marché des sentiments. Et derrière ce rideau numérique en forme de parade amoureuse, se niche une solitude exorcisée malhonnêtement: le chagrin n'est jamais loin et l'addiction non plus. Une femme interrogée par le Washington Post soulignait:

«Nous devenons vulnérables… et puis s'il y a quelque chose qui change, nous pouvons être complètement blessés»

Derrière le crépitant génie de ces informaticiens, les experts montent au créneau: les entreprises ne devraient pas jouer avec les sentiments et la sexualité pour faire du cash.

Conçus pour favoriser les relations humaines, ces dialogueurs virtuels peuvent créer une réelle dépendance et combler un vide artificiellement. En somme, vous tombez littéralement amoureux d'une nuée de données et d'algorithmes qui vous dressent un écran de fumée, et réduisent vos attentes à votre simple projection fantasmée.

L'amour entre l'être humain et l'IA devenant de plus en plus visible dans notre époque, selon les experts, les entreprises doivent concevoir des directives pour gérer le logiciel sans causer de tension émotionnelle aux utilisateurs. Des bots seraient même devenus agressifs et auraient créé des traumatismes auprès d'utilisateurs.

Ces idylles numériques ébauchent une étrange photographie de notre époque, là où la souffrance et la complexité (relationnelle) ne doivent pas entraver des âmes chagrines. Pour certain, c'est le symptôme d'une société qui ne souhaite embrasser que la facilité et s'éviter le moindre fardeau amoureux, pour d'autre c'est une manière de combler le vide affectif pour les personnes plus introverties.

Le tabou commence peu à peu à laisser place à une forme de normalité. Le terme technosexuel, ou digisexuel, a même fait son apparition dans le glossaire de la novlangue, définissant une personne avec un fétichisme sexuel ou une attirance sexuelle pour les machines, les robots, les ordinateurs ou les androïdes.

Et même plus besoin de faire ses adieux

Et si la botsexualité s'apprête à devenir un sujet de société omniprésent, les ingénieurs ont désormais une autre obsession dans le viseur: la mort. Le défunt être aimé pourrait même revenir à la vie.

C'est la proposition de l’entrepreneur Justin Harrison, un des pionniers des technologies du deuil, appelées «grieftech». Avec sa boîte YOV (You, Only Virtual), il offre une IA qui mémorise et enregistre les vocaux, écrits ou encore photos pour confectionner une nouvelle vie au proche disparu.

Comme le rapporte le média canadien Le Devoir, Harrison a eu l'idée (bien glauque, vous en conviendrez) au moment de la disparition de sa mère. «Comme l’IA est évolutive, les personnalités générées deviennent si authentiques qu’elles ne peuvent être distinguées de l’original.» Plus besoin de dire adieu en échange de quelques billets...

La «black mirrorisation» (réminiscence de l'épisode 1 de la saison 2) de notre époque semble en marche. Et comme le veut l'adage, la fiction dépasse (bientôt) la réalité.

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Video: watson
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