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Que se passe-t-il avec Angèle?

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Que se passe-t-il avec Angèle?

Depuis qu'elle s'est épanchée dans le dernier numéro de Vogue, c'est pas qu'on s'inquiète, mais presque.
03.02.2023, 19:0204.02.2023, 12:11
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2016. On la découvre sur Instagram, vidéos foutraques, vraie voix, gueule d'ange à grimaces malicieuses, punkette duveteuse. Et cette autodérision si profondément belge. Encore quasi une enfant, mais déjà grande.

Le 23 octobre 2017, confirmation. Angèle est bien ce bonbon acide que la pop francophone rêvait d'avaler tout rond. La loi de Murphy, son clip arty-débile, mais gourmand et popu comme une conserve de chez Monoprix. L'insolence juvénile, le verbe espiègle, le flafla maladroit. Tout est au bord des lèvres, ready à être postillonné en mondovision. Le talent est bien là, la concurrence est déjà lasse. Bravo, hourra, reviens vite surtout.

On pense à Lily Allen sans l'odeur de bière tiède

Angèle a 22 ans. L'album Brol déboule. Malin, dégourdi, technique, libre. Toujours bien belge, mais fédérateur. Des hymnes moulés à la française, mais recrachés à l'américaine. Le cool maîtrisé, la verve hip-hop, les mélodies qui rêveraient de vivre dans un refrain d'Hélène Ségara. Tout y est naturellement narcissique, des amours aux journées de merde. Et ça fonctionne.

Dans les premières interviews, ça papote musique, féminisme inné, famille d'artistes, le frangin Roméo Elvis qui prend trop de place, les réseaux, les commentaires pas gentils, le piano à l'âge de cinq ans. Les mots claquent, le propos est lucide, l'humour pisse par tous les orifices médiatiques. Chaque syllabe fouette l'envie de bouffer la vie, mais depuis sa grotte, parce que dehors c'est un peu chelou quand même. Les enjeux sont simples, les gros mots emballés dans du papier bulle. Il y a bien quelques angoisses générationnelles qui grondent, mais elles défient encore l'avenir d'un bleu azur. La tête est haute, trempée d'ambition.

Angèle, 2017, période Loi de Murphy.
Angèle, 2017, période Loi de Murphy.

Pas vraiment Madonna, surtout pas la Reine des neiges.

Les gamines adorent, les parents approuvent. Parce que c'est si rare, la futilité intelligente

Pour elle, ça fend la foule, en famille, à Paléo. Ça balance son quoi, en famille, dans la bagnole. Tout le monde y trouve son compte et ça fait gonfler le sien. Mérité. Sur scène, le grain de voix déraille un peu, parce qu'il faut gigoter, divertir, embarquer, fédérer (toujours). On danse à corps-joie, on chante à tue-tête.

Si seulement toutes les fillettes avaient une Angèle dans leur sac à dos pour apprendre à filer droit.

2018, on la rencontre à Montreux (VD). Interview express, à fond de tour-bus. Cinq minutes, c'est peu, mais c'est déjà plus long qu'une story Instagram. Le micro paraît envahissant, les réponses sont farouches. Angèle se montre multiple, habitée, réservée, factuelle, intelligente, complexe. Enfoncée dans son siège, la voilà au moins aussi impressionnable que sa petite chienne Pépette.

C'est pas fastoche d'être nécessaire quand on a l'âge de s'en foutre

Dans quelques heures, pourtant, 3000 personnes reprendront, extatiques, les refrains qu'elle a tricotés dans son coin. On la croit malgré tout armée pour digérer la fame, même si le flingue est en baudruche. L'icône en téléchargement n'a pas tout à fait conscience de son aura. Pas tout à fait confiance en soi.

Paléo Festival, 2019, 30 000 personnes.
Paléo Festival, 2019, 30 000 personnes.paléo

Rien de grave et petit paradoxe naturel. On a simplement affaire à la génération Cyprien: la piaule d'ado, centre narcissique d'un cyclone qui n'a plus besoin de se frotter au monde pour le retourner, l'envahir, le séduire. Pour autant qu'on ait un peu de wifi et une bonne caméra. Et puis, le public fonctionne un peu comme un écran de smartphone: une foule aimante, c'est souvent moins intimidant qu'un seul être humain.

Pop star, ça n'a jamais été un métier. Surtout quand on naît Angèle Van Laeken en banlieue de Bruxelles. Britney, encore, ça se comprend. Aux Etats-Unis (merci Disney), il y a tout un cursus balisé à l'avance pour être certain de finir le crâne à moitié rasé sous les assauts des photographes. Surtout qu'aujourd'hui, il faut réussir à orner ses habits de lumière de pin's à messages. Il s'agit d'incarner quelque chose. On ne peut plus simplement profiter de sa gloire en engloutissant drogues et espérance de vie.

Angèle a terminé de télécharger l'icône. C'est désormais un modèle pour toute une génération de propriétaires de compte TikTok.

Lexomil, nombril, bubble-tea

2021, deuxième album. Nonante-cinq est moins fédérateur. C'est Angèle qui a l'amabilité de nous prévenir, dans un documentaire Netflix «intimiste», «riche en révélations» et calibré pour une époque qui vend beaucoup moins de disques que de bubble-tea et de Lexomil. Le nombril prend encore plus de place. Le Moi si encombrant qu'il n'est plus universel. La malice a quasi disparu. Tout a l'air compliqué. La vie, la fame, le genre, la beauté, l'argent, la musique, la scène, les médias, la (bi)sexualité, les réseaux, les autres. On rigole moins, on devient l'épaule trempée des larmes d'une star qui a pourtant les mêmes défis que la plupart des gamines de quinze ans: faire son trou dans la life. La thune et l'audience en plus.

«J'peux pas m’empêcher de composer comme exutoire. Racontant ma vie privée, et puis ensuite de m’en vouloir»
Tiré de la chanson Taxi, 2021

Sans aller jusqu'à dire que cet album «n'est pas plus désagréable que quarante-trois minutes de scie circulaire» ou «que ses textes ont été écrits par un générateur de mots de passe sécurisés» (merci Libé), on se met simplement à chercher Angèle sous la couche de soupirs. Celle qui ironisait sur les doutes, les journées de merde et les likes sur Insta.

La moue
La moueinstagram

Pas simple de questionner tout et son contraire. De s’éclater sans éclater. Pas simple de s'épancher sur ses petites galères quand une armée de petites filles est pendue aux lèvres de la modèle. Pas simple de rejeter les injonctions à plaire, puis se plaire en égérie Chanel. Pas simple de grandir.

Pas simple, la vie

Rappelez-vous, on pensait à Lily Allen et voilà qu'on hérite d'Adele. Non pas que pleurnicher soit un crime, mais c'est moins touchant en couverture de Vogue que sur la misérable fiche de salaire de notre voisine de palier.

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En vrac, le succès vient avec «une sorte de privation». Elle n'aurait pas eu la même carrière si elle avait «chanté avec une cagoule». Elle prend de l'âge et ça la «terrifie». Les vêtements, les bijoux la «réjouissent». Elle n'a plus honte «d'être belle». Elle regrette quelques paroles «insouciante». Elle «déteste» ce «truc de femme forte». La musique y fait un détour timide pour pas qu'on oublie qu'elle chante, aussi. Certes, Angèle assume ses paradoxes. Comme vous ou la voisine de pallier.

«Quand je la maquille, elle est hyper détendue. Je commence toujours par nettoyer son visage avec les disques lissants pour la peau Elem»
La maquilleuse d'Angèle, en mode confession beauté pour Vogue cette semaine

Rien de bien grave, hein. Elle veut rester positive, sourire, continuer à incarner. Mais Angèle est aujourd'hui une jeune star traditionnelle, une icône classique. Une étoile inatteignable. Contrairement à une certaine Billie Eilish, 21 ans, qu'Angèle «écoute peu» parce que ça la rend «triste». Parce que Billie raconte des choses dures. Billie a des angoisses en titane. Ecouter Billie, c'est donc «participer à ses angoisses».

«Je suis comme tout le monde», pense-t-elle en conclusion de Vogue. Trop occupée à habiller ses propres petites galères de paillettes qui ne trompent personne, Angèle n'a manifestement pas eu le temps de réaliser qu'en quatre petites années, elle est devenue cette ordinaire chanteuse à succès qui refuse de voir le monde tel qu'il est. Parce qu'elle n'y est manifestement plus.

Vous avez mérité des photos de lapins fluffy:
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