Depuis octobre 2020, l'enquête judiciaire révélée en partie par Le parisien (à ce jour, la plus grande réalisée sur des violences sexuelles en France), met en lumière les conditions de tournage dégradantes dans le milieu du X, et spécialement le secteur dit «pro-am» (des productions mettant en scène des femmes «amatrices» et non actrices professionnelles). Plusieurs médias, dont Libération, parlent d'un total de 12 personnes mises en examen et 4 actuellement en garde à vue, dans un dossier qui compte, à ce jour, au moins 53 plaignantes.
Parmi eux, deux producteurs. Pascal O., dit «Pascal OP», 59 ans, l'artisan du site French bukkake (280 000 visiteurs par année en moyenne) et Matthieu L., alias «Matt Hadix», un trentenaire qui produit des films pour les célèbres franchises Dorcel et Jacquie et Michel. Le réseau sordide des deux hommes a été démantelé à l'automne 2020.
Les chefs d'accusations, rappelés par Franceinfo, sont les suivants: viols, traite d’êtres humains aggravée, proxénétisme aggravé, diffusion de l’enregistrement d’images relatives à la commission d’une atteinte volontaire à l’intégrité de la personne et exécution d’un travail dissimulé commis à l’égard de plusieurs personnes.
Le monde a pu prendre connaissance des milliers de messages SMS ou WhatsApp échangés entre 2015 et 2020 entre Pascal Ollitraut, Mathieu L. et leurs autres associés. Les journalistes évoquent «un vocabulaire pour initiés, une comptabilité de boutiquiers faite de commissions en cash, et une gestion logistique des femmes comme de la marchandise».
On y lit par exemple:
Ou encore:
La pouf, c'est Julien D., placé en détention provisoire et mis en examen pour «viol» et «traite d'êtres humains aggravée». Il repérait les jeunes filles en difficulté sur les réseaux sociaux en se faisant passer pour une escorte. Pour régler leurs problèmes d'argent, il les persuadait de se prostituer pour une nuit (il jouait lui-même le rôle du riche client).
Les victimes ne verront jamais la couleur de cet argent. Julien D. les pousse ensuite à réaliser des vidéos pornographiques pour Mat Hadix et Pascal OP. Elles tourneront plusieurs scènes, avec plusieurs hommes, et les vidéos se retrouveront sur les plateformes du monde entier (tout le contraire de ce qui leur avait été promis).
Le monde explique que «grâce» à ce réseau mis en place, (une filière d'approvisionnement avec des femmes comme «matière première»), Mat Hadix et Pascal OP sont devenus des acteurs clés du petit milieu de la pornographie française.
Comment ont-ils fait «fructifier» leur business? En «rentabilisant» leurs victimes, via trois méthodes.
C'est justement cette troisième source de financement qui pourrait faire basculer le dossier du côté du proxénétisme, un tournant judiciaire redouté par le secteur de la pornographie, qui ne veut pas risquer de voir l’ensemble de son activité tomber sous le coup de cette législation. Les avocats des mis en cause nient toutefois ces transactions. Pour eux, il s'agirait de «remboursements de frais» et non de «commissions».
Les deux géants du porno français, Ares (société mère de Jacquie et Michel) et Marc Dorcel minimisent – devant les quatre rapporteuses de la commission aux droits des femmes du Sénat – leur proximité avec le duo. Grégory Dorcel, le directeur général, assure n'avoir «jamais diffusé» les productions de Pascal OP pour «une raison éditoriale». L’enquête montre pourtant que les scènes tournées par le duo se retrouvent sur des productions Dorcel, notamment sa branche Afrique. Les plateformes de vidéo à la demande, de leur côté, assurent «n'avoir rien à se reprocher».
En conclusion de l'article du journal Le monde, les journalistes évoquent les faux tests pour les maladies sexuellement transmissibles, réalisés par Pascal OP et Mat Hadix. Bien évidemment, devant le juge, Pascal OP a affirmé «n'avoir jamais réalisé de faux tests».
La réalité est toute autre. Apparemment, un ingénieur informaticien aurait même été mobilisé pour concevoir un programme qui en générait en «quantité industrielle». Le 21 août 2020, Mat Hadix aurait même demandé un faux test «avant 15 heures» pour lui-même, avant l’un de ses tournages.
Son avocate justifie:
Il est important de rappeler que les deux hommes étaient prêts à se faire attraper un jour ou l'autre: leur stratégie de défense est donc élaborée depuis un certain temps. (ag)