Jubilatoire et frustrant. Voilà les deux adjectifs qu'il convient d'utiliser pour résumer le sentiment qui hante les panses pleines de bûche(s), après avoir visionné Glass onion sur Netflix.
En réunissant Daniel Craig, Edward Norton, Janelle Monáe, Kate Hudson, Kathryn Hahn ou encore l'incroyable David Bautista, Rian Johnson s'est fait plaisir, nous flanque un sourire franc mais... nous pousse aussi à ronger le tronc du sapin de Noël.
Le pitch est simple comme une partie de Cluedo: en 2020, la pandémie bat son plein. Miles Bron, un milliardaire de la tech foutrement inspiré d'Elon Musk et incarné par Norton, invite sa bande rapprochée de disrupteurs (des bras cassés, en réalité).
Le lieu? Son île privée. Objectif? Jouer aux détectives pour de faux et répondre à cette question absurde: «Qui a tué Miles Bron?» Certes, une activité de nantis qui s'ennuient, mais qui drainera plusieurs brouettes de rebondissements. Et bien sûr, rien ne se déroulera comme prévu, puisqu'un véritable meurtre va très vite dévoiler le vrai visage de cette collection de riches hurluberlus.
Invité sans réellement l'avoir été, c'est le détective Benoît Blanc (formidable faux abruti campé par Daniel Craig) qui se retrouve chargé de résoudre l'énigme.
Benoît Blanc c'est vraiment le meilleur rôle de Daniel Craig.
— Aline AndOut (@AlineAndOut) December 25, 2022
S'il est difficile d'en raconter davantage sans divulgâcher l'entier de ce «whodunit» (comme on nomme les films Cluedo), sachez par exemple que la galerie de grosses andouilles réunies sur l'île mérite à elle seule le déplacement. Quand un Youtubeur baraqué et masculiniste, une fashionista narcissique et insortable, une politicienne de seconde zone, un scientifique trop lucide ou encore une it-girl à moitié à poil se retrouvent au beau milieu d'une scène de crime, c'est la foire à la grosse rigolade.
Dans ce Glass onion, les bonnes répliques fusent à la même vitesse que les situations rocambolesques. Mention spéciale à la petite claque que le réalisateur envoie à Jared Leto, en mettant en scène le «Kombucha à 9% d'alcool de Jared Leto», qu'il cherche à financer. Il faut dire que la pellicule de Rian Johnson semble inspirée d'un filtre Instagram d'influenceuse à Dubaï, les détails et les références débordent du cadre et les accoutrements sont absolument fantastiques.
Allez, on vous dévoile tout même un petit détail qui aura son importance dans l'intrigue: la Joconde, oui, l’œuvre originale, trône fièrement dans le palais du milliardaire, grâce à un prêt exceptionnel du Louvre. Pourquoi? Parce que la pandémie a fait fermer les musées et que «la France a besoin de thunes».
Rappelons déjà que Glass onion est le deuxième opus d'une série qui comptera trois films. Dans le premier volet, Knives out, Benoît Blanc (toujours lui) était chargé de résoudre la mort d'un riche écrivain, entouré d'une famille que tous les membres détestent suffisamment pour incarner le meurtrier. Sorti en 2019, le film comportait déjà son lot de personnages hauts en couleur et de situations ubuesques.
The Glass Onion was a nice watch but there was absolutely no suspense whatsoever or intrigue whatsoever
— osman (@toomuchusmaan) December 25, 2022
En revanche, ce premier film possédait quelque chose que Glass onion n'a pas: la qualité et la complexité de l'intrigue. Alors que Knives out plongeait le public dans un labyrinthe de pistes et de pressentiments qui empêchaient quiconque de deviner l'identité du coupable avant la dernière scène, Glass onion est moins réussi dans sa conception du suspens. Il est donc probable que votre meurtrier favori en début d'intrigue soit en réalité... le véritable tueur.
Mais ne nous arrêtons pas à ce (gros) détail. Glass onion pose un regard sévère sur la vacuité des nouveaux super-riches, sur l'autocratie made in Elon Musk et sur une méritocratie moderne uniquement composée d'egos blessés et d'audience sur les réseaux sociaux.
Certes, le film n'est pas du niveau de la série Succession pour ce qui est des liens de pouvoir ou de White lotus pour la fresque sociale, mais c'est assurément le divertissement jubilatoire le plus réussi de cette fin d'année.