Le 5 octobre 2017, l'affaire Weinstein éclatait au grand jour dans le New York Times. L'enquête révélait les accusations de violences sexuelles contre le producteur du cinéma, et les nombreux accords financiers qu’il a conclus pour faire taire ses victimes présumées. Dix jours plus tard, l’actrice Alyssa Milano publie un message dans lequel elle encourage les victimes de violences sexistes et sexuelles à témoigner en reprenant l’expression #metoo. Une révolution sociale, culturelle, sexuelle et judiciaire est née, et elle bouleversera la planète.
Peu après la révélation des premières accusations, Harvey Weinstein sera licencié de sa compagnie, la Weinstein Company, et exclu de l'Academy of Motion Picture Arts and Sciences, entre autres. Des enquêtes judiciaires et des plaintes sont lancées par six femmes à Los Angeles, à New York et à Londres.
À la suite de cette affaire particulièrement médiatisée, de nombreuses personnalités publiques, issues notamment du monde du spectacle, se voient reprocher des faits similaires. En 2020, le producteur est condamné à 23 ans de prison pour viol et agression sexuelle sur deux femmes.
L'affaire Weinstein a entraîné de nombreuses manifestations ainsi que d'innombrables mobilisations sur les réseaux sociaux. En effet, plus de soixante mille messages suivront le célèbre tweet d'Alyssa Milano, en majorité rédigés par des femmes.
If you’ve been sexually harassed or assaulted write ‘me too’ as a reply to this tweet. pic.twitter.com/k2oeCiUf9n
— Alyssa Milano (@Alyssa_Milano) October 15, 2017
Elles sont célèbres ou anonymes, et toutes livrent leurs témoignages, leurs ressentis, et dénoncent les regards, les agressions, les viols qu'elles ont subis. Tous milieux et toutes sphères sociales sont confondus: l'école, le travail, la famille, l'université, l'espace public. Les récits s'empilent et affluent de partout, comme le rappelle le Monde, qui consacre dix jours – du 5 au 15 octobre, date de naissance du célèbre hashtag – à cette révolution. D’autres mots-clés apparaîtront à travers le monde, dont #balancetonporc, lancé en France par la journaliste Sandra Muller.
La force du message envoyé par les femmes est d'autant plus fort qu'il est repris en masse, systématiquement et de manière répétitive.
Pour marquer le pas, les journalistes de Mediapart ont animé un live de 4 heures, avec plusieurs intervenantes, dont Hélène Devynck, autrice de Impunité, un ouvrage qui dénonce les violences sexuelles commises par Patrick Poivre d’Arvor, ou Camille Kouchner, autrice de La Familia grande, un livre qui décortique les mécanismes du silence qui entoure l'inceste. Le débat tournait autour de la question suivante: 5 ans après #metoo, est-ce que les rapports de domination et de pouvoir ont vraiment changé? Et est-ce que les victimes sont plus écoutées?
Hélène Devynck est revenue sur l'affaire PPDA. Elle raconte:
La conclusion générale de l'émission est en demi-teinte. Les intervenantes reconnaissent que la façon dont les femmes sont entendues a changé, que le seuil de tolérance est plus bas qu'auparvant, que la question des violences sexistes et sexuelles a été mise sur le devant de la scène et a pris place dans le débat public, qu'il y a eu une libération de la parole et qu'une unité s'est créée entre de nombreuses femmes. Christelle Taraud, historienne, explique:
L'émission rappelle toutefois qu'il y a encore une grande culture de l'impunité, que les femmes victimes de violences sont souvent réduites au silence, que les féminicides restent un fléau mondial et qu'on ne peut de loin pas affirmer que socialement et institutionnellement, les choses aient beaucoup évolué. Les acquis de #metoo demeurent encore fragiles. (ag)