La directrice de Santésuisse explique ce qui cloche dans le système
Presque inaperçue du public, une ère touche à sa fin dans la politique suisse de la santé. Le 31 décembre, Verena Nold quitte son poste de directrice de Santésuisse. Pendant 22 ans, Nold a travaillé pour l'association des assurances-maladie suisses, dont 13 ans en tant que directrice.
Peu de personnes ont traversé autant de réformes que cette Grisonne. Dans son interview d'adieu, elle explique comment elle façonnerait très personnellement le système de santé du pays.
Elle quittera ses fonctions à la fin de l'année, ce qui marquera également un nouveau départ pour l'association: en janvier 2026, Santéservices SA remplacera Santésuisse. Santéservices fournira des services aux assurances-maladie et sociaux dans les domaines de la formation, des tarifs, du contrôle des factures, de l'audit économique, de la statistique et de la numérisation.Le rôle politique que Santésuisse jouait depuis longtemps sera repris par la nouvelle association Prioswiss. (sf)
Si vous étiez, pour un jour, la reine du système de santé suisse et que vous pouviez tout changer d'un claquement de doigts, que feriez-vous?
Verena Nold: Je dois préciser d'emblée que je m'exprime ici à titre personnel, et non au nom de Santésuisse.
Regardons une région: elle fait tant de kilomètres carrés, et tant de millions de personnes y vivent. Et maintenant, vous décidez simplement combien d'hôpitaux il faut et où ils doivent se trouver?
Je veillerais d'abord à ce que les hôpitaux se trouvent tout au bout de la chaîne de soins. Tout devrait être réalisé en ambulatoire lorsque c'est possible, et de la manière la plus accessible possible.
Ce qui importe, c'est que l'offre corresponde aux besoins de la population. C'est pourquoi j'introduirais une valeur de référence valable dans toute la Suisse, indiquant clairement combien de médecins de famille, pédiatres, ophtalmologues, cardiologues, dermatologues, etc., seraient optimaux pour 1000 habitants selon leur structure d'âge.
Et dans le domaine hospitalier?
Là aussi, il faut une clé qui définisse combien et quels types de lits hospitaliers sont nécessaires pour 1000 habitants selon leur structure d'âge.
En tant que souveraine absolue, vous pouvez certes imposer cela, mais surtout dans le domaine ambulatoire, vous restreindriez la liberté économique. Les médecins ne pourraient plus pratiquer partout.
Je ne veux pas d'une économie planifiée. D'où un indicateur national pour une offre optimale, tandis que le reste serait organisé par les régions de santé elles-mêmes. Si les centres urbains sont déjà bien pourvus, il existe, par exemple encore des besoins en médecins en Engadine ou dans le val Müstair. Là-bas, les gens sont ravis d'avoir un médecin supplémentaire.
A quel point votre vision est-elle réaliste?
Il existe déjà des initiatives allant dans ce sens au Parlement.
Si six régions de santé suffisent pour la Suisse: combien d'assurances-maladie nous faut-il? Plus de 30, c'est déjà beaucoup.
La concentration a commencé depuis longtemps. En 1996, il y avait encore 145 caisses dans l'assurance de base. Aujourd'hui, dix fournisseurs se partagent 95% du marché. S'y ajoutent environ vingt petites caisses indépendantes, et chaque année, deux disparaissent malheureusement.
Lorsque vous avez commencé chez Santésuisse, la question des coûts n'existait pas. Que s'est-il passé au cours de ces 22 années?
L'origine de cette évolution remonte à 1996 avec l'introduction de la nouvelle loi sur l'assurance-maladie. L'assurance est devenue obligatoire et, en même temps, l'ensemble du catalogue des prestations a été ouvert à tous. Auparavant, par exemple, les journées hospitalières étaient limitées et les soins infirmiers exclus. Tout cela est désormais couvert par l'assurance de base. S'ajoute le progrès médical.
La conséquence en est que nous avons connu, depuis quinze ans, réforme après réforme pour tenter de maîtriser les coûts. Laquelle de ces réformes a réellement eu un effet?
A mon avis, la réforme du financement des soins de 2011. A cette occasion, les contributions que l'assurance-maladie obligatoire devait verser pour les soins ont été limitées. Cela a eu un effet modérateur.
Mais cela ne concerne que les primes; le reste est désormais payé par les cantons et les communes, donc par les contribuables. Les coûts, eux, n'ont pas changé.
C'est exact, dans ce sens, il s'agissait plutôt d'une mesure de protection des primes. L'introduction des forfaits hospitaliers a eu, au moins au début, un effet modérateur sur les coûts. Cela a notamment conduit à des séjours hospitaliers plus courts et à une meilleure comparaison entre hôpitaux.
Quelle a été la réforme la plus inutile durant toutes ces années?
Un dossier électronique fonctionnel du patient serait extrêmement important pour le système de santé. Dans sa première version, il n'était obligatoire que pour les hôpitaux et les établissements de soins.
C'est regrettable, car ce dossier aurait un potentiel énorme pour l'assurance qualité et la maîtrise des coûts.
Si vous faites le bilan de votre carrière: quel a été votre plus grand succès?
Le défi le plus difficile a certainement été de faire évoluer le nouveau tarif médical.
Les forfaits sont très controversés.
L'introduction du nouveau tarif médical doit être neutre sur le plan des coûts, c'est ce que souhaite le Conseil fédéral. Cela entraîne donc une redistribution: certaines prestations seront mieux rémunérées à l'avenir, d'autres moins. Il est donc évident que tout le monde ne sera pas satisfait.
Un prochain gros enjeu en termes de coûts reste à venir: la mise en œuvre de l'initiative sur les soins. Selon les calculs de la Confédération, cela pourrait encore faire augmenter les primes de 14%. Que faut-il faire?
L'initiative sur les soins doit être mise en œuvre, ne serait-ce que parce que nous aurons encore moins de professionnels infirmiers à l'avenir. Il est d'autant plus important de les placer au bon endroit.
On revient alors à l'offre optimale de soins: nous avons besoin de plus de traitements ambulatoires et de moins d'hôpitaux, qui doivent être pour autant très spécialisés et bien occupés.
Jusqu'ici, nous parlons des hôpitaux et des médecins. On pourrait ajouter les firmes pharmaceutiques, les pharmacies et les cantons. Lequel de ces acteurs, avec qui vous avez négocié, a été le plus difficile?
Cela dépendait du sujet. Dès qu'il s'agit d'argent, ça devient compliqué.
Contrairement aux directeurs d'hôpitaux ou aux managers pharmaceutiques, pour eux, c'est leur revenu personnel qui est en jeu. Cela fait mal, je le comprends.
Qu'est-ce qui est, diriez-vous, le plus important pour le poste que vous avez occupé pendant 13 ans? Quelles sont les compétences nécessaires?
Il faut une grande tolérance à la frustration, de la patience et de la persévérance. Les progrès sont lents, parfois on avance d'un pas et on recule de deux. Il est alors essentiel de ne pas perdre de vue l'objectif.
A quelle fréquence rentriez-vous le soir chez vous, ou sortiez-vous d'une séance, en poussant d'abord un cri de frustration?
Probablement environ une fois par mois. Certaines négociations étaient vraiment difficiles.
Simplement fermes sur le fond, ou aussi avec des attaques personnelles?
Toutes les méthodes sont employées. Je me souviens d'une négociation tarifaire au buffet de la gare d'Olten, la veille de l'Ascension. J'avais négocié toute la journée et j'avais encore eu besoin d'un jour pour me remettre. Mon mari servait parfois de paratonnerre.
Est-ce que cela aide dans les négociations d'éprouver de la sympathie pour son interlocuteur?
Cela joue un rôle, en effet. Surtout, on finit par savoir à qui l'on peut faire confiance ou pas. Bien sûr, chacun joue son rôle et défend ses propres intérêts dans les négociations.
Qu'avez-vous fait pour vous détendre?
Je passais beaucoup de temps dans la nature: course à pied, randonnée, ski en hiver, pour m'aérer l'esprit. Avec mon mari, nous avons également élevé un fils. Quand je rentrais à la maison vers huit heures du soir, j'aidais d'abord aux devoirs. Le week-end, c'était anniversaires d'enfants et pâtisserie.
Le 31 décembre, vous quittez Santésuisse. Que ferez-vous ensuite?
D'abord, de très longues vacances de ski à Arosa, pour m'aérer un peu l'esprit. Ensuite, je verrai ce qui me tente.
Traduit et adapté par Noëline Flippe
