Environ une femme sur 10 en Suisse est touchée par l'endométriose, une maladie gynécologique aux symptômes souvent invalidants. Rhiana, 28 ans et membre de l'association S-endo, en souffre depuis son adolescence:
Aujourd'hui encore, la détection de l'endométriose reste souvent tardive, peu de recherches existent sur le sujet et il n'y a pas de traitement qui soit 100% adapté. L'association suisse Endo-Help lance donc ce lundi l'EndoWeek23, une campagne nationale de sensibilisation et d'information sur la maladie.
Pour watson, Rhiana revient sur son parcours et explique comment elle a réussi à vaincre ses douleurs.
Tout d'abord, pensez-vous qu'il est important de mettre l'endométriose en lumière afin de favoriser la recherche?
Rhiana: Evidemment. Personnellement, j'ai la chance d'être suivie par un spécialiste au Chuv, mais ce n'est de loin pas le cas de toutes les femmes. Il y a encore peu d'experts de l'endométriose en Suisse. Ils doivent cependant être plus nombreux si nous souhaitons une meilleure prise en charge de la maladie. Dans mon cas par exemple, il a fallu attendre des années avant que le diagnostic ne soit posé.
A quel âge vous a-t-on diagnostiqué l'endométriose?
Officiellement, à 26 ans, à la suite d'une rupture de kyste. J'ai été hospitalisée en urgence aux HUG, en 2021. Après deux jours de douleurs insupportables – les médecins voulaient voir si elles allaient passer tout seules, comme ça peut se produire dans certains cas –, ils ont finalement décidé de m'opérer et ont (enfin) vu que j'avais bel et bien l'endométriose.
Avant cette opération d'urgence, vous ne saviez pas que vous étiez malade?
Le problème, c'est qu'on ne voyait rien sur les IRM; les foyers d'endométriose étaient «à l'intérieur». Je les ai toujours sentis, mais les médecins ne pouvaient rien prouver. Moi, je sais que je suis malade depuis que j'ai 12 ans, l'âge de mes premières règles.
Ah oui?
Oui. Ma mère souffre aussi de cette maladie. Elle a été diagnostiquée à 36 ans. Je sais donc à quoi ressemblent les symptômes.
Sur une échelle de 1 à 10, comment évaluez-vous ces douleurs?
8, 9 facile! J'ai toujours été une personne très active. A l'adolescence je faisais de la danse à haut niveau. J'ai toutefois dû arrêter à 14 ans, car j'avais trop mal, au dos et dans le bas du bassin notamment. C'était horrible.
Les médecins n'ont pas réussi à calmer ces douleurs?
Avec l'endométriose, plusieurs problèmes surviennent. Certains médecins ou spécialistes ne vous croient pas, ne vous prennent pas au sérieux, minimisent les douleurs ou n'ont que peu de connaissances sur la maladie. Ils vous prescrivent donc des «traitements» qui ne fonctionnent qu'à moitié, voire pas du tout. En revanche, ceux qui vous écoutent et connaissent l'endométriose ne peuvent pas faire grand-chose pour vous. A l'heure actuelle, il n'existe pas de traitement définitif, même si la chirurgie par exemple peut fonctionner, selon les cas. Cependant, la liste d'attente est longue. J'ai eu «de la chance» car je n'ai attendu que quelques mois: j'ai été hospitalisée deux fois en urgence. Cela a sûrement accéléré les choses.
Aucun traitement n'a donc fonctionné (à part l'opération)?
Oui et non. Très jeune, on m'a prescrit une pilule pour arrêter les règles, mais cela n'a pas fonctionné. Elle me donnait de fortes migraines, qui conduisaient souvent à des vomissements. A nouveau, j'ai informé mon médecin, mais il n'a jamais réagi. Plus tard, vers 20 ans, je vivais en Angleterre et une gynécologue m'en a recommandé une autre. Cette fois, les symptômes de l'endométriose ont disparu: c'était magique! J'étais redevenue sportive, active. Je retrouvais mon énergie – car pendant des années, j'étais constamment fatiguée –, je sortais à nouveau avec mes amis. Cela a duré environ deux ans.
Ensuite, que s'est-il passé?
Je n'avais plus de douleurs physiques certes, mais mon humeur en a pris un coup. J'étais dépressive, j'avais des épisodes de rage. Je ne me reconnaissais plus. Après une longue réflexion, j'ai décidé d'arrêter tous ces traitements hormonaux – que je suivais depuis mes premières règles – et d'essayer de gérer par moi-même la maladie. J'ai pris cette décision entre 2018 et 2019, époque à laquelle la parole s'est libérée.
Comment avez-vous appris à vous soigner par vous-même?
Je voulais réussir à écouter mon corps et à comprendre ce dont il avait besoin. Pour cela, je me suis notamment rendue au centre d'endométriose des HUG. Les spécialistes sur place nous apprennent des techniques naturelles pour gérer les douleurs.
Par exemple?
Le yoga, la gestion du stress (plus on est stressée, plus on risque d'amplifier les inflammations) ou encore le changement d'alimentation. Et effectivement, j'ai vu des améliorations! J'ai aussi beaucoup apprécié le fait que les partenaires puissent se joindre aux séances. Dans mon cas, mon compagnon souffrait lui aussi de cette situation, par exemple lorsqu'il me voyait avoir mal sans pouvoir m'aider. Sur place, ils sont écoutés et peuvent poser leurs questions.
Aujourd'hui, comment allez-vous?
Ma vie a changé depuis mes opérations (la première d'urgence, la seconde planifiée et qui avait pour but de retirer tout le foyer d’endométriose). J'ai encore des douleurs, mais seulement un ou deux jours par mois et elles ne sont jamais aussi fortes qu'avant. Et puis j'ai désormais un médecin qui m'écoute, qui me donne des conseils, qui est très actif dans son domaine. Il est vraiment super. On lutte ensemble contre la maladie.
Cet article a initialement été publié le 20 mars 2023. Il a été mis à jour.