Les «flandriennes», d'après l'intéressé, ce n'est pas trop sa tasse de thé. «J’ai souffert un peu sur les pavés, je n’étais pas à l’aise, mais je me suis senti de mieux en mieux, j’ai essayé de suivre», déclarait Biniam Girmay, hilare, après sa chevauchée historique entre Gand et Wevelgem. Il faut dire que le jeune cycliste de 21 ans, sourire jusqu'aux oreilles, n'a pas volé cette victoire prestigieuse.
Issu de la filière du Centre mondial du cyclisme d'Aigle (CMC), Girmay avait déjà montré le bout de son guidon aux derniers championnats du monde à Louvain. Vice champion du monde U23 , auteur d'un sprint plein d'agilité, il écrivait une première page du cyclisme africain. Un contrat tout neuf dans l'équipe belge Intermarché Wanty-Gobert-Matériaux et un excellent début de saison plus tard, le voilà sur les rails d'une carrière (très) prometteuse.
Si cette consécration peut s'apparenter à une surprise, Girmay avait des arguments sur le porte-bagage: une victoire lors du Challenge de Majorque en janvier, une quatrième place lors de la sixième étape de Paris-Nice, dixième de Milan-Turin, douzième de Milan-Sanremo, ou encore cinquième du Grand Prix E3: le début de saison de l'Erythréen est très solide.
Dans le sillage de Daniel Teklehaimanot (retraité désormais), pionnier du cyclisme érythréen, ou encore Natnael Behrane, excellent puncheur et ancien pensionnaire de l'équipe Cofidis, le cyclisme du pays, avec Girmay, atteint son plus haut sommet. La victoire du pensionnaire de la Wanty-Gobert incarne désormais une nouvelle nation forte dans le monde de la petite reine, et prouve que les coureurs d'Afrique subsaharienne ont leur mot à dire. Et ce n'est pas le seul à avoir la socquette légère. Loin du branle-bas de combat médiatique, Natnael Tesfatsion a récemment claqué une quatrième place au GP Industria, en Italie.
Le règne du «Kenyan Blanc» (ndlr: Chris Froome) désormais évanescent, cette fois-ci c'est bien celui d'un Noir africain, Biniam Girmay. Historique. Anomalie conjurée, qui plus est sur une classique où pavés et vents sont au menu, le terrain de jeu des vieux briscards. Soyons francs: c'est une victoire en patron et non à l'arraché. Coiffer Christophe Laporte au sprint, l'un des hommes en forme du moment, relève de l'exploit.
Frédéric Amorison - qui fait partie du staff des directeurs sportifs de la formation wallonne qui emploie Girmay - estime que ce n'est que le début de l'histoire: «Je pense qu’il va continuer avec nous pendant plusieurs années avec un contrat revalorisé», expliquait-il dans des propos rapportés par la RTBF.
Et Amorison d'évoquer le caractère du coureur:
Toujours au sein du staff Intermarché-Wanty-Gobert, Jean-François Bourlart expliquait dans les colonnes d'un média belge, lors du stage de préparation de sa formation, en janvier, qu'il était curieux de le voir batailler sur les pavés.
Son agilité et sa vitesse peuvent faire de lui un véritable gagneur. Mais c'est surtout, à travers cette victoire, un effet de levier pour une génération érythréenne prête à se frotter au gratin européen. Après l'avénement du cyclisme slovène, le vélo africain est en plein essor, comme en atteste l'organisation des championnats du monde en 2025 au Rwanda. Girmay, lui, devra digérer sa nouvelle popularité. Son équipe dresse déjà un voile ultra-protecteur pour éviter que son joyau ne se brûle au contact de la lumière.
Il sera inutile de l'attendre sur le Tour des Flandres. Après trois mois à cravacher et aligner les performances, il s'en va souffler un peu dans son pays natal. Sa prochaine grande échéance sera une course de trois semaines: le Giro, en mai de cette année.