Mathias Flückiger (34 ans) a fait sa première apparition publique ce jeudi depuis 196 jours. Pendant les deux heures de cette conférence de presse, le vice-champion olympique en titre de VTT a multiplié les allusions.
Elles trahissent l'état de santé psychique critique du cycliste de 34 ans après qu'on l'a informé, le 18 août dernier, de sa suspension pour dopage. C'était la veille du début des championnats d'Europe à Munich, et Mathias Flückiger se trouvait alors dans le bus de l'équipe de Suisse.
Il n'a que des souvenirs flous de ce moment, mais plus tard, des témoins lui ont parlé de ses cris et de ses difficultés à respirer. C'est simple: le Bernois n'était même plus en mesure de retourner à son hôtel.
Alors l'entraîneur national Bruno Diethelm l'a ramené en Suisse. Le coach, entre-temps licencié, raconte:
Flückiger, lui, avoue s'être senti très proche du précipice:
La star du VTT parle aussi de son réveil dans une chambre aux murs blancs, une pièce entièrement vide. «J'étais dans un endroit sûr pour ma santé», ajoute-t-il pudiquement. Mathias Flückiger ne nomme pas ce lieu, mais il était, à ce moment, hospitalisé dans une clinique pour un traitement psychiatrique.
Et à l'écouter, c'était pour une bonne raison:
La gravité de son état de santé psychique après ce moment de choc est aussi palpable quand le Bernois raconte que sa petite amie Lisa a démissionné de son poste d'enseignante pour être à ses côtés. Elle et son frère aîné, Lukas, ont été au chevet de Mathias Flückiger 24 heures sur 24 pendant cette période. «Je leur en suis éternellement reconnaissant», s'émeut l'athlète.
Les traces de Zeranol – une substance anabolisante – dans son échantillon lors des championnats suisses en juin 2022 ont signifié pour Mathias Flückiger le début d'une période de souffrance qui l'a profondément marqué.
Le pire pour lui? Qu'on ne le croie pas. Quand il a rallumé pour la première fois son téléphone quatre semaines après le fatidique 18 août, il n'a lu que deux messages vraiment négatifs sur des centaines. Pourtant, il n'a pas réussi à sortir dans la rue.
A cette époque, il lui était très difficile d'envisager l'avenir. «Pour la première fois de ma vie, je n'avais absolument plus d'espoir», rembobine Flückiger. Au bout de dix jours, il s'est aventuré pour la première fois dans la forêt avec Lisa. Cette même forêt qui sera son refuge pendant de nombreux jours encore.
Ce n'est que le 17 décembre, quand la chambre disciplinaire a levé sa suspension provisoire, que le Bernois a retrouvé des couleurs. Avant ça, il ne pouvait pas s'imaginer recommencer à rouler.
Mais finalement, l'amour de son sport a été plus fort.
La semaine dernière, Mathias Flückiger était en camp d'entraînement en Espagne avec son équipe. C'est spontanément qu'il a décidé de participer à nouveau à une course sur place. «Tout à coup, j'ai compris qu'il était temps de participer à ma première compétition. J'avais un peu peur de ce moment, mais j'ai été accueilli très chaleureusement», s'enthousiasme-t-il. Sa prochaine course aura lieu dans deux semaines à Gränichen, en Argovie.
En attendant, le Bernois prend un jour après l'autre. Il ne sait pas encore si une procédure ordinaire sera engagée contre lui ou non. «L'objectif le plus important est de clore un jour cette histoire et de la laisser derrière moi. Mais je ne veux pas qu'elle soit oubliée. Elle reste une partie de moi», conclut-il.
Adaptation en français: Yoann Graber