L'Espagne a engendré de nombreuses légendes du foot. Dimanche soir, elle verra l'une d'entre elles raccrocher définitivement ses crampons. Son nom? Joaquin.
L'ailier du Betis Séville n'est assurément pas le footballeur espagnol le plus connu hors du pays: il n'a joué que deux saisons à l'étranger (2013-2015 à la Fiorentina), n'a pas le plus beau palmarès (trois coupes d'Espagne) ni le plus grand talent, malgré des qualités – de dribble, notamment – indéniables. Non, son mythe, le numéro 17 des Verderones l'a construit grâce à sa longévité et sa personnalité. Ce super-vétéran va fêter ses... 42 ans le 21 juillet prochain, un âge extrêmement rare pour un footballeur pro, d'autant plus à un poste offensif.
Dimanche après l'ultime match de la saison contre Valence, il mettra un terme à une carrière pro longue de 23 saisons, entamée en 2000 avec le maillot du Betis déjà, son club formateur. Il égalera, à cette occasion, le record du nombre de matchs joués en Liga – 622 – détenu par l'ex-gardien Andoni Zubizarreta.
Pour les fadas de foot âgés de trente ans et plus, le premier souvenir de Joaquin, c'est sûrement son tir au but raté avec l'Espagne lors du 8e de finale de la Coupe du monde 2002 contre la Corée du Sud. Mais le natif de Cadix s'est brillamment relevé après cet épisode douloureux. Portait d'un footballeur extraordinaire en 5 points👇
Il a beau être l'un des plus vieux footballeurs pros en activité du monde, Joaquin n'a pas perdu son âme d'enfant. Le «papy» du Betis, réputé ouvert et joyeux, adore faire des blagues.
Même lors de moments solennels, comme cette émission TV de l'époque de son passage à Malaga (2011-2013). Alors que le journaliste lui demande quel est son loisir préféré, Joaquin part en sucette. «Je n’avais aucune réponse alors j’ai improvisé. J’ai répondu le tennis. De l’autre côté de la caméra, Julio Baptista ne pouvait plus s’arrêter de rire. Il savait très bien que je n’avais jamais joué au tennis de ma vie et que j’inventais pour me sortir d’un mauvais pas», a-t-il raconté plus tard.
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— Real Betis Balompié 🌴💚 (@RealBetis) April 25, 2022
Buenos días.#BetisAlé pic.twitter.com/LUUaDpqTVq
Le vétéran est aussi un véritable showman, qui n'hésite pas à tenter des moonwalk (le célèbre pas de danse de Michael Jackson) en talons aiguilles ou poser dans la plus simple tenue à côté du trophée après le sacre en Coupe d'Espagne 2022. Vous avez besoin d'une autre preuve de son sens de l'humour? Voici l'une des vannes qu'il a racontée, reprise par Eurosport.fr:
«- José, ma femme m’a quitté…
- Ah, et pourquoi?
- Elle dit que je ne pense qu’au football.
- Ça faisait combien de temps que vous étiez ensemble?
- Neuf saisons!»
C'est incontestable, Joaquin est à l'aise devant un public, aussi bien qu'il s'agisse de foot ou d'autre chose. Alors, depuis la fin de l'année passée, il a lancé sa propre émission TV, comme le relate Le Temps. Elle s'appelle «Joaquin, El Novato» (en français: «Joaquin, Le débutant» et est diffusée sur la chaîne Antena 3.
Son concept? Le footballeur star teste dans chaque épisode un nouveau métier, coaché par des experts de la profession en question. Du pilotage de moto GP (avec Marc Marquez) au stylisme, la palette est variée. Et cette émission cartonne: entre 1,5 et 3 millions de téléspectateurs regardent chaque épisode.
De quoi rendre l'attaquant du Betis encore plus populaire auprès de la population espagnole. Au point qu'il a même eu droit, le 29 avril dernier, à une standing ovation du Camp Nou, le stade du FC Barcelone, au moment d'affronter pour la dernière fois les Catalans. Un honneur rarissime pour un joueur adverse.
Mais Joaquin ne s'est pas fait que des amis durant sa longue et belle carrière. L'Andalou ne portera sans doute jamais Ronald Koeman dans son cœur. Sa brouille avec l'entraîneur néerlandais remonte à 2008, plus précisément à la finale de Coupe d'Espagne entre Valence et Getafe.
Alors coach de Valence, Koeman envoie Joaquin s'échauffer durant presque toute la partie sans le faire jouer une seule seconde. Les Valenciens l'emportent 3-1, mais l'entraîneur néerlandais est licencié dans la foulée (principalement à cause des résultats médiocres en championnat). Plus tard, le technicien qualifiera Joaquin de «joueur de 25 millions qui ne valait même pas 25 euros».
Un tacle par derrière les deux pieds décollés auquel l'Andalou n'a pas manqué de riposter, juste avant ses retrouvailles avec le Néerlandais lors du FC Barcelone-Betis Séville de novembre 2020: «Koeman, je ne le prends même pas pour ramasser les plots», avait asséné le numéro 17 sévillan.
Les tensions entre Joaquin et Koeman à Valence ont peut-être eu un impact négatif sur la carrière en sélection de l'Espagnol. L'arrivée de l'entraîneur oranje sur les bords de la Méditerranée coïncide avec la dernière cape de l'attaquant avec la Roja, en novembre 2007. En contraste avec la longévité de sa carrière en club, l'histoire entre Joaquin et l'équipe nationale a été courte. Cinq ans seulement. Autrement dit, il a porté pour la dernière fois le maillot de la Seleccion à 26 ans seulement.
L'ailier n'a donc pas participé aux épopées de l'Espagne lors de l'Euro 2008, du Mondial 2010 et de l'Euro 2012, où elle a à chaque fois remporté le titre. Un paradoxe pour une légende du foot espagnol contemporaine à cet incroyable triplé.
Si Joaquin pourra éprouver des regrets à cause de ces absences en sélection, peut-être ressassera-t-il aussi sa décision de ne pas avoir signé à Chelsea en 2005, un transfert qui aurait pu donner à sa carrière une autre dimension. A Londres, un contrat mirobolant pour l'époque l'attendait: une transaction à 39 millions d'euros et cinq années chez les Blues avec un salaire annuel de six millions d'euros. Même le coach de Chelsea, un certain José Mourinho, était venu en personne à Séville pour tenter de convaincre l'ailier du Betis. En vain. Ce dernier a expliqué son refus:
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— Real Betis Balompié 🌴💚 (@RealBetis) April 19, 2023
El arte es eterno.
Gracias por tanto, capitán. pic.twitter.com/LMKfyj3doR
L'Andalou a fini par partir une année plus tard à Valence. Il y est resté cinq ans. Puis il est revenu dans sa région, mais à Malaga, où il a effectué deux saisons. En 2013, il a quitté pour la première fois la péninsule ibérique, direction l'Italie et la Fiorentina.
C'est en 2015 qu'il est retourné dans «son» Betis, où il terminera donc sa carrière dimanche face à Valence. Tout un symbole. Et il peut se rassurer: cette fois, il n'aura pas à s'échauffer tout le match pour, au final, rester sur le banc.