En tant que «vendeur de rêve», Fribourg Gottéron est aujourd'hui, pour ainsi dire, une entreprise hybride: d'une part, les émotions sont nécessaires à son hockey, elles sont l'oxygène du département sportif. D'autre part, le calme et l'objectivité du département administratif évitent à Gottéron de renouer avec les difficultés financières du passé. Le président Hubert Waeber défend le pragmatisme de ses collaborateurs.
L'entrepreneur à succès dans l'industrie automobile (le plus grand concessionnaire Opel de Suisse) ne cherche pas d'excuses. Bien sûr, il est déçu. Mais il n'invoque pas des circonstances atténuantes pour apaiser cette déception. «Il y a un an, nous avons terminé les qualifications à la deuxième place et atteint les demi-finales. Cette saison, l'objectif minimal était la qualification directe pour les playoffs et les demi-finales.»
Une victoire de plus aurait suffi. Une victoire en 52 journées. Juste pas de bol? «Non», répond le président, en poste depuis 2019.
Économiquement, Gottéron s'en tire avec un petit œil au beurre noir après avoir échoué en pré-playoffs contre Lugano. «Nous avons dépensé autant d'argent que nous en avons gagné», résume le président. «Nous n'avons embauché les sixième et septième étrangers qu'après avoir généré des revenus supplémentaires.»
Au budget figuraient les recettes de 26 matchs à domicile en qualifications et deux autres en séries éliminatoires. A partir de ce budget minimum, Gottéron accuserait un manque à gagner de 300 000 francs, l'équivalent d'une rencontre supplémentaire en pré-playoffs. Le président affirme que c'est gérable. Les revenus sont légèrement supérieurs au budget dans divers autres domaines.
Avec une patinoire remplie à 99,04 % en moyenne, Gottéron a atteint le taux d'occupation le plus élevé de la ligue. 8922 femmes, hommes et enfants ont assisté à chaque match à domicile. Un engouement populaire sans précédent. Malgré six défaites consécutives à domicile contre Zoug, Davos, les ZSC Lions, Kloten, Lausanne et les Lakers entre le 21 janvier et le 18 février. Record négatif dans toute l'histoire du club!
Les conséquences économiques sont donc gérables. Les revenus supplémentaires provenant des playoffs auraient été utilisés pour des investissements supplémentaires dans différents secteurs. Le président avoue: «Ces investissements doivent être mis en attente pour le moment.»
Aucune correction n'est nécessaire dans le domaine économique. Les prochains jours seront consacrés à l'analyse sportive. Au cours des entretiens individuels avec les joueurs et les techniciens, l'objectif est de comprendre pourquoi ça n'a pas marché. Au niveau du staff, le processus sera rapide puisqu'il ne sera pas nécessaire de convoquer l'entraîneur et le directeur sportif. Il s'agit de la même personne, Christian Dubé.
Gottéron a remporté deux autres séries éliminatoires depuis sa défaite en finale de 2013 (contre le SCB). Sous l'ère Christian Dubé, il n'en a gagné qu'une seule: au printemps 2022 contre Lausanne. Le sorcier de la communication a ressassé ce bilan encore et encore.
Christian Dubé est responsable de la constitution de l'équipe depuis 2015 et en est également l'entraîneur depuis le 4 octobre 2019. Avec pour objectif de remporter le championnat après les tentatives infructueuses des années 1990 (avec Slava Bykov et Andreï Khomutov) et du début des années 2010.
Gottéron a échoué cette saison, aussi, à cause du travail de son directeur sportif: les étrangers n'ont inscrit que 66 buts. Ceux de Servette 99. Sur ce thème, le président vole au secours de son directeur sportif: «Cela paraissait être un avantage de constituer notre équipe dès la reprise du championnat. Puis est arrivée la guerre en Ukraine et tout à coup, de très bons étrangers sont devenus disponibles à des prix raisonnables. Mais nous avions déjà nos étrangers et nous ne pouvions pas profiter de cette opportunité de marché.»
Aujourd'hui, l'équipe de Christian Dubé est trop âgée. Le gardien Reto Berra a 36 ans et reste «seulement» un bon gardien, pas un grand. Raphaël Diaz a 37 ans, Killian Mottet 32 et Julien Sprunger 37. Tous ont des contrats valables. Mais il n'est pas exclu que Julien Sprunger envisage de se retirer. Le nouvel, vieil espoir, Chris DiDomenico, a déjà 34 ans. Le président est heureux de son retour au club: il ramènera les émotions qui manquaient cette saison. Il ne craint pas les problèmes. «Nous n'avons jamais eu de soucis avec Chris DiDomenico lors de sa première saison à Fribourg.»
Gottéron a en fait tout pour gagner le titre: la nouvelle patinoire, l'argent, le vaste réseau politique et économique, et une solide base de fans fidèles. En résumé, ce club possède une grande et riche culture de hockey.
Mais la structure managériale avec Christian Dubé dans la double fonction d'entraîneur et de directeur sportif n'est plus digne d'une ligue sérieuse. Les défis au bureau, dans le vestiaire, sur la glace et sur la patinoire, sont devenus trop complexes.
Ce n'est qu'en juin dernier que le président Hubert Waeber a approuvé une prolongation anticipée de ce double contrat jusqu'en 2025. Christian Dubé a déclaré en septembre: « Si je sens que ça ne marche plus, que je ne suis plus l'homme de la situation, alors je partirai.» Les prochains jours diront si Dubé fera le plaisir au président Hubert Waeber de prendre à sa place la décision la plus délicate de son mandat.
Il se peut que Christian Dubé affirme sa position face au président dans l'analyse de la saison à venir. Mais l'autorité et le la fluidité des rapports entre le bureau du directeur sportif, le vestiaire et la glace, ont beaucoup souffert de ce cumul des fonctions. Et voilà que revient Chris DiDomenico...
Malgré l'échec sportif, l'exercice se clôturera avec le bénéfice net minimum budgété d'environ 300'000 francs. Ce montant pourrait être investi dans des indemnités à Christian Dubé. Il s'agira de peser ce qui est plus important: le préjudice sportif qui pourrait éventuellement survenir si Christian Dubé restait dans son double rôle, ou même dans l'un des deux. Ou le risque de ne pas trouver de successeur convenable à la bande et/ou dans le bureau de la direction sportive.
Gottéron a terminé la phase de qualification à la 7e place, exactement en milieu de tableau. Juste un point derrière le champion Zoug. Il manquait une seule victoire en 52 matchs pour atteindre le premier objectif de la saison (6e place). Une seule victoire et personne ne remettrait publiquement en question le travail de Christian Dubé. Une seule victoire et ces lignes ne seraient pas (encore) écrites.
Le fil sur lequel se tiennent un président, un entraîneur et un directeur sportif est si mince. C'est tout un art de garder la tête froide et le juste équilibre sur un fil aussi ténu, et de ne pas s'effondrer à la première crise.