Quel spectacle! Quelle victoire! 4-2 contre la République tchèque. Les Suisses élégants, rapides, légers et précis comme dans un «ballet blanc». Et mordants si nécessaire. C'est la victoire la plus étonnante de ce tournoi et l'un des matchs les plus aboutis de l'ère Fischer commencée en 2016 à Moscou.
Après cinq victoires consécutives, l'entraîneur helvétique a changé toutes les lignes. Y compris les unités spéciales en power-play, qui ne s'entraînent même pas dans leur nouvel alignement. Résultat: tout fonctionne. Les Suisses sont imprévisibles. C'est aussi un avantage. Entre-temps, chaque joueur de champ a marqué au moins un point.
Les Suisses jouent vite, avec précision, dans un style très direct. Ils sont les meilleurs dans les transitions défense-attaque, ce qui, historiquement, est plutôt la spécialité des Tchèques. «Les changements amènent tout le monde à se parler», explique Patrick Fischer pour justifier sa «bougeotte». Ou plus simplement: pour décrire les bienfaits d'un vent nouveau. Briser les processus routiniers. Faire en sorte que tout le monde soit à nouveau bien réveillé. Le coach est un psychologue avisé.
L'un des artisans de la victoire contre les Tchèques est Robert Mayer. Le gardien au style anticonformiste a assuré la victoire avec au moins sept gros arrêts. Désormais, Patrick Fischer le sait: même avec Robert Mayer, il est possible de battre un grand.
Avec Leonardo Genoni (36 ans), les Suisses ont perdu les quatre derniers quarts de finale (Mondiaux 2019, 2021, 2022, Jeux olympiques 2022). L'adversaire, cette fois, sera probablement l'Allemagne. Patrick Fischer sera-t-il tenté d'aligner Robert Mayer dans les buts? Il joue de manière plus agressive, plus proactive que Leonardo Genoni. Cette présence pourrait aider contre les Allemands, qui sont très robustes.
Patrick Fischer reconnaît que ce choix a nécessité quelques discussions au sein du staff technique. Il fait remarquer: «Avec Leonardo Genoni, nous avons aussi gagné de très nombreux matches décisifs.» Le gardien de Zoug a hissé la Suisse en finale en 2018. Depuis, il est l'incontestable numéro 1 de la Nati pour les matches décisifs.
Autre bonne nouvelle: un homme vieux comme le hockey est le héros du match contre les Tchèques. Avant le tournoi, plusieurs chroniqueurs étrangers se demandaient si la présence d'Andres Ambühl au Championnat du monde obéissait à une logique de performance ou servait à écrire une légende. Il existe en effet de nombreux exemples où une sélection est plus due au nom et au statut qu'à la forme du moment.
Dimanche, Andres Ambühl a répondu à cette question. Il a inscrit le 2-1 et le 3-1, après avoir déjà inscrit le 3-1 contre le Canada. Trois buts pour un total de 27 en 18 participations à des Mondiaux.
Andres Ambühl aura 40 ans en septembre. Patrick Fischer dit qu'il a joué lui aussi et qu'il ne peut pas expliquer comment quelqu'un de cet âge peut réaliser une telle performance.
Contre la République tchèque, Andres Ambühl a joué aux côtés d'Enzo Corvi (30 ans). Ce n'est pas inhabituel: les deux attaquants évoluent la plupart du temps dans la même ligne à Davos. Sauf que désormais, Enzo Corvi et Andres Ambühl forment une paire d'ailiers autour de Nico Hischier. C'est la première fois qu'Enzo Corvi joue à ce poste. Et cela fonctionne.
Andres Ambühl n'est pas un grand bavard. Il est visiblement ému. «Qu'autant de fans soient venus à Riga pour nous soutenir, c'est magnifique. Si en plus, ils scandent ton nom, encore plus.» Au sujet de ses deux buts, il explique modestement: «J'ai reçu de belles passes et on les prend volontiers.» On lui demande si marquer deux buts contre un grand n'est pas spécial. Il répond que c'est spécial. «Je suis quelqu'un qui ne marque pas beaucoup de buts...»
Enzo Corvi et Andres Ambühl partagent la même chambre pendant ces Mondiaux. Ils partagent également la majorité de leur temps libre. Enzo Corvi dit qu'ils ne parlent généralement pas beaucoup et que si c'est le cas, ce n'est pas de hockey. Pareil en chambre. «Je m'endors vers onze heures et il regarde encore ses séries jusqu'à une heure ou une heure et demie. Je ne sais même pas ce qu'il regarde...» Enzo Corvi et Andres Ambühl se comprennent sans trop de mots. C'est la magie de leur jeu.
Il est difficile de «casser» les Tchèques, intelligents tactiquement et agiles techniquement. D'autant plus qu'ils sont dirigés par le grand stratège défensif Kari Jalonen. Mais le jeu de puissance de la Nati est un vrai «ouvre-boîte»: avec deux buts en supériorité numérique, les Suisses ont transformé un 0-1 en 2-1 et ont ouvert la voie à une sixième victoire consécutive. Pour être tout à fait correct, précisons que le 2-1 est tombé exactement une seconde après la fin de la supériorité numérique. Officiellement, ce n'est donc pas un but en power-play. Mais concrètement, oui.
Après leur sixième victoire consécutive, les Suisses sont assurés de terminer en tête de leur groupe. Le dernier match de mardi contre la Lettonie est - du moins pour elle - un simple test. Pour la deuxième fois consécutive, nous terminons le tour préliminaire des Championnats du monde à la première place. L'équipe de Riga est la meilleure de notre histoire en termes de jeu.
Ou au moins atteindre la finale des Mondiaux pour la troisième fois après 2013 et 2018? Ou avons-nous à nouveau fait parler la poudre trop tôt? Comme il y a un an lorsque, en tant que vainqueurs de groupe et meilleure équipe offensive du tournoi, nous avons échoué (0-3) en quart de finale contre les Etats-Unis?
Nous sommes en quart de finale. Et alors? Ce qui était le principal objectif il y a encore 15 ans est devenu une évidence. Mais nous n'avons toujours pas franchi la dernière étape vers le sommet: la qualification régulière pour les demi-finales.
Patrick Fischer travaille sur son plus grand défi: rien n'est plus difficile que de construire une «culture des matchs décisifs». C'est-à-dire la capacité à fournir la meilleure performance à l'instant T et à résister à l'immense pression.
Cette saison, le sélectionneur national a - comme les grands - planifié le pic de forme en quarts de finale, et son équipe joue pourtant déjà mieux que jamais dans un tour préliminaire de Championnat du monde. Les Suisses sont-ils à nouveau trop bons, trop tôt? Ou est-ce tout simplement la force de frappe d'une équipe capable de tout?
C'est la grande question qui va nous tarauder jusqu'au quart de finale de jeudi. Tout porte à croire que l'adversaire sera l'Allemagne. Nous avons perdu les deux derniers quarts de finale contre elle en 2010 et 2021. Mais, quel que soit l'adversaire, les conditions n'ont jamais été aussi bonnes pour une qualification en demi-finale. Jamais.