Le soutien à la communauté LGBTQ+ préoccupe la NHL et ses dirigeants depuis des mois. La saison dernière, certains joueurs avaient attiré l'attention des médias en refusant de se présenter sur la glace avec des maillots d'échauffement spéciaux aux couleurs arc-en-ciel lors des «Pride Nights».
Mais les dirigeants de la prestigieuse ligue nord-américaine n'aiment pas du tout les controverses. C'est pourquoi ils ont décidé cet été de modifier les règles de ces soirées thématiques, et de manière radicale: finis, les maillots d'échauffement spéciaux. Aucun ne peut être porté pendant la «Pride Night», ni pour soutenir la lutte contre le cancer ni pour célébrer les fêtes militaires.
Peu avant le début de la saison, un alinéa supplémentaire du règlement a beaucoup fait parler: jusqu'à ce mardi, il interdisait également l'utilisation du «pride tape», le ruban adhésif aux couleurs arc-en-ciel collé généralement sur la palette de la crosse.
Les réactions ont été immédiates et virulentes. Parmi elles, celle de Scott Laughton, attaquant des Philadelphia Flyers:
D'autres hockeyeurs – dont Connor McDavid, Morgan Reilly ou Zach Hyman – ont exprimé leur déception face à la décision de la ligue. Le défenseur de Minnesota, Jon Merril, a lui aussi eu une attitude de défiance envers les dirigeants de la NHL:
Cette nouvelle règle était dès le départ mal engagée, la faute aux standards habituellement permis en NHL, comme en témoigne le point 10.1 du règlement:
Ce mardi, sous la pression, la ligue a annoncé dans un communiqué qu'elle renonçait à l'interdiction du «pride tape».
Un homme en particulier – Travis Dermott – venait de prouver l'absurdité de cette interdiction. Le défenseur des Coyotes de l'Arizona (26 ans) n'est pourtant pas une star de NHL qui est protégée par son argent – il perçoit un salaire de 800 000 dollars par saison, soit seulement 50 000 de plus que le montant minimum – ou son statut.
Mais samedi dernier, le Canadien a été le premier joueur de la ligue à évoluer avec du «pride tape» sur la crosse, malgré l'interdiction. Le jeune homme ne l'a pas annoncé explicitement avant la partie, ses coéquipiers et le staff n'étaient pas au courant non plus. Ce n'est que durant la partie que des spectateurs ont remarqué qu'un peu de peinture arc-en-ciel figurait sur la crosse de Dermott. Le hockeyeur a expliqué son action après le match à The Athletic:
Le défenseur des Coyotes tenait aussi à rappeler qu'il est facile d'oublier les problèmes d'un groupe discriminé quand on ne les a pas sous les yeux. «Et ça devient dangereux si on n'y pense plus.»
Travis Dermott became the first player to use Pride Tape on his stick in a game since the NHL banned special warmup jerseys and other on-ice gear around theme nights.
— B/R Open Ice (@BR_OpenIce) October 23, 2023
Link to full story: https://t.co/Ue1zRkV5dB pic.twitter.com/LDBpHgUxFA
Mais il ne s'attendait pas à ce que son action fasse autant de vagues. Malgré tout, la ligue n'avait pas pris de décision à la suite de cet acte rebelle, sans doute parce qu'elle était consciente qu'elle risquait d'écorcher son image si elle sanctionnait Travis Dermott.
«J'ai senti que j'avais toute mon équipe derrière moi pour me soutenir», s'est réjoui ce dernier. Et son sourire ne devrait pas s'effacer: après sa volte-face de mardi qui autorise l'utilisation du «pride tape», la ligue réfléchit même à une journée spéciale où les hockeyeurs pourraient utiliser leur équipement pour attirer l'attention sur des organisations ou causes qui leur tiennent à cœur, rapporte le célèbre journaliste spécialisé Chris Johnston.
"Behind the scenes, there has been some talk at the league level [...] I think that there's a recognition that this was probably an overreach." @reporterchris updates us on the Pride Tape ban on the latest #CJShow.
— sdpn (@sdpnsports) October 21, 2023
🎧: https://t.co/akTMBLGlje
📺: https://t.co/73dTjNGBYZ pic.twitter.com/azayZYozk9
L'interdiction du «pride tape» avait aussi fait réagir en dehors de la glace, notamment au Canada. La Banque Scotia – la troisième plus grande du pays – distribue actuellement gratuitement 5000 rouleaux de ruban adhésif arc-en-ciel dans divers endroits et en collaboration avec les fabricants.
Thank you so much to our good friends @scotiabank for their support not only today but since the very beginning. Free Pride Tape at the attached locations. pic.twitter.com/pqkGDMILGJ
— Pride Tape (@PrideTape) October 23, 2023
Mercredi face à Los Angeles, Travis Dermott a renoncé à scotcher à nouveau du «pride tape» sur sa crosse. La raison? Il estimait avoir suffisamment attiré l'attention et ne cherchait pas à entrer en guerre avec la ligue.
Ce vendredi, son club des Coyotes de l'Arizona, où le Suisse Janis Moser est également sous contrat, sera la première équipe de la saison à organiser une «Pride Night» selon les nouvelles règles.
«En tant que sportifs, nous avons une formidable plate-forme pour répandre l'amour. Et si nous ne répandons pas cet amour, que diable pouvons-nous faire?», conclut Dermott, qui préfère nettement coller du ruban adhésif sur sa crosse plutôt que sur sa bouche.
Collaboration: Yoann Graber