Tous les trois jours, Aleksi Peltonen doit changer sa pompe à insuline. Elle fait la taille d'une boîte de cartes de jass et est placée sur sa hanche. Cette pompe alimente le corps en insuline au moyen d'un minuscule tuyau et d'une fine aiguille. Un appareil sans fil y est connecté: il affiche les valeurs du taux de sucre dans le sang afin que le patient puisse réagir en conséquence.
Pour le hockeyeur de 25 ans, c'est une obligation. La faute à un diabète de type 1 depuis l'âge de 12 ans. Chez Peltonen, contrairement au diabète de type 2 (dit «diabète de la maturité»), le corps ne sécrète plus d'insuline.
Selon Diabète Suisse, environ 500 000 personnes sont atteintes de diabète dans notre pays. Parmi elles, environ 40 000 sont concernées par un diabète de type 1. Selon l'enquête sur la santé de l'Office fédéral de la statistique, environ une personne sur 100 âgée de 15 à 24 ans est diabétique dans notre pays.
Ces dernières semaines ont été les plus turbulentes de la carrière d'Aleksi Peltonen, à cause de sa maladie. Tout commence à la mi-septembre lorsque la fondation antidopage Swiss Sport Integrity annonce que le nouvel attaquant du HC Davos et fils de la légende de Lugano Ville Peltonen est suspendu avec effet immédiat.
Quelques jours plus tôt, le Finlandais – titulaire d'une licence suisse – était sur la glace pour le début de la saison avec les Davosiens. Il a pu disputer les deux premiers matchs sans l'ombre d'un souci. Puis, tout à coup, arrive ce coup de massue: violation potentielle des dispositions antidopage. Suspension provisoire. Le hockey sur glace, c'est temporairement terminé.
L'aventure du jeune homme à Davos s'est transformée en cauchemar. Comme diabétique, Aleksi Peltonen a besoin d'insuline.
Le Finlandais peut toutefois jouer avec de l'insuline grâce à une autorisation exceptionnelle. Seulement voilà: après son engagement au HC Davos, le club grison a oublié de demander la dérogation. Conséquence? Peltonen a été testé positif après le contrôle antidopage et en a été informé par e-mail. «J'ai été choqué, car je pensais que tout allait bien», témoigne-t-il après coup.
Cette affaire a fait les gros titres dans le pays. Il s'agissait clairement d'une négligence du HC Davos, comme celui-ci l'a communiqué quelques jours plus tard après la suspension. Le club s'est certes excusé auprès de son attaquant finlandais, mais ce dernier n'a pas pu jouer un match ni s'entraîner avec l'équipe pendant plus d'un mois.
Aleksi Peltonen était livré à lui-même. «Ce n'était pas trop dur, mais pas drôle non plus», rembobine-t-il, assis au restaurant de la patinoire de Davos. Pendant que le jeune homme s'entraînait seul sur la glace, son cas était sur la table de l'Agence mondiale antidopage (AMA) et son club a fourni tous les documents nécessaires. Fin octobre, la nouvelle libératrice est arrivée: la suspension est levée.
L'insuline est surtout utilisée de manière abusive dans les sports de force. Et pour cause: ce produit freine la perte de muscle et favorise l'endurance. Les dernières statistiques de l'AMA ne font état que de trois cas de dopage à l'insuline, autrement dit un chiffre très bas.
Selon Swiss Sport Integrity, 23 autorisations exceptionnelles ont été accordées pour l'insuline depuis le début de l'année 2019. Elles doivent être renouvelées par les athlètes tous les cinq ans.
Quand Aleksi Peltonen avait 12 ans, son pancréas a soudainement cessé de produire de l'insuline. Pendant un tournoi de hockey sur glace, il est devenu constamment fatigué, avait soif et devait toujours aller aux toilettes.
Mais les médicaments ne faisaient pas effet. Le Finlandais commençait à perdre beaucoup de poids et dormait toute la journée. Pour la première fois, sa carrière de hockeyeur était en péril.
Ce n'est que bien plus tard qu'on lui a diagnostiqué un diabète. Dès qu'il a reçu les bons médicaments, son état de santé s'est considérablement amélioré. Mais pour Peltonen, le diagnostic a été difficile à accepter au début:
Pourtant, à l'époque comme aujourd'hui, le diabète n'a pas été un obstacle insurmontable à sa carrière. Cette maladie chronique est plutôt comme un compagnon permanent et parfois encombrant. Au propre comme au figuré: le jeune hockeyeur porte en permanence une pompe à insuline à la hanche ainsi qu'un appareil de mesure du sang sous la forme d'un bouton sur le haut du bras. Même pendant les matchs. Seul l'appareil connecté sans fil affichant les valeurs reste au vestiaire.
Il raconte ça avec une légèreté comme s'il parlait d'une canne cassée. Dans son kit, il a aussi des seringues d'insuline d'urgence et des sucres de raisin.
Mais Aleksi Peltonen n'a finalement pas besoin de beaucoup plus que les autres joueurs de l'équipe. Après les matchs, il peut par exemple manger le même repas que ses coéquipiers, mais avec une dose d'insuline avant. Il doit adapter manuellement les quantités de celle-ci en fonction de ce qu'il mange, des entraînements et des matchs, malgré la pompe.
Enfant, il ne savait même pas ce qu'étaient les glucides, confie-t-il. Aujourd'hui, il lui suffit de regarder son assiette pour savoir quelle quantité d'insuline il lui faut.
Pendant les pauses entre les tiers-temps et même durant l'entraînement, il vérifie sans cesse son taux de glycémie sur son téléphone portable. Il est une personne nerveuse, dit-il, et a par conséquent toujours beaucoup d'adrénaline dans le corps. «Au premier tiers-temps, ma glycémie augmente toujours parce que je suis très excité.» Mais elle redescend au fil du match, car le corps consomme beaucoup d'énergie.
Si le taux est trop bas, son téléphone portable sonne l'alarme dans le vestiaire. Mais sur la glace, le Finlandais ne l'entend pas. Il se rend compte de lui-même s'il se sent tout à coup bizarre ou s'il ressent une sorte de faim. Il lui prend alors une envie:
Le diabète est une maladie pénible et surtout un exercice d'équilibriste pour les personnes qui en souffrent. En effet, si l'on a trop d'insuline dans le corps, la glycémie baisse et l'on tombe en hypoglycémie. Une hypoglycémie grave peut aller de la perte de connaissance à la mort. L'hyperglycémie, causée par un manque d'insuline, est elle aussi dangereuse pour la santé, mais plutôt sur le long terme.
Pour un médecin d'équipe, il n'est pas fréquent de côtoyer des diabétiques. En 14 ans de carrière au HC Davos, le docteur Walter Kistler n'a connu que deux cas.
Walter Kistler n'a pas eu à intervenir beaucoup auprès de joueurs comme Aleksi Peltonen. Mais dans le club grison, tout le staff médical, y compris les physios, a été formé aux premiers secours pour les diabétiques et le stock de médicaments a été augmenté.
Le hockey sur glace est un sport singulier dans lequel les joueurs mettent énormément d'intensité et dépensent beaucoup d'énergie sur une courte période. Ce temps est limité à environ 45 secondes en moyenne par shift, mais il s'accumule plus ou moins selon les joueurs. En 12 matchs avec le HC Davos, Peltonen a bénéficié d'un temps de glace moyen par rencontre de 6 minutes et 28 secondes, ce qui représente environ neuf shifts. Mais ça reste très peu en comparaison avec le meilleur attaquant davosien, Joakim Nordström, qui passe en moyenne 17:52 minutes sur la glace par match.
Walter Kistler constate:
Plus un diabétique a besoin d'énergie, plus son taux de sucre est bas. C'est pourquoi le risque d'hypoglycémie est plus élevé en faisant du sport. Conséquence? Une hyperglycémie volontairement créée avant l'effort.
Chez les diabétiques, il est donc important d'injecter la bonne quantité d'insuline au bon moment. Ce qui peut paraître compliqué pour ceux qui n'en ont pas l'habitude fait partie du quotidien des personnes qui souffrent de diabète. Comme Aleksi Peltonen, la plupart d'entre eux sont capables d'estimer la quantité d'insuline qu'ils doivent s'injecter à côté d'un repas. C'est un calcul permanent et, à la longue, une lourde tâche.
Ce processus de mesure peut désormais être pris en charge par l'intelligence artificielle (IA). L'IA est également utilisée dans certains programmes et applications qui permettent d'analyser les taux de glycémie et d'optimiser le dosage de l'insuline.
Ce n'est pas seulement grâce à l'intelligence artificielle qu'il devient plus facile de vivre avec la maladie, mais aussi grâce aux nouvelles technologies. Alors qu'auparavant, il fallait constamment se piquer le doigt pour mesurer le taux de sucre, un capteur en forme de bouton muni d'une fine sonde dans le haut du bras peut aujourd'hui le faire. De même, des prototypes de pompes à insuline sont actuellement implantés dans le corps et peuvent être alimentés en insuline de l'extérieur.
Le cauchemar de Davos a certes pris fin pour Aleksi Peltonen avec la levée de sa suspension pour dopage, mais il n'était plus heureux dans les montagnes grisonnes. Début janvier, il a donc été transféré à Lugano, où son frère jumeau Jesper est également sous contrat. «J'avais besoin d'un nouveau départ», confie-t-il. Et au Tessin, il continuera d'aligner les performances de haut niveau, malgré son diabète.
Adaptation en français: Yoann Graber