Genève et Bienne se ressemblent. Les deux équipes ont terminé aux deux premières places de la saison régulière, avec le même nombre de points (les Aigles ont fini premiers grâce aux confrontations directes). Elles ont toutes deux impressionné en play-offs et pratiquent un hockey similaire, axé sur la construction du jeu depuis l'arrière. Mais elles ont aussi une grande différence: l'expérience (ou non) d'une finale.
Genève en a disputé – et perdu – une récemment, en 2021, alors que Bienne n'a jamais atteint ce stade de la compétition. Quatorze Servettiens étaient déjà présents lors de la défaite contre Zoug il y a deux ans. Et ça peut avoir son importance.
Parce qu'une finale est un moment particulier, qu'on n'appréhende pas comme un simple match de saison régulière ni même comme les autres séries de play-offs. «Les quarts et les demis, on a l'impression que c'est la suite de la saison régulière, mais, par contre, la pression en finale est plus forte», témoigne Florian Conz, finaliste avec Genève en 2008 et 2010. Et elle se manifeste concrètement:
Et, forcément, la perspective de pouvoir écrire l'Histoire – Genève n'a jamais été champion; Bienne seulement trois fois, la dernière en 1983 – a de quoi alourdir les patins. «Ça devient de plus en plus difficile de trouver le sommeil quand on arrive sur la fin de la série», prévient, avec le sourire, Florian Conz.
C'est là que l'expérience joue déjà un premier rôle, en atténuant le stress de l'inconnu. «Lors de ma deuxième finale, en 2010, j'étais un hockeyeur bien plus accompli et confiant que lors de la première, en 2008», rembobine Chris Rivera, tout proche de toucher le Graal avec les Aigles.
En plus de permettre de se conforter dans ses qualités, un tel précédent a de quoi forger un état d'esprit conquérant. «Toute l'équipe devient addict à la victoire. Même quand tu fais des petits matchs de foot à l'entraînement, tous les joueurs veulent les gagner», se rappelle Chris Rivera.
Et, à en croire, John Gobbi, lui aussi finaliste avec Genève en 2008 et 2010, cette soif de vaincre est accentuée par le goût amer d'un échec si proche du but. «Quand on voit l'adversaire brandir la coupe juste devant nous, on veut revenir encore plus forts, parce qu'on n'a plus jamais envie de vivre un tel moment», se souvient l'actuel directeur général de Fribourg-Gottéron.
Malheureusement pour les Servettiens, leur hargne n'a pas suffi à terrasser Berne deux ans après avoir perdu contre Zurich (2-4). Pour les Aigles, le dénouement a même été plus cruel contre les Ours que face aux Lions: Berne s'était imposé lors du 7e et dernier acte.
Mais, malgré cette issue défavorable, l'expérience engrangée contre les Zurichois aura été utile. «On a appris de nos erreurs», rejoue Florian Conz.
Oui, une finale se joue aussi (surtout) sur la gestion des émotions, d'autant plus quand elle oppose deux équipes aussi proches que Genève et Bienne. «Tout est question d'équilibre, il faut garder un niveau de tension ni trop haut ni trop bas», philosophe Florian Conz.
Si l'expérience des Genevois leur donne un avantage, il faut toutefois relativiser celui-ci: même si le HC Bienne n'a jamais vécu de finale, il compte dans ses rangs plusieurs hockeyeurs de grande expérience et familiers avec ces moments couperets. Il y a, bien sûr, Beat Forster, 40 piges et six titres de champion, ou encore Robin Grossmann (deux sacres) et Luca Cunti (idem).
Et même pour les novices qui auraient la boule au ventre, elle disparaît assez vite, à en croire Chris Rivera: «Dès qu'on entre sur la glace, on pense uniquement à jouer et gagner, comme pour un match normal».
«La motivation et l'envie de victoire l'emportent sur la peur», appuie John Gobbi. Et, finalement, c'est peut-être les pensées genevoises que la pression peut parasiter. «Quand on se dit qu'on ne veut absolument pas perdre une autre finale, de la nervosité peut apparaître», avertit Florian Conz.
Vous l'aurez compris, nos trois experts sont unanimes: un titre se gagne au mental. Reste à savoir qui des Genevois ou des Seelandais aura la tête la plus dure et le sang suffisamment froid. Une chose est sûre: le vainqueur offrira à la Romandie un premier sacre depuis... 40 ans. De quoi enfin décomplexer tous les hockeyeurs de ce côté-ci de la Sarine.