Le palmarès de Joe Thornton est presque aussi fourni que sa barbe. C'est dire si le hockey sur glace dit au revoir à un grand monsieur. Dimanche, le Canadien de 44 piges aux 1714 rencontres de NHL a officiellement annoncé sa retraite dans une vidéo sur les réseaux sociaux.
🚨 Important Shirtless Jumbo Message 🚨 pic.twitter.com/ZQJxCSr8zm
— San Jose Sharks (@SanJoseSharks) October 28, 2023
Pas vraiment une surprise: il n'avait plus joué depuis la fin de la saison 2021-2022, quand son contrat avec les Florida Panthers est arrivé à terme. Malgré tout, cette annonce a de quoi secouer, et surtout en Suisse, où tous les fans de hockey de plus de 30 ans se rappellent des exploits de «Jumbo Joe» avec le HC Davos. Ils sont d'autant plus mémorables que rien ne présageait l'histoire d'amour entre la star de NHL et le village grison.
A la base de cette improbable union, le lock-out de l'automne 2004 dans la prestigieuse ligue nord-américaine. Les hockeyeurs font grève parce qu'ils refusent l'instauration d'un plafond salarial. Mais pour garder la forme, ils doivent continuer à s'entraîner et, si possible, jouer des matchs. C'est ainsi que la Suisse, destination de choix, voit débarquer quelques stars dans son championnat. Parmi elles, Joe Thornton. L'Ontarien, sous contrat avec Boston, signe à Davos en compagnie de Rick Nash et Niklas Hagman.
Tout le pays est en ébullition devant ces arrivées de vedettes, la saison s'annonce grandiose. Pourtant, les débuts de Thornton dans les Grisons sont compliqués. «Arno Del Curto (réd: le mythique entraîneur davosien, en poste à ce moment) a déclaré lors d'une réunion du conseil d'administration qu'il n'y avait que deux options: soit Thornton s'en allait, soit c'était lui», rembobine la NZZ. Et pour cause: le coach n'est pas content de l'attitude de sa recrue-star.
Aucun doute, l'attaquant de 25 ans a compris le message. Avec ses deux acolytes de NHL, il brille le reste de la saison dans toutes les patinoires de LNA et offre le titre à Davos, après une mémorable finale contre Zurich. Il est le meilleur buteur des play-offs et est élu MVP de la saison.
Le charme davosien a donc opéré sur le Canadien. Et pas que sur la glace. C'est durant ce premier séjour qu'il rencontre sa femme, Tabea, une Grisonne avec qui il est marié depuis 2009 et a deux enfants, Ayla (13 ans) et River (10).
De quoi tisser un lien éternel entre la star de NHL et Davos. A tel point que la famille Thornton y revient chaque été dans l'appartement qu'elle possède et que «Jumbo Joe» effectuait une partie de sa préparation avec le HCD. Il a même à nouveau disputé quelques matchs avec le maillot jaune et bleu en 2012-2013 lors du second lock-out et en automne 2020 durant la pause Covid en NHL. Lors de chacun de ses passages, le champion olympique 2010 a laissé une excellente impression, notamment sur le plan humain.
«Je n'en garde que de bons souvenirs», témoigne Stéphane Rochette, qui a arbitré le Canadien. «C'est un super type, très humble et qui a toujours été très respectueux. Avant un match, il saluait toujours les arbitres avec un petit "Hey guys, good game!", et sur la glace, il était un joueur sur lequel on pouvait s'appuyer pour garder le contrôle de la partie, toujours maître de ses émotions.» L'ex-sifflet, désormais consultant TV pour MySports, a une anecdote croustillante à ce sujet:
Une maturité et un recul sur la situation, des qualités que Félicien Du Bois a aussi détectées chez son ancien coéquipier au HCD en 2020. «Je ne l'ai jamais vu s'exciter ou être stressé», confie celui qui est désormais coach des M20 davosiens. «Et il a toujours été très accessible. On le voit faire ses courses comme tout le monde et venir à la patinoire dire bonjour et discuter avec les gens.»
C'est justement le temps passé par Thornton dans les patinoires qui fascine le natif de La Chaux-de-Fonds.
Félicien Du Bois se rappelle aussi d'un collègue charismatique dans le vestiaire, avec une belle confiance en lui «mais qui n'a jamais fait la morale à qui que ce soit.»
Klaus Zaugg ne dit pas autre chose. «Quand Joe Thornton rentrait dans une pièce, tout le monde le regardait et se taisait. Sa grande taille (réd: 193 cm) impressionnait. Mais il n'a jamais eu une attitude de diva. C'est quelqu'un avec un certain humour, ironique», observe le journaliste expert en hockey sur glace. Et la star n'est apparemment pas du genre susceptible:
Reste désormais à savoir ce que l'ancien attaquant de Boston et de San Jose, entre autres, fera de ses journées de jeune retraité. Avec les millions qu'il a amassés en NHL, il pourrait sans problème opter pour l'oisiveté pendant quelque temps. Mais pas sûr que ce grand passionné puisse rester loin de la glace longtemps. Il confirme ce sentiment à la fin de sa vidéo: «Si vous me cherchez, vous savez où me trouver: je serai à la patinoire.»
Et devinez quoi: ça pourrait être celle de Davos. En 2022, alors que le Canadien n'avait plus de club, le HCD lui a proposé plusieurs fonctions, dont celle de directeur sportif de la Coupe Spengler. Et quand on sait que les grosses barbes sont désormais tolérées dans les costards-cravate, l'offre a de quoi être alléchante.