Il y a deux mois encore, Beat Feuz disait ce qu'il a toujours dit ces dernières années au sujet de sa retraite: «Tant que j'aurai du plaisir et de la motivation à skier, je continuerai.» Mais juste avant Noël, tout s'est soudain accéléré. L'Emmentalois de 35 ans veut encore disputer ses descentes préférées à Wengen et Kitzbühel, mais les Championnats du monde de février en France se dérouleront déjà sans lui. Le champion nous explique ce changement d'avis.
Beat Feuz, pourquoi avez-vous décidé de prendre votre retraite?
BEAT FEUZ: Tout d'abord, je m'excuse d'avoir offert un Noël aussi court aux journalistes. (rires) Les raisons sont simples: à un moment donné, j'en ai eu assez. J'en ai assez du ski, assez vécu et assez accompli de choses.
Et quel rôle a joué votre santé?
L'histoire de mon corps, tout le monde la connaît. Je n'ai pas beaucoup parlé par moi-même de mon genou gauche. Mais c'était souvent pire que ce que l'on pensait. C'était aussi un plus grand combat que ce que l'on pensait. Ça n'a plus de sens non plus de continuer à se battre. Il faut tellement de temps pour que le corps devienne compétitif. Je ne suis plus disposé à investir autant de temps. Mon corps m'a dit que c'était fini. Mais ma famille est aussi trop importante pour que je prenne ce risque. Mon souhait était que ma retraite soit une surprise pour le public. J'y suis définitivement arrivé. Tout s'est donc déroulé exactement comme je le souhaitais.
Pourquoi ne pas disputer quand même les Championnats du monde?
Quelque part, je dois rester fidèle à ma ligne de conduite. J'ai toujours dit que mes grandes courses et mes objectifs, malgré les Jeux olympiques ou les Championnats du monde, étaient les classiques de Wengen et de Kitzbühel. Je veux y être à nouveau compétitif.
Avec votre annonce, la pression de la compétition a quasi disparu pour vous. Mais y a-t-il encore suffisamment de tension pour attaquer à fond ces dernières courses?
Oui, c'est sûr. La décision est mûrie depuis un certain temps déjà au sein de la famille. Mais c'est clair que la pression disparaît lorsque l'on communique cette décision à l'extérieur. Pour moi, que j'annonce ma retraite un mois avant ou juste après Kitzbühel, ça ne joue aucun rôle en termes de tension.
Concrètement, quand avez-vous pris cette décision ?
Ça fait des années qu'on me parle de ma retraite. J'ai cependant repris l'entraînement d'été comme si de rien n'était. Je suis également allé au camp d'entraînement en Amérique du Nord sans penser à ce sujet. Puis nous sommes allés à Lake Louise pour la première course.
Mais c'était vraiment que le manque de motivation ou votre genou a aussi joué un rôle dans ce choix?
C'est un tout. J'aurais encore envie de skier. Mais il faut un effort incroyablement important pour être compétitif. Et avec l'âge, ça devient de plus en plus exigeant. En même temps, j'ai remarqué que mes problèmes physiques ne diminuent pas. Je ne suis plus disposé à faire cet effort pour mon genou gauche. Même si c'était le cas, je n'aurais aucune garantie de pouvoir prendre le départ sans douleur. Si je ne suis plus prêt à m'investir à 100% dans ce sport, je n'ai plus rien à faire ici.
Votre vie privée a-t-elle aussi été déterminante dans votre décision ne plus vouloir prendre tous les risques?C'est certain. Pour moi, la famille passe toujours en premier, c'est la priorité absolue. On pense aussi aux enfants. Pas forcément au départ d'une course, mais justement, ces moments où l'on est longtemps sur la route, comme en Amérique du Nord, je n'en ai plus forcément besoin.
Avant qu'elle soit publique, à qui avez-vous communiqué votre décision et quand?
Je tenais à ce que très peu de personnes soient au courant jusqu'à la communication officielle, histoire que ça ne sorte pas prématurément. Du coup, je n'ai informé que quatre ou cinq personnes à l'avance et personnellement.
Quels sont vos projets pour l'après-carrière?
Il y a quelques projets, mais rien de concret pour l'instant. Je n'ai pas non plus de stress à ce sujet. Mais je suis toujours skieur pro. Et heureusement, j'ai aussi le privilège de pouvoir prendre trois mois de vacances.
Pourquoi avez-vous fait l'impasse sur le premier entraînement à Bormio?
J'ai été enrhumé ces derniers jours et je n'ai pas beaucoup d'énergie actuellement. Le tracé de Bormio demande pas mal d'énergie. L'idée serait d'être au départ mardi. Si ça ne devait pas se faire, ce ne serait pas non plus la fin du monde.
Avant la saison, vous aviez défini comme objectif les classiques et non le globe de descente. Avez-vous senti que votre carrière touchait à sa fin?
J'ai surtout remarqué comment mon corps réagissait après les journées d'entraînement. C'est différent d'il y a quatre ou cinq ans. Moi-même, j'ai senti que la lutte pour le globe de descente serait du coup difficile pour moi.
Combien de fois avez-vous dû esquiver la question de votre retraite?
C'est sûr, je n'ai pas dit la vérité lors des Sports Awards. Mais juste avant la saison, je n'avais pas encore pris ma décision, vraiment. J'ai ressenti que mon corps n'était plus comme les années précédentes.
Mais depuis que cette pensée est venue spontanément, je n'ai plus jamais vraiment douté que c'était la bonne chose à faire.
Adaptation en français: Yoann Graber