Roger Federer n'est resté que sept minutes sur le court du tournoi de Halle le 21 juin dernier, sous les yeux du monde entier, où un hommage lui a été réservé. C'était la première fois que le Bâlois foulait un terrain de tennis en public depuis ses adieux en septembre dernier à la Laver Cup.
On a pu deviner à la fin de la cérémonie, lorsque sa voix s'est brisée, à quel point il était touché. Parce qu'il s'agissait d'une confrontation avec son propre passé. Avec ce qui a été et ne sera plus jamais. Parce que ce sont des moments qui ne reviendront plus.
Un lien particulier unit Federer à Halle, tissé de succès (10 sacres) et d'amitié avec le directeur du tournoi Ralf Weber. Mais rien, aucun lieu, aucun tournoi, ne suscite autant d'émotions chez la légende du tennis que les Swiss Indoors de Bâle. Il a grandi dans cette ville et a une relation étroite avec cet événement depuis son enfance, quand il y était ramasseur de balles. Il y a, par exemple, cette image après la finale de 1993, quand il se voit remettre une médaille par le vainqueur, Michael Stich, en guise de remerciement, comme le veut la tradition.
Sa mère, Lynette, y a travaillé pendant dix ans au bureau d'accréditation. Et, en tant que joueur, Roger Federer a atteint la finale à quinze reprises, pour la première fois en 2000, à 19 ans. Il a remporté ce tournoi dix fois entre 2006 et 2019. Le triomphe d'il y a quatre ans est d'ailleurs le dernier de ses 103 titres.
Le 16 septembre 2022, quelques heures après l'annonce de Federer de mettre un terme à sa carrière, les Swiss Indoors lui ont promis des adieux dignes de ce nom la même année. Mais ils n'ont pas eu lieu. Trois semaines avant le début du tournoi, le jeune retraité et la direction du tournoi ont fait savoir qu'ils ne se sentaient pas encore en mesure de le faire sur le plan émotionnel.
Le Bâlois expliquait alors qu'il devait digérer cette décision. «La fête chez moi à Bâle aura une signification toute particulière pour moi, mais cette année, elle vient trop tôt après mon dernier match à la Laver Cup», se justifiait-il. Dans le même temps, la perspective d'une cérémonie dans la Halle Saint-Jacques en automne 2023 avait été évoquée.
Il faut savoir que la relation entre le directeur du tournoi (Roger Brennwald) et Federer avait été mise à l'épreuve après un désaccord sur le cachet de participation en 2012. En 2014, l'homme aux vingt titres du Grand Chelem était venu jouer sans cachet. Le différend a pu être réglé et Federer a reversé sa prime lors de chaque édition suivante à sa fondation.
A Halle, Roger Federer a fait une confidence exclusive au groupe CH Media, auquel appartient watson. Il a pris le temps de s'exprimer avec précision, car la question était importante et délicate. Il ne voulait froisser personne. Ni les Swiss Indoors, ni Roger Brennwald, ni ses nombreux fans en Suisse.
Le sujet? Ses adieux officiels au tournoi de Bâle, justement. Le Rhénan avoue qu'ils n'auront pas lieu cette année, et même sans doute jamais. Mais il précise que ça n'a rien à voir avec les antécédents:
Oui, l'incapacité à gérer ses émotions sur le moment lui fait peur. Il y a une autre raison, plus pragmatique, pour laquelle Federer ne veut plus de cérémonie dans «son» tournoi: la dernière image qu'il veut laisser dans la tête du public. Il ne veut pas que l'on se souvienne de lui sur le court en costume, mais plutôt en tenue de tennisman. Avec le trophée en mains, lors de sa dernière venue en 2019, qui est aussi l'ultime sacre de sa fantastique carrière.
Le «Maître» ne ressent pas le besoin de prolonger artificiellement cette histoire d'amour:
Reconnaissant, il admet que «ça signifie beaucoup pour moi que Roger Brennwald ait voulu me dire au revoir». Roger Federer reviendra d'ailleurs toujours avec plaisir dans la Halle Saint-Jacques. Mais comme invité et spectateur, pas en tant qu'attraction. «J'aime toujours venir à Bâle pour passer du temps avec ma famille et mes amis. Un jour, je reviendrai aussi dans les tribunes pour regarder du tennis. Mais plus pour m'y produire. Je me sens toujours très bien accueilli dans cette salle où j'ai vécu tant de choses.»
«RF» a laissé une trace indélébile à Bâle, là où tout a commencé et où la boucle a été bouclée en 2019. Ce qui reste, ce sont les souvenirs de son jeu, de ses victoires et de ses défaites. De ces moments d'émotions. C'est peut-être mieux si c'est cette dernière impression perdure. Parce que les souvenirs sont toujours une deuxième occasion d'être heureux.
Adaptation en français: Yoann Graber