Nous sommes au Brésil, en avril 2023. Joana Mäder envoie un ballon de volley au-dessus du filet. Il atterrit sur le sable. Un point pour l’équipe Vergé-Dépré/Mäder. Huit mois après sa grave blessure, ce geste est un soulagement, une satisfaction, une récompense. Il s’est surtout accompagné d’une certitude: Mäder pourra bel et bien rejouer au plus haut niveau après en avoir longtemps douté.
«J’étais tellement nerveuse à mon retour, un peu comme si je n’avais jamais joué en compétition», reconnaît Joana Mäder. Et si les premiers mois d’entraînement sont encourageants, le chemin est encore très long pour espérer se retrouver en pleine forme sur le sable olympique de Paris au côté de sa partenaire Anouk Vergé-Dépré.
Ce vendredi, les deux médaillées de bronze de Tokyo entreront en lice aux Mondiaux. Leur route vers Paris 2024 passe en effet par le Mexique, qui fera office d’état des lieux mais où elles espèrent aussi franchir un cap.
Rembobinons. En juin 2022, Joana Mäder, qui s’aligne encore en compétition sous le nom Heidrich, et Anouk Vergé-Dépré sont sur le point de remporter leur première médaille de bronze aux Championnats du monde. Leur jeu est séduisant et leur permet de prendre les devants dans la petite finale pour la 3e place. Cette première médaille mondiale leur tend les bras au moment où celui de Joana Mäder cède. L’épaule plus précisément. En une seconde, le rêve s’essouffle, tel un ballon de volley dégonflé.
L’action qui a tout fait déraper? Une attaque de Joana Mäder. Au lieu du bruit habituel de la frappe de la main sur le ballon, c’est son propre cri qui s’envole dans les airs. Un cri de douleur qui fait même frémir les spectateurs présents dans l’arène de beach-volley de Rome et ceux derrière leur écran. Tout le monde est sous le choc.
L’athlète de 32 ans comprend très vite que son épaule est déboîtée. «Nous avons obtenu le droit de jouer pour une médaille, mais nous l’avons payé cher», résume Joana Mäder.
Ce qui se passe ensuite est probablement le cauchemar de toute sportive professionnelle. Mäder doit attendre plus d’une heure avant de recevoir des soins médicaux. Encore davantage pour que son épaule soit remise en place. Elle peut à peine bouger le bras. Le verdict est implacable: les nerfs sont touchés.
Sa coéquipière Anouk Vergé-Dépré reste en permanence à ses côtés. «C’était un moment difficile et j’aurais aimé pouvoir en faire plus», explique la Bernoise. Encore aujourd’hui, les deux femmes ont de la peine à évoquer ce qui s’est passé et ont tendance à en rire jaune.
Les premières semaines ont été placées sous le signe de l’incertitude. Joana Mäder pourra-t-elle à nouveau bouger son bras? Jouer au beach-volley? Suffisamment pour s’aligner en compétition au sein de l’équipe médaillée de bronze olympique? Vergé-Dépré a d’abord essayé d’éviter d’y penser. Ce qui n’a pas été simple.
D’autant que ce n’est pas la première fois. Mäder avait par exemple souffert d’une hernie discale en 2018.
«Certaines personnes m’ont dit que j’étais folle de continuer à miser sur ma coéquipière après une telle blessure», confie Vergé-Dépré. Bien sûr, elle a aussi pensé à ce qui se passerait si Mäder n’étais pas en mesure de recouvrer l’intégralité de ses moyens. Mais elle s’est bien gardée de le dire à cette dernière.
«J’ai toujours pensé qu’Anouk continuerait à miser sur nous en tant que duo», assure Mäder. Durant son absence, Vergé-Dépré a fait équipe avec Menia Bentele pour se maintenir en forme. Mäder aurait accepté la décision de sa coéquipière de longue date si celle-ci ne l’avait pas attendue. Surtout qu’aucun médecin n’a pu lui garantir qu’elle pourrait retourner un jour sur le sable. «Je ne pouvais légitimement pas lui demander de m’attendre», reconnaît-elle.
Mais Anouk Vergé-Dépré n’a jamais voulu quitter sa partenaire. Et forcément, le souvenir de Tokyo remonte quand elle se projette sur une potentielle participation aux JO de Paris:
Et la Bernoise d’insister sur le fait que les blessures passées ont plutôt eu tendance à souder leur équipe.
Au sein du duo, les pensées positives l’emportent: «J’ai toujours cru que j’y arriverais, que je pourrais à nouveau taper dans un ballon et jouer au beach-volley», confie Mäder. Après 15 ans de pratique, elle a dû réapprendre son sport.
Un travail de longue haleine réalisé lors de la rééducation.
«Il faut se laisser le temps nécessaire, car si on saute une étape, on peut vite faire un pas en arrière.» Elle doit encore accepter certains paramètres, car elle aussi veut avancer le plus vite possible.
Quand son épaule fait à nouveau grève à l’entraînement, les deux femmes parviennent à détendre la situation avec de petites blagues. D’ailleurs, Mäder a fait de sérieux progrès depuis son retour et n’est plus très loin de sa meilleure forme.
Le come-back de la paire a été plein de promesses et les deux Suissesses ont déjà disputé plusieurs tournois. Le prochain objectif débute ce vendredi avec ces Championnats du monde au Mexique. «Notre rêve de médaille mondiale reste d’actualité», lance Vergé-Dépré. Même si le défi sera encore plus grand que ces dernières années. En effet, le duo n’a pas obtenu les mêmes résultats que l’an dernier, par exemple, avec notamment une 4e place aux derniers Championnats d’Europe.
«Nous savons de quoi nous sommes capables. Il faut simplement le montrer à nouveau sur le terrain», anticipe Mäder. Si elles n’ont pas perdu leur science du jeu, tous les acquis font partie du passé. Et tous les scores sont remis à zéro avant cette compétition qui intervient tout juste un an après le tournoi qui a stoppé net leur carrière.
Adaptation en français: Stéphane Combe