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Ukraine: Cargill a fait des mégabénéfices grâce à la guerre

Ukraine: Cargill a fait des mégabénéfices grâce à la guerre
Cargill a engrangé des bénéfices records en 2021.Image: Shutterstock

Ce secteur fait des méga-bénéfices grâce à la guerre en Ukraine

Alors qu'une partie du monde est plongée dans l'angoisse de pénuries énergétiques, de médicaments et d'aliments, un secteur s'en sort haut la main. Il a même enregistré des bénéfices records depuis 2021.
20.01.2023, 11:5620.01.2023, 17:59
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Le négoce en matières premières ne connaît pas la crise, telle est la conclusion d'une enquête menée par l'ONG Public Eye.

Pendant que la guerre en Ukraine plonge une partie du monde dans la peur d'une pénurie énergétique, et que la précarité ne fait qu'augmenter en raison d'une flambée des prix de l'alimentation, certains secteurs se frottent les mains. Notamment les vendeurs de pétrole, de gaz, de charbon, de blé ou de maïs, lesquels profitent directement de la hausse de la demande - et celle des prix - sur le secteur des matières premières.

Un certain nombre de ces sociétés ont engrangé des bénéfices records depuis la pandémie. Or, elles sont pilotées depuis la Suisse, dénonce l'ONG Lausannoise. Les «soft commodities» - les produits agricoles tels que le blé ou le maïs, sont particulièrement touchées par le phénomène.

«Le numéro 1 mondial du négoce agricole, Cargill, qui mène ses activités commerciales et de fret depuis Genève, a vu ses profits augmenter de 141 % au cours de l’exercice financier de juin 2021 à mai 2022 par rapport à leur moyenne avant la crise du Covid-19.»
Public Eye
Cargill, «qui ne publie plus ses chiffres depuis 2020», a enregistré des bénéfices records: près de 6,7 milliards de dollars US.
Cargill, «qui ne publie plus ses chiffres depuis 2020», a enregistré des bénéfices records: près de 6,7 milliards de dollars US.publiceye

Le géant américain de la transformation des produits agricoles Archer Daniels Midland (ADM), dont le centre européen est installé à Rolle (VD), a enregistré en 2021 ses bénéfices les plus importants en «près de 120 ans d’histoire».

Bunge: une perte de 1,9 milliard de dollars en 2019; un bénéfice de plus de 2 milliards de dollars en 2021.
Bunge: une perte de 1,9 milliard de dollars en 2019; un bénéfice de plus de 2 milliards de dollars en 2021. publiceye

Au début de la pandémie du Covid-19, la volatilité du marché s'est accrue, provoquant des pertes pour une partie des groupes. Mais ces derniers, à l'instar du «Genevois» Bunge, ont pu les compenser - et même avantageusement - en 2021. La pente ascendante s'est en outre renforcée à l'entame du premier semestre 2022.

Le cocktail gagnant pour prospérer en temps de crises successives? La Louis Dreyfus Company (LDC), domiciliée à Genève, ébauche quelques hypothèses pour expliquer ses brillants résultats sur l'année écoulée:

«[…] des perturbations sur les chaînes d’approvisionnement […] ainsi que des préoccupations relatives à une résurgence du Covid, notamment en Chine, amplifiées au premier semestre 2022 par la crise Russie-Ukraine.»
Rapport financier de la Louis Dreyfus Company (LDC), cité par l'ONG Public Eye

Pétrole, gaz et charbon

Les grandes gagnantes de la crise sanitaire et de la guerre restent les matières énergétiques. Vitol, l'une des principales sociétés de trading pétrolier au monde domiciliée à Genève, a enregistré des résultats records, avec 4,5 milliards de dollars au premier semestre 2022, contre 4,2 milliards sur toute l’année 2021.

Trafigura, dont le pôle international de négoce est assis dans la Cité de Calvin, a pu dégager en 2021 des bénéfices en hausse de 230 % par rapport à leur moyenne avant la pandémie.

Et d'après le Financial Times, c'est Glencore, basé dans le canton de Zoug, qui reçoit la couronne du plus grand gagnant «des perturbations causées par la guerre en Ukraine sur les marchés des matières premières». Ces résultats sont notamment dus à l'exploitation du charbon - une industrie «climaticide» selon Public Eye - qui participerait, selon estimations, à hauteur de 50% du total des bénéfices de la multinationale.

«Le groupe a engrangé en 2021 quelque 5 milliards de dollars US de bénéfices, soit une augmentation de 661 % par rapport à la moyenne avant la pandémie.»
publiceye
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Le siège de Glencore à Baar (ZG): le groupe possède 26 mines de charbon, dont la plupart se trouvent en Australie.Image: sda
La «Genevoise» Mercuria aurait obtenu en 2021 le meilleur résultat de son histoire, selon Bloomberg.
La «Genevoise» Mercuria aurait obtenu en 2021 le meilleur résultat de son histoire, selon Bloomberg. publiceye

Pourquoi c'est problématique?

Comment font les négociants pour être aussi résilients face aux crises et aux violentes fluctuations du marché qui en découlent? Pour Public Eye, c'est entre autres grâce à:

  • leur position centrale entre l’offre et la demande en matières premières
  • leur accès exclusif aux informations sur le marché
  • leur accès facilité au financement
  • la forte hausse du prix des énergies fossiles dans le sillage des sanctions européennes ciblant le charbon et le pétrole.
  • la flambée des prix des céréales ou des oléagineux: «la volatilité des prix est mauvaise pour ceux qui doivent se nourrir, mais bonne pour les investisseurs, les spéculateurs et les négociants»

Malgré le fait que la Suisse est une plaque tournante pour le commerce des matières premières, peu de chiffres sont publiés: il s'agit en effet d'un «commerce de transit». Les échanges sont organisés depuis le territoire helvétique, mais les marchandises ne sont pas importées sur place, ni exportées depuis le pays, et n'apparaissent donc pas dans les statistiques douanières.

Face à ce trou dans les données, Public Eye pointe du doigt le niveau fédéral, lequel serait peu enclin à forcer les multinationales à dévoiler leurs chiffres en toute transparence. Pourtant, selon des estimations articulées par l'ONG:

«la moitié au moins du commerce mondial de céréales passe par des négociants domiciliés en Suisse, tout comme 40 % du charbon et un baril de pétrole sur trois»
Public Eye

L'opacité des données ne permet pas de mettre en lumière d'éventuels cas de corruption, de blanchiment d’argent ou d'avantages fiscaux irraisonnés, indique encore l'ONG. Il serait en outre impossible d'assurer un suivi des sanctions auprès des multinationales, ou encore de leur faire respecter des standards liés au climat ou aux droits humanitaires.

Difficile en outre de déceler à qui profite exactement cette manne financière:

«La discrétion fait partie intégrante du modèle d’affaires des négociants. L’identité des propriétaires est un secret aussi bien gardé que les éventuels liens entretenus avec des proches du Kremlin.»
publiceye
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Video: watson
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