«Durant les fêtes de fin d'année, vous entrez dans un long tunnel, Mme Ruefli» me lance Cédric Jotterand, directeur et rédacteur en chef du Journal de Morges, d'un air taquin. Le tunnel, c'est la consommation d'alcool des élus locaux qui entrent, selon le journaliste, dans une période intensive.
Avec les apéros de fin d'année des conseils communaux, ceux des sociétés locales, les comptoirs et les marchés de Noël, les élus sont très sollicités et les verres offerts par «le patron»...sont légions. Mais faut-il en déduire pour autant que la consommation d'alcool est inévitable, voire inhérente à la fonction de politique? Témoignages d'élus et analyse d'un fin connaisseur de la politique locale.
«Quand j'ai commencé la politique, il y a quinze ans, j'ai participé à une verrée où il n'y avait pas de boissons sans alcool», explique Murielle Macchi-Berdat, conseillère communale à Delémont. La Jurassienne récemment interviewée par le Quotidien jurassien sur la consommation d'alcool des élus répond de manière franche et directe à nos questions.
L'agenda d'un politique est-il vraiment agrémenté de nombreux apéritifs? Pour en avoir le cœur net, nous demandons à la conseillère communale jurassienne un exemple d'une journée «type».
C'est pas un peu exagéré tout ça? «Totalement »nous répond Murielle Macchi-Berdat dont la profession d'ergothérapeute ne laisse pas de place à ce type de consommation.
Même son de cloche du côté de la Berne fédérale, où la question de la consommation d'alcool «est tout à fait légitime» répond la conseillère nationale fribourgeoise Valérie Piller Carrard (PS).
La conseillère nationale a donc décidé, en 2019, d'éviter de consommer chaque jour de l'alcool durant les sessions. Mais son agenda est-il aussi chargé en apéro que celui d'une municipale? La question la fait sourire et elle n'hésite pas à lever le voile sur le programme des parlementaires de la session d'hiver avec, comme particularité, le renouvellement des deux chambres.
«Mais on ne fait pas que ça, on travaille quand même entre deux» nous fait remarquer la conseillère nationale d'un air complice. Loin de vouloir donner une image désinvolte de nos politiques, Valérie Piller Carrard nous rassure: elle n'a jamais vu de collègues «dans des situations délicates», mais confirme que «chacun doit connaître ses propres limites».
Vous l'aurez compris, la consommation de boissons alcoolisées chez les politiques est une pratique généralisée et ce n'est pas Cédric Jotterand, le directeur du Journal de Morges qui dira le contraire: «Chez nous, tout se passe autour d'un verre de vin et les politiques n'y échappent pas». Le journaliste relève toutefois une exception.
Pèdzer, soit rester coller à la conversation, c'est bien ce que les citoyens attendent de leurs élus confirme Philippe Leuba, ancien conseiller d'Etat vaudois PLR de 2007 à 2022.
Mais boire de l'alcool est-il une condition pour faire avancer les dossiers? A Berne, la conseillère nationale fribourgeoise Valérie Piller Carrard ne croit pas que cela ait une quelconque influence sur les échanges entre paires tandis que du côté jurassien, Murielle Bacchi-Berdat constate que «les compromis et les dossiers avancent durant les apéros», mais qu'il ne faudrait pour autant pas les lier à la consommation d'alcool. «On n'est pas obligé de boire pour se montrer convivial» note-t-elle. Cette remarque nous fait sourire, les politiques seraient-ils des ados comme les autres, en subissant l'influence du groupe? «Peut-être», sourit la conseillère municipale au bout du fil, elle poursuit:
Vous l'aurez compris, réussir sa carrière politique n'est de fait pas lié à sa consommation d'alcool (encore heureux), mais plutôt à l'image positive qui se dégage de ces moments conviviaux comme les verrées ou les apéritifs suite aux séances de travail. Le véritable enjeu serait donc de ne pas assimiler la convivialité au verre de blanc, pour cela, il manque encore de nombreuses alternatives au fameux «jus d'orange-chips» proposé depuis des décennies selon Murielle Macchi-Berdat.
A la conseillère municipale de conclure qu'après son intervention dans l'article du Quotidien jurassien sur la consommation d'alcool des élus, des hommes politiques sont venus la voir pour parler de leur vécu et «partager» leur tactique.
Ces stratégies d'évitement sont rarement divulguées et assumées par les hommes, à croire que l'image du politique consommateur d'alcool et bon vivant a encore de beaux jours devant elle.