«Il est plausible que l'Europe se rapproche d'une fin de la pandémie», a déclaré l'OMS dimanche. «La période du certificat Covid semble toucher à sa fin», avait déjà prédit Alain Berset samedi. Ces derniers jours, l'ambiance semble être à l'optimisme et la sortie de la crise Covid n'a jamais paru aussi proche.
Même si ce virus nous a appris à nous montrer prudents et que nous ne sommes pas à l'abri d'un énième rebondissement, cet enthousiasme soulève une question qui finira forcément par se poser: comment est-ce que nos autorités, et plus particulièrement le Conseil fédéral, vont-elles gérer la fin de la pandémie? Réponse en 5 points.
«La levée des mesures aura forcément des conséquences, le pouvoir politique va devoir faire la part des choses et évaluer les risques», affirme le politologue René Knüsel. Vaut-il mieux prolonger les restrictions d'une semaine afin de limiter le nombre de cas ou prendre le pari de lâcher la bride? Voilà le genre de dilemmes auxquels le Conseil fédéral devra faire face. Et notamment son ministre de la Santé:
Mais attention, le retour à la vie d'avant se fera très probablement par étapes, selon le spécialiste. «Vous n'allez pas lever toutes les mesures du jour au lendemain, car la pandémie va devenir une endémie. Le virus n'aura pas dit son dernier mot et il faudra donc toujours se montrer prudents.» Une phase qui risque d'être difficile à gérer pour les autorités, selon René Knüsel: «Cela risque de susciter beaucoup d'impatience au sein de la population.»
Le Conseiller d'Etat genevois Mauro Poggia approuve et exemplifie: «Il faudra sans doute maintenir certains gestes de prudence, par exemple, le masque dans les transports publics. Mais ce sera la période la plus compliquée parce qu'on risque de faire face à une indiscipline croissante.» Il souligne donc l'importance de communiquer avec finesse.
René Knüsel souligne que toute la difficulté pour le Conseil fédéral sera d'informer clairement et simplement la population. A ses yeux, lever les mesures signifie également placer les citoyens devant leurs responsabilités. «Le message des autorités doit rassurer, donner de bonnes nouvelles, mais aussi rappeler que le virus est toujours là.»
De son côté, Mauro Poggia met en garde contre le scénario à éviter absolument, une sortie de crise mal maîtrisée:
«La pandémie est terminée en Suisse.» Comment un élu choisit de prononcer une telle phrase? «Alain Berset rêve d'arriver à cette annonce», pointe l'ex-conseiller fédéral en charge de la santé, Pascal Couchepin. Tout en soulignant que la décision s'annonce difficile, le Valaisan rappelle que les acteurs à prendre en compte sont nombreux en politique: l'économie, les cantons, les scientifiques…
«Pour trancher, vous demandez l'avis des spécialistes, vous les contredisez au maximum pour être sûr que c'est du solide, vous regardez l'avis de l'opinion publique, mais, à un moment donné, vous êtes presque seul pour décider. C'est ainsi que ça se passe», explique-t-il. Et il ajoute:
Mauro Poggia décrit un chemin quasi similaire. La pandémie a pourtant apporté un élément supplémentaire. «Il faut essayer de se challenger soi-même. Comme tout le monde, on en a marre du Covid. Je dois faire la différence entre ce que j'aimerais dire et ce que je dois dire.» Et le Conseiller d'Etat de faire preuve de franchise:
Le Genevois précise que la difficulté n'est pas tant de prendre la décision que de venir la communiquer. «Le choix, c'est un travail d'équipe, on peut le partager avec le reste du Conseil d'Etat. L'exercice compliqué, c'est de venir porter le message seul face au public.»
Mauro Poggia l'assure, son canton a commencé à anticiper la fin du virus. «Nous sommes déjà en réflexion parce que cela peut arriver très vite. Nous devons être très attentifs aux contrecoups.» Si l'élu met en avant les conséquences sanitaires, comme le Covid long ou l'impact psychologique de la pandémie, notamment chez les jeunes, il pointe également les risques d'un «Covid long économique».
Le Conseiller d'Etat en charge de la santé a également commencé à travailler avec ses équipes sur la question des HUG. «Ils ont dû freiner leurs activités normales pour prendre en charge les patients Covid. Là aussi, il faudra remettre la machine en route au mieux dès que possible.»
Qu'ils l'avouent ou non, il y a un dernier point que nos élus vont prendre en compte au moment de trancher: les petits jeux de la politique politicienne. Ils seront donc contraints de défendre leur bilan. «Comme dans toutes crises, il y a le risque que certains cherchent à exploiter la situation pour se mettre en avant en disant que cela a été très mal géré et qu'eux auraient fait mieux», analyse René Knüsel. Le politologue est persuadé que le sujet sera mis sur la table lors des élections fédérales en 2023. Et il n'est pas le seul:
L'objectif est simple pour les politiciens qui se livreraient à ce petit jeu: récupérer les mécontents du Covid pour les rallier à leur camp. «On voit bien que, quelle que soit la décision du Conseil fédéral, il y a des réactions. Bien entendu, Alain Berset y pense, mais ce n'est pas la motivation de ses décisions», observe Pascal Couchepin qui a été à la place du Fribourgeois.
Alors, comment se prémunir du retour de bâton au moment d'annoncer la fin de la pandémie? Il y a notamment le risque que certains viennent affirmer que le Covid n'était pas si dangereux que ça. «C'est tout le problème de la prévention. Elle empêche la catastrophe de se produire et donc on a l'impression qu'elle ne sert à rien», pointe René Knüsel. Le spécialiste souligne ainsi l'importance de rappeler aux citoyens les obstacles rencontrés depuis deux ans.
Autre stratégie utile, selon lui, mettre le collectif en avant. «Il faut dire: ON a bien géré la crise. C'est une manière de tirer parti des effets positifs tout en minimisant les effets négatifs.» Le politologue s'attend également à ce que les autorités se livrent au petit jeu des comparaisons internationales pour défendre leur bilan. «Il y a des matchs nuls qui peuvent passer pour des victoires. Le but, c'est de montrer que la Suisse s'en est mieux sortie que les autres.»
De son côté, Mauro Poggia affirme pourtant ne pas vouloir entrer dans ce type de justifications. Tout en confiant avoir conscience que certaines des décisions prises lors de la pandémie ont pu causer de la douleur, le Conseiller d'Etat assure qu'elles étaient nécessaires pour préserver la majorité. Il conclut: