L'heure du crime: au milieu de la nuit. Le bang: énorme. Les dégâts matériels: énormes. Le butin: parfois plus de 100 000 francs, parfois rien du tout, s'il n'y a rien à trouver dans les décombres ou si les billets de banque ont été déchiquetés ou brûlés par l'explosion. Le cambriolage de distributeurs automatiques de billets est un phénomène en augmentation depuis quelques temps en Suisse et en Europe. Rien qu'en 2019 et 2020, des auteurs ont fait sauter 46 bancomats en utilisant soit des explosifs, soit du gaz, indique l'Office fédéral de la police (Fedpol) dans son rapport annuel.
La tendance destructrice se poursuit. En mai et juin, des cas dans les cantons de Soleure, d'Argovie et de Zurich ont fait la une des journaux. À Nussbaumen, en Argovie, la détonation était si puissante «que la quasi-totalité de la banque a été soufflée», selon les termes d'une porte-parole de la police. Une femme vivant dans un appartement situé au-dessus de la banque cantonale d'Argovie a pensé qu'il s'agissait d'un tremblement de terre. «Toute la maison a tremblé», a-t-elle déclaré à l'Aargauer Zeitung.
Carlo Bulletti, procureur fédéral en chef en charge de la Protection de l'Etat, Terrorisme, Organisations criminelles. Son service est en alerte 24h/24. Il est informé le plus rapidement possible par la police de la dernière explosion en date de bancomat. Cela se passe rapidement. A Soleure, par exemple, le smartphone du procureur fédéral a sonné à peine 20 minutes après l'explosion, au milieu de la nuit.
Quelques mots sur les responsabilités (fédéralisme oblige):
La force des explosions inquiète Carlo Bulletti. «Sur les scènes de crime, il y a toujours une image de destruction massive», déclare le procureur fédéral principal à CH Media. «Les auteurs font preuve d'une grande énergie criminelle», sans trop s'inquiéter pour les vies qu'ils menacent. Pour lui, c'est une coïncidence qu'aucune personne n'ait été blessée jusqu'à présent. En effet, ces attaques basées sur des explosions mettent des vies en danger.
Contrairement aux poseurs de bombes dans les bancomats, les professionnels sécurisent toujours un périmètre de plusieurs centaines de mètres de large lorsqu'ils font exploser un objet, précise Thomas Schwarz, directeur général de Schwarz Spreng- und Felsbau AG, expert en dynamitage.
Comment procèdent les criminels? Ils poussent souvent un engin explosif préparé dans une fente située près du distributeur automatique de billets. Ils accomplissent généralement leur travail en quelques minutes et sont partis depuis longtemps quand la police arrive sur les lieux.
Parfois, des voisins éveillés capturent également la scène. Les images prises par une femme montrent les auteurs de l'attaque sauter sur un scooter et s'enfuir à toute vitesse, après avoir dévalisé des distributeurs automatiques à Soleure.
Les poseurs de bombes ne peuvent pas se détendre. Les enquêteurs sont sur leur piste. Actuellement, le Ministère public de la Confédération mène des procédures pénales dans 30 cas de cambriolages de distributeurs automatiques de billets. L'assistance juridique mutuelle avec les pays européens fonctionne bien, affirme Carlo Bulletti. Il en va de même pour la coopération avec les cantons, qui mènent les enquêtes initiales en concertation avec le Ministère public de la Confédération. Plusieurs suspects ont été arrêtés en Suisse et à l'étranger, et un auteur présumé est en détention en Suisse. Pour des raisons tactiques, Bulletti ne divulgue pas d'autres détails.
Les auteurs, dont la plupart sont des multirécidivistes, partent souvent de la banlieue de Lyon, parfois aussi de Paris, pour effectuer leurs tournées criminelles. Selon le rapport annuel de Fedpol, qui enquête pour le compte du Ministère public de la Confédération, les auteurs de ces actes proviennent également des Balkans, de Roumanie, de Moldavie et d'Afrique du Nord. Ces «touristes criminels» utilisent souvent de la poudre noire ordinaire, mais aussi des explosifs non conventionnels, du TNT (trinitrotoluène) ou même du TATP (triacétone triperoxyde). Par moments, les explosifs artisanaux semblent un peu improvisés. Une chose est sûre, toutefois, les dégâts potentiels restent énormes.
Les auteurs se déplacent généralement par trois ou quatre. On ne sait pas encore s'ils coopèrent les uns avec les autres dans une sorte de holding de l'explosion de bancomats ou s'ils agissent de manière autonome comme des petites cellules criminelles. En Suisse, ces criminels ont, jusqu'à présent, frappé dans quinze cantons, souvent près de la frontière, mais pas seulement.
Il faut noter que l'abolition des contrôles aux frontières - grâce à l'accord de Schengen - facilite leur fuite. Mais en revanche, la probabilité d'être pris augmente si les auteurs sont répertoriés dans le système d'information Schengen SIS.
L'Europe entière signale une augmentation des cambriolages de distributeurs automatiques de billets. Selon le Tages-Anzeiger, le montant moyen volé par affaire est de 28 000 euros. Les attaques en Suisse semblent également être intéressantes, car les auteurs peuvent s'attendre à un butin relativement important.
Ceci est également vrai en Allemagne. L'année dernière, les auteurs ont volé en moyenne plus de 100 000 euros par attaque réussie. L'Office fédéral de police criminelle a enregistré 414 attaques à l'explosif contre des distributeurs automatiques de billets l'an dernier, soit 62% de plus qu'en 2019. Dans 158 cas, les auteurs ont volé un total de 17,1 millions d'euros, les autres tentatives ayant, pour la plupart, échoué parce que l'explosion n'a pas fonctionné.
L'Office fédéral de police criminelle a enquêté sur 168 suspects en Allemagne. Deux tiers des attaques sont présumées être l'œuvre de touristes criminels néerlandais, souvent issus de l'immigration marocaine.
Les banques ne sont, toutefois, pas totalement impuissantes face à cette activité explosive. Selon Peter Villiger, les institutions financières font de plus en plus confiance à son système. La prévention du fondateur de l'entreprise Villiger Security à Sins, en Argovie, fonctionne ainsi: Si les caisses sont secouées, de l'encre s'écoule, de sorte que les billets deviennent inutilisables.
Cependant, comme toutes les banques n'utilisent pas le système de cassettes, il prédit au Tages-Anzeiger une augmentation des cambriolages de distributeurs automatiques de billets en Suisse - alimentée en outre par la crise de la Covid et le chômage. Des banques en Allemagne, en Norvège, en Russie, au Mexique et au Chili, entre autres, font confiance aux produits d'encre de Villiger. Là-bas, par exemple, l'utilisation de son système de sécurité a permis de réduire à pratiquement zéro le nombre d'attaques contre les distributeurs automatiques de billets.
(Adapté de l'allemand par jah.)