Le 13 juin, la démocratie directe va parler. En l'occurrence et sur l’un des cinq objets soumis à votation, la démocratie directe aurait pu s’abstenir. Cet objet, c’est celui portant sur la loi Covid-19, adoptée en septembre dernier dans l’urgence face à la pandémie et ses ravages pour l’économie.
La Constitution suisse, louons-la, reconnaît le droit de référendum, même pour une législation qui ignore le cheminement habituel de la procédure référendaire. Certes, dans le cas présent, la différence est de taille: le peuple vote après et non pas avant l’entrée en vigueur de la loi. Mais à la fin, garant suprême de l’intérêt général, le peuple se prononce. Etait-il primordial qu’il le fasse cette fois-ci? A mon sens, non.
Le but, au travers de cette loi, n’est pas de donner les pleins pouvoirs au Conseil fédéral. Le but n’est pas de lui faire plaisir. Le but n’est pas de l’aimer. Non, le but est savoir adapter nos conventions (toutes ces choses non dites qui rendent possibles les rapports sociaux) à une période anormale. Face à une situation extraordinaire, il s’agit de faire preuve de modestie démocratique. Et non pas d’invoquer les droits démocratiques comme si la démocratie était en jeu ou en péril.
Une démocratie, parfois, aussi, le moins possible, ça s’empêche. Et pourquoi donc? Parce que nous, peuple, décidons, qu’en certaines circonstances, nous ne sommes pas tout-puissants, et qu'il est préférable, dès lors, de déléguer une partie de notre pouvoir. L’immodestie du camp référendaire tient dans ce refus ou cette incapacité à déléguer une part de ce qui lui revient d'ordinaire et à reconnaître la nature de l’enjeu. Il ne veut par exemple pas entendre parler de «guerre».
Or la période que nous traversons et dont nous devrions, espérons-le, sortir bientôt, est un état de guerre. Contre un virus. Qui, par chance, tue beaucoup moins qu’une guerre classique. Qui, néanmoins, suppose et nécessite des populations mobilisées, acceptant de se placer un tant soit peu sous les ordres de l’autorité politique, de se plier de plus ou moins bonne grâce à des règles désagréables, mais jugées vitales.
Nous ne disons pas, surtout pas, que l’actuelle lutte contre le virus s’apparente aux guerres mondiales du 20e siècle. Mais c’est précisément parce que le combat mené contre le coronavirus ne leur ressemble en rien, que nous devrions être en mesure de supporter une situation, morale, sanitaire, économique, démocratique, momentanément et exceptionnellement inconfortable. Les souffrances du passé nous obligent.
Ce référendum contre la loi Covid-19, lancé à l'automne 2020, lorsque la «deuxième vague» s’est déclenchée, a quelque chose d'absurde. Comme aurait été absurde, décalé, dirait-on aujourd'hui, un référendum de la corporation des chauffeurs de taxis contre la réquisition de leurs véhicules lors de la première bataille de la Marne, en septembre 1914.
Encore une fois, c’est parce que d’autres mobilisations ont coûté la vie à des millions d’individus, que, mis face à une situation inédite, nous devrions savoir raison garder et renoncer, pour un temps et par convention, à la pleine jouissance de nos droits. Nous ne sombrons pas dans la dictature. Nous sommes mobilisés contre un ennemi.