Les sondages l'annonçaient, mais c'est probablement l'époque qui l'a ancrée dans la réalité: la victoire de l'initiative «enfants sans tabac» ce dimanche 13 février. Avec 56,6% de «oui» (et 15 cantons), on peut affirmer sans crainte que la santé en fait un, de tabac. Mais, dimanche, ce vote n'a pas triomphé pour le (seul) vœu de protéger nos gamins, victimes des crocs encore trop bien taillés d'une industrie qui ne connaît pas la crise (et particulièrement en Suisse). Ce vote vient d'abord confirmer qu'après deux ans de pandémie mondiale traumatisante et une poignée d'autres dédiées à une daily routine privilégiant les réflexes, injonctions et autres tendances healthy, nous rêvons désormais d'un mode de vie (et d'un avenir) le plus sain possible.
Au fond, pourquoi pas: la cigarette tue méchamment, souvent et beaucoup. Et vouloir à tout prix éloigner la prochaine génération des publicités vantant une addiction mortelle n'est pas une idée saugrenue. Une idée qui, on le rappelle, ne date pas d'hier. En 1979, alors que le Conseil fédéral voulait museler (sans succès) toute publicité offrant «un certain prestige à la consommation de spiritueux», il en avait profité pour tenter d'interdire la publicité pour le tabac dans les lieux où elle cherche à atteindre la «jeunesse en particulier».
A quelques enjambées de la fin annoncée des mesures Covid dans notre pays, l'initiative, qui a triomphé ce dimanche 13 février, a donc déboulé au bon endroit, au bon moment. Avec des opposants qui se sont passablement ridiculisés en n'offrant en retour qu'une crainte surréaliste de voir la réclame pour les cervelas bannie à son tour. Surréaliste, vraiment?
Oui.
Mais attention: dire «oui» à une interdiction de la publicité pour des clopes auprès des jeunes en 2022, quarante-trois ans après le premier échec, ne fait pas du Suisse (si conservateur les dimanches de votation) un tout nouveau et tout frais progressiste dans les urnes.
Si, ce 13 février, la clope a pris cher, c'est d'abord parce qu'elle ne fait plus partie des petits plaisirs de la bonne chère: le Suisse n'a plus besoin de risquer frontalement la mort pour se considérer comme un bon vivant.
Même si cette époque permet à la santé de nourrir les gros titres, elle n'est pas (encore) en mesure de rassasier les citoyens au point de les imaginer impatients d'interdire la promotion de la ripaille et risquer d'affaiblir ses producteurs.
Le gras, c'est (toujours) la vie.