Ces affichettes et ces pictogrammes, c’est le miroir de la pandémie. Celui qui renvoie à l’état sanitaire du pays. A l’état psychique de nos dirigeants, au front dans la lutte contre la propagation du coronavirus. A l’état de la population aussi.
Alors on s’est dit qu’on pouvait regarder un petit coup dans le rétroviseur, en récupérant certaines des communications visuelles du Conseil fédéral. De mars 2020 à juillet 2021, soit une période de près d’un an et demi, watson vous raconte la pandémie à travers une compilation de ces «graphiques», comme les appelle l’Office fédéral de la santé publique (OFSP).
Février 2020. Depuis quelques temps, les articles de presse se multiplient sur un «mystérieux» virus frappant la Chine, qui confine plusieurs millions d’habitants de plusieurs villes. Le Conseil fédéral réagit officiellement fin février 2020 et interdit les grandes manifestations jusqu’au… 15 mars 2020. Couleur choisie: le jaune.
On dit du jaune qu’il est notamment la couleur de la confiance et de l’intelligence. Mais aussi de l’anxiété et de l’orgueil. Qu’importe: il n’aura pas tenu longtemps, à peine quatre jours, avant de passer au rouge, si l’on en croit un article de l’Illustré, publié le 4 novembre dernier.
Rouge, couleur du danger, de l’interdit. Elle durera le temps de laisser passer la première vague. La vague qui a plongé la Suisse (et le monde) dans l’inconnu d’un virus, qu’on ne comprenait pas vraiment. C’est à cette période marquante que le conseiller fédéral Alain Berset entre dans l’histoire avec sa formule: «Nous souhaitons avancer aussi vite que possible, mais aussi lentement que nécessaire».
C’est aussi le moment où la population applaudit aux balcons les soignants, au front, alors qu’elle est priée de rester à la maison pour «sauver des vies».
La situation s’améliore progressivement, et c’est le rose que choisit l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) pour informer la population. Rose, couleur du bonheur retrouvé, entre autres. On remarque aussi l’arrivée d’un pictogramme avec un masque, produit devenu banal, mais dont la disponibilité faisait défaut auparavant.
L’été arrivant et la situation s’améliorant, on passe au bleu, couleur de la liberté, du calme. Le Conseil fédéral lâche du lest et permet à nouveau de se réunir. Porté par une baisse de la pression sur les hôpitaux du pays, il met l’accent sur le traçage, les tests, et les quarantaines pour les personnes positives.
Le bleu, c’est la couleur la plus aimée au monde, estime-t-on. Elle accompagne le pays pendant tout l’été. Et même en automne. L’OFSP tente aussi un discours visuel un peu différent pour la rentrée, avec ce beau flamand rose. Le ton change aussi et devient plus bienveillant: on passe du suivi «impératif» des règles à un «simple» rappel de ces dernières.
La Confédération joue aussi avec les mots et propose pour la première fois un nouveau graphisme, style BD, couleurs pastels. L’injonction «à vous d’agir!» témoigne aussi d’une forme de transfert de la responsabilité vers la population.
La situation sanitaire est bonne, et le Conseil fédéral va même jusqu’à autoriser à nouveau les grandes manifestations. Retour des concerts, des matchs de football avec public, etc. Ca ne durera pas longtemps (du tout).
A peine quinze jours plus tard, c’est la catastrophe. Pour la première fois, l’OFSP présente de l’orange à la population. Orange, couleur généralement associée à l’optimisme. Mais aussi couleur de l’avertissement, entre le vert et le rouge sur les feux de signalisation.
En octobre, le rouge du danger fait son grand retour, accompagné d’une rubalise «STOP CORONA». Elle paraît déjà (très) loin, la bienveillance: c’est une injonction que lance l’OFSP pour siffler la fin de la récréation estivale. Le rouge, c’est «pour souligner la gravité de la situation, explique, toujours à L’Illustré, David Schärer, cofondateur de Rod Kommunikation, l’agence qui mène la campagne pour l’OFSP.
Pour une des seules fois depuis le début de la pandémie, le «graphique» qui résume les changements des mesures apparaît en rouge vif. Les bars et les restaurants ferment les uns après les autres, selon la situation dans les cantons.
Le pic de la deuxième vague passe entre les mois d’octobre et de novembre. Le rouge demeure dominant, alors que le nombre d’infections et – surtout – la pression sur les hôpitaux sont stabilisés à un niveau élevé.
L’hiver est là, et c’est avec de jolis flocons en arrière-plan que la Confédération prépare la population aux fêtes de fin d’année et les traditionnelles réunions de famille. La situation sanitaire est mauvaise, mais stable. Le rouge est omniprésent, toujours.
Peu avant les fêtes, le Conseil fédéral renforce encore les mesures de lutte, mais abandonne le rouge. C’est un brun-gris tristounet, difficilement interprétable. Du brun, on dit positivement qu’il est notamment la couleur de la sérénité, du confort, de la nostalgie (d’avant la crise?), de la stagnation. Aussi, c’est une couleur dont on ne se lasse pas. Peut-être de quoi expliquer pourquoi elle sera utilisée à de nombreuses reprises par la suite.
C’est aussi l’arrivée prochaine de la vaccination, avec son lot de communications. L’OFSP en profite pour personnifier ses affiches, en y plaçant pour la première fois un (vrai) humain.
Prudente, la Confédération relâche progressivement les mesures à partir de la fin du mois de février, conservant ce gris-brun très neutre. Seul le vert, synonyme d’ouverture, vient prendre la place du rouge dans le titre du «graphique». Le rouge revient toutefois furtivement entre février et mars.
Étonnamment, le brun disparaît le temps d’un graphique, à l’occasion de la deuxième étape d’assouplissement des mesures. Les bars et restaurants sont rouverts en extérieur.
Porté par une amélioration significative de la situation sanitaire, l’arrivée de l’été et des beaux jours – ce qui pousse la population à se tenir à l’extérieur –, le Conseil fédéral assouplit les mesures une dernière fois avant la pause estivale.
En parallèle, il reprend les affiches bienveillantes, plutôt sympathiques, avec une dominance de couleurs pastels. Les injonctions omniprésentes se transforment en «merci» et «s’il vous plaît». Et même un discret t-shirt «mask love».
Tout le monde ou presque est en vacances. Le Conseil fédéral ne se réunira pas officiellement avant le mois d’août. A Berne, on se veut rassurant, malgré les inquiétudes liées à la progression du variant Delta.
Un espoir partagé probablement par tout le monde: que le rouge ne redevienne pas la couleur dominante de la communication, ce qui illustrerait immanquablement une dégradation de la situation.