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interview watson

La Suisse a des gros problèmes de surpoids et d’obésité

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Près d’un Suisse sur deux en surpoids: on rattrape les Etats-Unis!

La Suisse n’est plus une exception en matière de surpoids et d’obésité. Pire: le nombre de personnes touchées par cette «épidémie insidieuse» ne fait qu’augmenter. Elle touche aujourd’hui près d’un Suisse sur deux. Interview.
30.05.2021, 12:1331.05.2021, 08:37
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Les chiffres font froid dans le dos: 42% de la population suisse souffre de surpoids ou d’obésité, ce qui génère annuellement 8 milliards de francs de coûts divers. Il est par ailleurs prouvé que le surpoids et l’obésité sont à l’origine de diabète de type 2, de troubles cardiaques, de cirrhose du foie, voire de certains cancers.

Avec au final, une diminution de l’espérance de vie de six à dix ans. Mais que fait la Suisse? Pas assez, répond le professeur Zoltan Pataky. Le médecin spécialiste de l’obésité aux Hôpitaux universitaires de Genève et professeur répond à watson.

Dans une tribune publiée dans Le Temps, vous attaquez frontalement la politique suisse en matière de lutte contre le surpoids (Indice de masse corporelle IMC entre 25 et 29,9) et l’obésité (IMC au-dessus de 30). C’est si grave que ça?
C’est très alarmant. La Suisse vit une épidémie insidieuse de surpoids et d’obésité. Pour l’obésité seule, le nombre de cas a doublé en 20 ans, passant de 5% à 11% de sa population. Si cette tendance se poursuit, nous serons bientôt au niveau des Etats-Unis.

Et les jeunes ne semblent pas épargnés…
En effet. Depuis quelques années, 15% des enfants et adolescents sont en surpoids. Quand on sait que la durée de l’obésité est un facteur décisif de complications, on se dit qu’il serait temps que la Suisse empoigne sérieusement ce problème.

Justement, vous regrettez que le pays ne soit pas plus sévère, notamment en matière de taxation des produits sucrés et de leur facilité d’accès. Le pays est-il à ce point en retard?
Je vous donne un exemple: la même boisson est bien plus sucrée en Suisse qu’en Angleterre, où des mesures politiques ont été prises. C’est inexplicable! Ici, toutes les initiatives pour diminuer la quantité de sucre dans les produits alimentaires ont été soit rejetées, soit repoussées. Il est pourtant prouvé scientifiquement que l’excès de sucre est très mauvais pour la santé.

«ll faut être clair: les lobbies de l’industrie alimentaire sont tellement puissants qu’on n’ose pas leur dire stop»
Zoltan Paltaky

On laisse les entreprises alimentaires mettre trop de sucre partout, car c’est une façon d’améliorer le goût et, partant, les ventes. Certains diront que cette industrie rapporte beaucoup d’argent. Mais c’est un faux calcul quand on prend en considération les 8 milliards de francs que le surpoids et l’obésité coûtent annuellement à la Suisse.

En Suisse, nous sommes sensibilisés à la bonne alimentation avec la pyramide alimentaire, les cinq fruits et légumes par jour, etc. N’y a-t-il pas un problème de responsabilité individuelle?
Ce n’est pas si simple, car nous vivons dans ce qu’on appelle l’environnement obésogène: partout, il y a des incitations à la consommation de produits sucrés. Dans les gares, dans la rue, dans les écoles… Dans le monde d’aujourd’hui, fait de stress et du besoin de performer, il est très difficile de résister à la consommation. Ce sont les limites de la responsabilité individuelle.

L’être humain serait-il trop faible pour se prendre en charge?
Quand une personne voit un produit sucré, un mécanisme cérébral se met en marche et le cerveau associe ce produit au plaisir et à la récompense. On veut le manger même si on n’a pas faim. C’est un cercle vicieux similaire à celui de l’addiction aux drogues.

«D’ailleurs, un tiers des personnes en surpoids présentent des signes d’addiction à la nourriture. C’est pareil avec le gras»
Zoltan Paltaky

Dans un rapport récent, l’Université de Lausanne recommande une approche multidisciplinaire de la prise en charge de l’obésité. Est-ce une bonne idée?
C’est primordial. Il ne suffit plus de dire qu’une personne est en surpoids car elle mange trop et ne bouge pas assez. C’est une maladie bien plus complexe et les facteurs psychologiques jouent un rôle déterminant.

«Presque tout le monde sait comment manger sainement, mais peu arrivent à l’appliquer en raison, justement, de ces facteurs psychologiques»
Zoltan Pataky

C’est ce que recommande le rapport: la prise en compte de tous les aspects du surpoids et de l’obésité. Notre souhait est que la Confédération le reconnaisse enfin.

En fait, peut-on dire que l’idée est de traiter le problème à la racine?
Exactement. Il faut arrêter de se borner au soin des symptômes – la pointe de l’iceberg – et s’attaquer aux causes. Un exemple: les chirurgies qui permettent de réduire la taille de l’estomac pour moins manger. Ça ne traite pas du tout la cause de l’obésité… Le patient va certes moins manger, mais il sera frustré, déprimé et va développer des carences alimentaires. C’est absurde.

Comment qualifiez-vous l’impact de la pandémie sur l’obésité en Suisse?
Certaines personnes ont pris du poids en raison de la baisse d’activité liée au semi-confinement et au télétravail. D’autres en ont perdu, car ils ont mieux mangé à la maison. Plus globalement, il a été dramatique d’arrêter tous les suivis de personnes avec des problèmes de poids pour concentrer les forces médicales sur le coronavirus. Si une situation similaire se reproduit, il faudra trouver un moyen de maintenir le suivi des personnes souffrant de maladie chronique, comme l’obésité.

Vous semblez regretter que la voix de la science ne soit pas assez écoutée. Or, elle n’a jamais autant porté que lors de la pandémie. Pensez-vous que cela va jouer un rôle positif pour les problèmes d’obésité?
Nous faisons tout pour cela. La Confédération ne reconnait même pas l’obésité comme une maladie, alors que c’est le cas aux Etats-Unis, dans une majorité des pays européens et au niveau de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). C’est une politique d’ignorance d’un problème grave qui entraîne des maladies graves, qui coûtent cher au système de santé. Reconnaitre l’obésité comme une maladie serait un premier pas.

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