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Etre cheffe de policiers: «Bravo, vous mériteriez d'être un homme!»

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Etre cheffe de policiers: «Bravo, vous mériteriez d'être un homme!»

Elle a été la première femme commandante d'une police cantonale en Suisse en 2006 et sera rejointe, seize ans plus tard, par une Vaudoise fraîchement nommée. watson a demandé à la cheffe des policiers genevois, Monica Bonfanti, si elle avait des conseils à donner à sa nouvelle consœur Sylvie Bula.
28.02.2022, 06:0428.02.2022, 06:41
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Monica Bonfanti, docteur en criminalistique, dirige plus de 2000 personnes, dont 70% d'hommes, et elle est la première femme commandante de police de l'histoire en Suisse. Elle détient également le record de longévité dans cette fonction. Voilà pour le bref CV. Ah oui: elle a aussi été championne de patinage artistique et ce n'est pas anecdotique. La cheffe de la police genevoise, qui se fait généralement discrète dans les médias, a accepté l'interview de watson pour parler de la place des femmes au sein de la police.

Sylvie Bula deviendra commandante de la police vaudoise. En apprenant sa nomination, avez-vous pensé à vos débuts à la tête de la police genevoise?
Monica Bonfanti: Oui. Quand j'ai été nommée en 2006, je me suis dit que j'allais bientôt être rejointe par une collègue, mais cela n'a pas été le cas. J'en ai même discuté avec des Conseillers d'Etat d'autres cantons en leur demandant pourquoi il n'y avait pas plus de femmes à ce poste.

«Ils m'ont répondu qu'ils n'avaient pas reçu de candidatures féminines ou qu'elles n'avaient pas réussi à se démarquer lors de la sélection des dossiers»

C'est une réponse qui vous a satisfaite?
En tout cas, c'en est une. Je ne porte aucun jugement à ce sujet. Bien entendu, j'aurais souhaité voir une autre femme commandante de police, mais les choses prennent leur temps. Les commandants des 25 autres cantons que je côtoyais, lors de ma prise de poste, ont tous étés remplacés. Je suis restée la seule femme après tant d'années, c'est la réalité. Lorsque j'aborde ce sujet avec les officiers alémaniques, par exemple, il en ressort que Genève a une image un peu avant-gardiste.

«A l'époque, certains de mes collègues alémaniques disaient que seule la police genevoise pouvait être dirigée par une femme»

Et ce type de remarque ne vous a pas gênée?
Pas du tout. Vous savez, certains cantons alémaniques trouvent que les polices latines ont un «génie pour innover».

Vous avez des conseils à donner à votre future consœur?
Pas vraiment. Si je me souviens bien, à mon arrivée à la tête de la police genevoise, personne ne m'en a donné. Par la suite, le lien se crée, notamment avec mes collègues du concordat des polices latines. Elle pourra toujours compter sur ses collègues. Vous savez, je ne fais pas de lien entre mon genre et mes fonctions. De façon générale, chaque personne amène son histoire, son vécu et, forcément, le vécu d'une femme n'est pas le même qu'un homme. Mais qu'est-ce qui fait mon identité de commandante aujourd'hui? Le fait d'être une femme, d'être tessinoise ou les deux?

«Je ne vais pas donner des conseils de femme, mais plutôt de policière. Dans mon métier, c'est la corporation qui nous lie et forme cette solidarité entre policiers»

Je précise aussi que c'est la diversité des profils, des genres et des origines qui fait la richesse de notre corps de police. Chacun apporte son vécu.

Avez-vous été confrontée au sexisme dans votre métier, si oui, avez-vous une anecdote à partager?
Je me souviens d'un épisode à la police scientifique où j'avais réussi à obtenir des traces particulièrement intéressantes.

Et ce collègue a ajouté:

«Bravo Bonfanti, vous mériteriez d'être un homme»

Vous avez réagi comment?
Je ne l'ai pas mal pris, cela partait d'une bonne intention, et c'était un compliment au final (elle rigole).

Peut-on vous considérer comme un modèle pour les femmes?
Je pense avoir ouvert une voie pour les femmes qui souhaitent entrer dans la police. A Genève, ma nomination en tant que commandante a offert une grande visibilité au métier de policier.

«Je suis peut-être un modèle pour les jeunes filles car, lorsque je les croise, je remarque qu'elles apprécient fortement de voir des femmes dans notre institution»

En tant que commandante, j'ai amené un éclairage sur toute la filière policière et pas seulement sur mon poste. Au sein de la police genevoise, en comptant les collaborateurs administratifs, nous atteignons presque 30% de femmes, cela commence à être un effectif intéressant pour assurer la diversité. La police doit refléter la société.

Madame la commandante, vous regardez les séries TV? Si oui, quel regard portez-vous sur les femmes flics à l'écran?
Je vous avoue que je n'ai pas vraiment le temps de regarder la TV. Je pense que la fiction a contribué en grande partie à intéresser le public à notre métier, mais ce qui m'agace le plus en tant que scientifique, ce sont les séries comme Les Experts, car les personnages ne respectent en rien les règles policières. Je dois dire que ça me fait rire, l'exploitation des traces est si fantaisiste.

Dernière question: est-ce encore indispensable aujourd'hui de souligner l'arrivée d'une femme à un poste de commandement?
Il faut bien entendu en parler. Il y a seulement 26 commandants de police dans notre pays, un pour chaque canton, c'est une haute responsabilité. Cela vaut de toute façon la mise en évidence d'une nouvelle nomination. Indépendamment du fait que cela soit un homme ou une femme. Mais concernant l'accession des femmes à ce type de poste, je pense que cette médiatisation est nécessaire. Les médias ont couvert abondamment l'arrivée de Fanny Chollet, la première femme pilote de chasse en Suisse, et cela donne une bonne image de nos institutions. Cela montre qu'elles deviennent plus inclusives, il faut en parler.

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