«J’ai le travail le plus important du monde», déclare Nicole Morf, femme au foyer. Elle est âgée de 50 ans et vit dans l'Oberland zurichois. Lorsque le premier de ses trois enfants est venu au monde il y a vingt ans, elle a raccroché son emploi de graphiste indépendante. «J’ai fait des calculs avec mon mari et nous sommes arrivés à la conclusion que cela ne valait pas la peine pour moi de continuer de travailler à temps partiel.» De plus, le couple zurichois ne voulait pas que leurs enfants soient gardés par de tierces personnes.
Nicole Morf est une femme au foyer ordinaire et est convaincue qu’elle apporte une grande contribution à la société. Pourtant, cette fonction n’est que peu reconnue et semble être un modèle qui se perd. Les femmes et les hommes au foyer ne représentaient plus que 2,7% de la population suisse en 2020, soit environ 60% de moins qu'en 2000, selon la nouvelle enquête sur la population active de l'Office fédéral de la statistique (OFS).
Un débat hautement émotionnel
Au printemps de cette année, le Tribunal fédéral a tenu compte de cette réalité et a rendu cinq décisions importantes qui affaiblissent la position des femmes au foyer. Ainsi, un mariage n'est plus automatiquement déterminant pour la vie s'il a duré dix ans ou si un enfant en est issu. À l'avenir, les femmes divorcées devront gagner leur vie.
Une femme au foyer de plus de 45 ans est censée se réinsérer dans la vie professionnelle après un divorce. Les principaux arrêts du Tribunal fédéral, qui ont été rendus par cinq juges du genre masculin, ont déclenché un grand débat. De nombreuses femmes qui sont restées à la maison et se sont occupées des enfants ou de leurs parents âgés pendant des années sont en colère.
Il est nécessaire de créer un syndicat des femmes au foyer, ajoute la zurichoise de 50 ans. Elle dénonce le fait que le travail effectué par les femmes au sein du foyer et dans l'éducation des enfants n'est ni rémunéré, ni reconnu à sa juste valeur. Aujourd'hui, une question se pose: les femmes et les hommes au foyer vont-ils bientôt disparaître en Suisse? Et à quoi ressemblerait un droit de la famille moderne qui ne crée pas de nouvelles inégalités? Il est également avéré que les femmes assument la majeure partie des tâches ménagères non rémunérées, même si elles travaillent en même temps.
Le droit de la famille actuel prévoit que les deux parents peuvent s'occuper des enfants. Les bases d'un partage des responsabilités parentales sont donc reconnues. Cependant, pour que cela soit respecté, une grande partie des autres conditions-cadre doivent être adaptées. Jrene Vogel est une avocate spécialisée dans les divorces. Elle énumère différents critères d’adaptation:
Selon elle, «nous avons maintenant une génération de femmes qui ont consacré leur énergie à la carrière de leur mari et qui, après le divorce, se retrouvent les mains vides. Cela ne devrait plus se produire.» De plus, il faudrait supprimer la déduction de coordination pour le deuxième pilier ou l'adapter automatiquement en cas de salaire à temps partiel, afin que le travail à mi-temps n'entraîne pas une perte trop importante dans la prévoyance vieillesse.
«Ensuite, le deuxième pilier devrait à nouveau être conçu de manière à ce que la population active ne doive plus payer les pensions excessives des retraités.» En outre, il faudrait supprimer la pénalité de mariage dans la fiscalité et pour l’AVS, il faudrait reconsidérer les rentes de veuve et le plafonnement des rentes de conjoint si les deux ont travaillé. «Des décisions difficiles devront probablement être prises.» Parallèlement, la tendance actuelle est d’offrir une meilleure protection juridique aux couples vivant en concubinage, tout en réduisant la protection des femmes dans le mariage.
Le concubinage et le mariage ont-ils le même statut juridique? A ce sujet, la conseillère nationale du parti socialiste Min Li Marti, a déposé une motion qui voudrait améliorer le statut des partenariats civils. Interrogée sur cette action, elle déclare:
Elle donne un exemple tiré du droit des successions: «Une femme qui s'est occupée de son concubin en fin de vie et qui, pour ce faire, a réduit son activité professionnelle pourrait se retrouver les mains vides et serait dans l’obligation de s'adresser à l'aide sociale, alors qu'il y aurait suffisamment d'argent dans l'héritage» Cependant, l’avocate spécialisée dans les divorces, Jrene Vogel, pense que l'alignement du concubinage sur le droit du mariage ne ferait que créer de nouvelles inégalités. «De temps en temps, il y a aussi des femmes qui ont des enfants sans vivre avec un homme.» Elles seraient alors les nouvelles victimes de la discrimination. En outre, les concubins ont toujours la possibilité d'opter pour le mariage, avec tous les avantages et inconvénients que cela comporte.
Jrene Vogel déclare que «si le concubinage est désormais réglementé par la loi, nous nous immisçons dans une décision privée, ce qui, à mon avis, ne peut être justifié.» L'environnement idéal pour fonder une famille – que l'on soit marié ou non – doit permettre aux deux partenaires de combiner leurs activités professionnelles avec la garde des enfants. Chacun doit rester responsable de subvenir à ses besoins et de se préparer pour la retraite.
«Je ne veux pas dire par là que les compensations prévues aujourd'hui, comme les allocations familiales, le fractionnement de l'AVS ou le partage de la LPP, doivent être supprimées», précise l’avocate zurichoise. Il s'agit d'un bon équilibre car pendant la cohabitation et tant que les enfants sont petits, les tâches sont partagées et les contributions à la communauté doivent être égales. «Mais pour que cela fonctionne, il reste encore beaucoup de travail à faire sur le plan social et législatif, et si possible sans œillères idéologiques.»