«Ils vivaient en marge de la société.» Cette habitante du 35 de l’Avenue du Casino, lieu du drame survenu jeudi matin à Montreux, dresse un portrait alarmiste de la famille de cinq personnes qui résidait au septième et dernier étage de cet immeuble situé en face du Casino Barrière. Seul le fils de quinze ans a survécu à la chute de sept étages. «J’avais fait des pieds et des mains pour qu’on vienne s’occuper d’eux», affirme cette résidente.
C’était précisément le but de la visite des deux gendarmes qui se sont présentés au domicile de cette famille, jeudi vers 6h15, peu avant le lever du soleil. «Ils ont frappé trois quarts d’heure à la porte», croit se souvenir l’habitante, qui dit avoir été réveillée par ces bruits. «Ils ont frappé pendant une demi-heure», rectifie Jean-Christophe Sauterel, le porte-parole de la police cantonale vaudoise, joint par watson.
Alors qu’ils frappaient, une «voix» – d’homme ou de femme, la police vaudoise ne le précise pas à ce stade de l’enquête – a demandé, de l’intérieur de l’appartement, qui était là. «Les gendarmes se sont à ce moment-là annoncés ès qualités», rapporte Jean-Christophe Sauterel.
Les deux fonctionnaires de la gendarmerie cantonale étaient-ils en uniforme? Le porte-parole l’ignore. Mais il fournit cette précision: «Ils agissaient dans un cadre judiciaire, et dans ce cadre-là, les gendarmes peuvent être en uniforme comme en civil». Porteurs d’un mandat d’amener visant le père de famille, ils avaient charge de le conduire devant une autorité judiciaire afin qu’il soit entendu.
En cause, la scolarisation à domicile du fils. «Elle est autorisée dans le canton de Vaud, mais les parents doivent en justifier le suivi», explique Jean-Christophe Sauterel. Ce n’était visiblement pas le cas pour cet adolescent. L’autorité scolaire aurait cherché à avoir des preuves de sa scolarisation au domicile parental. Tous ses appels et courriers seraient restés sans réponses, d'où l'entrée en lice de l’autorité judiciaire.
Si l’existence du jeune homme était connue des autorités vaudoises, celle de sa petite sœur de huit ans – décédée comme le père de 40 ans, son épouse de 41 ans et la sœur jumelle de celle-ci – ne l’était pas, affirme Jean-Christophe Sauterel. «Elle n’était formellement pas scolarisée du tout», précise-t-il. Les services sociaux ne suivaient-ils pas cette famille de nationalité française, depuis trois ans dans l'immeuble? Réponse du porte-parole de la police: «La famille était inconnue de la justice et de la police».
Le drame ayant été signalé peu avant 7 heures ce jeudi, cela pourrait vouloir dire qu’au moment où les deux gendarmes ont commencé à frapper à la porte de cette famille, personne n’avait encore sauté du balcon de l’appartement.
L’enquête devra établir le déroulé du drame. Dire s’il s’agit d’un suicide collectif ou d’un assassinat multiple, si une partie des victimes était inconsciente au moment de la chute. «Des autopsies vont être pratiquées pour apporter des réponses à ces questions», précise le porte-parole de la police vaudoise. La piste de l’emprise sectaire fera également l’objet d’un examen.
Selon le quotidien 24 Heures, citant une résident de l'immeuble, la police aurait découvert dans l'appartement de la famille de nombreux cartons de nourriture, de boîtes de conserve, de médicaments. «Chaque jour, ils recevaient trois ou quatre colis par la poste. Au final, avec tout ce que la police a retrouvé, il y avait de quoi remplir deux camions», ajoute la même source. A son arrivée au 35 de l'Avenue du Casino, cette famille avait montré beaucoup d'intérêt pour les abris atomiques de l'immeuble. A-t-on affaire à un milieu survivaliste qui préparait ses derniers jours?, se demande notre confrère.