Il était une fois, à Montreux, la juriste qui a permis à Vladimir Poutine de se maintenir au pouvoir. Cette femme, c'est Talia Khabrieva. Cette experte en droit constitutionnel a fait l'objet d'une enquête de nos confrères de Tamedia qui vient de sortir ce 30 août. Inconnue du grand public, elle est à l'origine de la modification de la Constitution russe permettant au dirigeant Poutine de prolonger son mandat pour de longues années.
C'est qu'en plus de la prolongation du mandat présidentiel de Poutine, la révision de la Constitution opérée par le groupe de travail dirigé par Talia Khabrieva, directement nommé par le chef d'Etat, assure à ce dernier un pouvoir accru sur le parlement, la justice et les régions politiques. L'extension du mandat, précise l'enquête, tient en «une simple astuce juridique»:
En somme, expliquent les journalistes, les compteurs ont été remis à zéro. Poutine pourrait briguer un nouveau mandat en 2024, puis en 2030 et rester ainsi au pouvoir jusqu’en 2036. Année où il aura 84 ans.
Talia Khabrieva, qui a conçu cette réforme ayant pris seulement six mois à être mise en œuvre (en comptant sa rédaction), a été plusieurs fois élue dans son pays «juriste de l’année». Vladimir Poutine l’a personnellement félicitée. «Elle a aussi été membre de la Commission de Venise du Conseil de l’Europe, qui évalue les changements de Constitution dans les Etats membres.»
Talia Khabrieva a rédigé le fameux amendement de la constitution russe qui permet au président, au pouvoir depuis 2000, d'enchaîner encore 2 nouveaux mandats. Elle a aussi soutenu l'invasion de la Crimée - mais cette apparatchik du régime n'a jamais été sanctionnée 2/3 pic.twitter.com/dEz2Ly9ekk
— Sylvain Besson (@SylvainBesson) August 30, 2022
L’opposition russe soupçonne qu'elle a été récompensée sur un plan plus matériel par le Kremlin. Le parti Yabloko, qui a adressé une dénonciation au procureur général russe, évalue les biens immobiliers de la juriste à 7,6 millions de francs, dont 1,6 million pour son appartement montreusien. Des sommes qui seraient difficilement attribuables aux salaires d’une juriste et d’un haut fonctionnaire. Le procureur n'a jamais rendu réponse. Talia Khabrieva, qui bénéficie de la protection des services secrets russes, serait comme intouchable.
La juriste est aussi la directrice scientifique de la «Beringoff International Academy for Law», introuvable à l'adresse indiquée sur le Web. Selon un communiqué, elle s'y serait rendue le 23 février, veille du début de la guerre en Ukraine. «La juriste préférée de Poutine est-elle depuis revenue à Montreux? Possède-t-elle un permis de séjour en Suisse? Ni Talia Khabrieva, ni l’institut Beringoff n’ont répondu à nos questions», conclut l'enquête de nos confrères. (jof)