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Parmelin prend une décision explosive sur la Russie sans Berset

Parmelin a pris une décision explosive sur la Russie sans consulter Berset

La Confédération est sous haute surveillance. Alors que les ambassadeurs des pays du G7 réclament un renforcement de la recherche de l'argent des oligarques russes, le chef du Département fédéral de l'économie Guy Parmelin refuse de participer à cette task force du G7. Comment en est-on arrivé à cette décision?
18.04.2023, 11:5105.05.2023, 12:19
Doris Kleck / ch media
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La Confédération a changé de position, en catimini. Mais pas comme l'avaient imaginé les sept nations industrielles leaders du G7. Le département de l'économie de Guy Parmelin a annoncé à la fin de la semaine dernière, via la NZZ, que, pour l'heure, la Suisse ne participerait pas à la task force internationale dénommée Repo pour «Russian Elites, Proxies and Oligarchs».

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Cette dernière coordonne l'application des sanctions imposées aux élites russes. Elle traque l'argent des oligarques dans le monde entier. La Suisse est critiquée pour ne pas suffisamment s'impliquer dans le processus. En tête de ces reproches, l'ambassadeur américain à Berne, Scott Miller qui a vivement pointé du doigt le Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco), responsable des sanctions. Car les ambassadeurs des pays du G7 en Suisse avaient récemment adressé une lettre au Conseil fédéral pour demander la participation de la Suisse à la task force.

Berset voulait répondre, Parmelin l'a doublé

Le refus de Berne est quelque peu surprenant. Jusqu'à présent, la Confédération a toujours fait savoir qu'elle examinait sa participation. Un fait d'autant plus étonnant que c'est le département de l'économie, dirigé par le conseiller fédéral UDC Guy Parmelin, qui a pris cette décision politique considérable — sans impliquer ses collègues du gouvernement.

Le chef du Département de l'économie Guy Parmelin lors d'une conférence de presse à la Maison de la Suisse (HoS) en marge de la 53e réunion annuelle du Forum économique mondial (WEF) à Davos, le 19 ja ...
Le chef du Département de l'économie Guy Parmelin lors d'une conférence de presse à la Maison de la Suisse (HoS) en marge de la 53e réunion annuelle du Forum économique mondial (WEF) à Davos, le 19 janvier 2023.Image: sda

Le porte-parole du Conseil fédéral André Simonazzi nous a confirmé que le Conseil fédéral n'avait jamais discuté de la lettre des ambassadeurs du G7 et, par conséquent, de sa participation à la task force Repo. Cet écrit avait été adressé au président de la Confédération Alain Berset. Selon nos informations, ce dernier tenait à répondre par lui-même. Mais le Conseil fédéral a transmis la lettre du G7 au Département de l'économie afin que celui-ci la traite.

Bundespraesident Alain Berset wartet auf seinen Einsatz an der ausserordentlichen Session der Eidgenoessischen Raete, am Dienstag, 11. April 2023 im Staenderat in Bern. Die ausserordentliche Session w ...
Le président de la Confédération Alain Berset attendant son tour pour la session extraordinaire des Chambres fédérales, le mardi 11 avril 2023 au Staenderat à Berne.Image: sda

La Suisse fait l'objet d'une surveillance internationale étroite dans le cadre de la recherche d'avoirs d'oligarques. Est-il donc opportun qu'un seul conseiller fédéral décide de cette question délicate et de cette portée diplomatique? Simonazzi ne veut pas spéculer sur ce point, comme il l'a écrit en réponse à une question.

La crainte des services secrets américains?

Mais comment le département de Parmelin justifie-t-il son refus d'intégrer la task force? Officiellement, on peut lire:

«Actuellement, la collaboration au niveau technique fonctionne sans problème. C'est pourquoi la Suisse ne voit pour l'instant pas la nécessité d'adhérer formellement au Repo. A part l'Australie, membre fondateur, aucun autre pays en dehors du G7 n'a adhéré.»

La justification de cette absence semble plutôt vague. Surtout parce que le Seco étudie depuis des mois une éventuelle participation à la task force. Il évalue les avantages et les inconvénients dans des analyses internes. Ce qui, par la même occasion, ouvre la voie à certaines spéculations. Le conseiller national PS Fabian Molina parle d'une argumentation formaliste, alors qu'un signe politique est désormais nécessaire. Son hypothèse est que le Conseil fédéral veut sauver le modèle offshore suisse pour l'avenir. Et éviter de créer un précédent dans l'échange de données.

Fabian Molina, SP-ZH, spricht an der Herbstsession der Eidgenoessischen Raete, am Dienstag, 14. September 2021 im Nationalrat in Bern. (KEYSTONE/Alessandro della Valle)
Fabian Molina (PS-ZH) lors de la session d'automne des Chambres fédérales, le mardi 14 septembre 2021 au Conseil national, à Berne.Image: sda

A droite aussi, on émet des hypothèses sur les véritables raisons de cette retenue. Le conseiller national UDC Franz Grüter fait remarquer que les Américains — à l'origine de la task force — comptent sur les services secrets pour rechercher les avoirs russes. C'est aussi une des raisons pour lesquelles le Conseil fédéral hésite. L'administration craint effectivement que des données sensibles provenant de Suisse ne finissent dans les mains des services secrets américains. La protection des données est en effet plus laxiste aux Etats-Unis qu'en Europe.

L'ombre de la confiscation des avoirs

Franz Grüter défend le travail du Seco dans l'application des sanctions — et aussi sa non-participation à la task force. Le président de la Commission de politique extérieure du Conseil national rappelle, par ailleurs, que des voix s'élèvent pour demander la confiscation des avoirs russes gelés afin de financer la reconstruction de l'Ukraine. Le Conseil fédéral s'y oppose pour des raisons d'Etat de droit. Là encore, on craint que la participation à la task force ne constitue un précédent.

Mais finalement, selon une source bien informée, cette participation s'avère être une affaire politique. Car il est davantage question de neutralité et de savoir si le pays veut clairement se ranger du côté du G7. C'est précisément pour cette raison qu'il est étonnant que Parmelin ait pris lui-même la décision. Interrogé à ce sujet, le Seco précise:

«Si une adhésion devait être dans l'intérêt de la Suisse à l'avenir, le Conseil fédéral pourrait réévaluer la situation»

Mais pour cela, le conseiller fédéral Guy Parmelin devrait d'abord soumettre une proposition à ses collègues.

Traduit et adapté de l'allemand par Noëline Flippe

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