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Pénurie

Pénurie d'énergie en Suisse: la peur du black-out grandit

La peur du black-out se répand en Suisse et les chiffres le prouvent

Un patron de centrale nucléaire s'achète un générateur diesel, même les filtres à eau sont en rupture de stock... Qu'est-ce qui cloche en Suisse?
23.08.2022, 18:3024.08.2022, 09:08
Benjamin Rosch, Kari Kälin und Florence Vuichard / ch media
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Il l'a raconté en passant à la table du déjeuner devant un petit groupe de journalistes qui avaient participé à une visite guidée. Oui, il s'est maintenant également équipé d'un petit générateur diesel. Herbert Meinecke est le directeur de la centrale nucléaire de Gösgen. Sa production annuelle est de huit milliards de kilowattheures, soit 15% des besoins annuels en électricité de la Suisse.

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La centrale nucléaire de Gösten ne suffit pas à dissiper les craintes d'une pénurie d'énergie.KEYSTONE

Il peut paraître étonnant que le directeur d'une centrale nucléaire, l'un des fournisseurs d'électricité les plus fiables de Suisse, ait recours à un petit moteur diesel. Mais Meinecke n'est pas le seul à prendre ses précautions. La peur d'une crise énergétique à l'échelle européenne pousse les gens en Suisse à anticiper.

Tout récemment, Werner Luginbühl, président de la Commission suisse de l'électricité, a déclaré à la NZZ am Sonntag:

«J'ai commandé plus de bois de chauffage que d'habitude. La lampe de poche et les piles sont également prêtes»
Werner Luginbühl, président de la Commission suisse de l'électricitéNZZ am Sonntag

Il est rejoint par exemple par Marcel Dettling, conseiller national UDC. S'il n'y a plus de courant dans son exploitation agricole d'Oberiberg en hiver, les machines à traire continueront malgré tout de fonctionner. Il suffit à Marcel Dettling de tourner un interrupteur pour qu'un générateur diesel fournisse du courant de secours. Il a acheté cette installation, qui était autrefois utilisée dans un hôpital, cet été, pour 7000 francs.

Marcel Dettling
En cas d'urgence, le générateur diesel fournit de l'électricité: Marcel Dettling, conseiller national UDC et agriculteur.zvg

Au sein de son groupe, les politiciens de l'énergie Mike Egger et Christian Imark ont en outre fait savoir qu'ils s'approvisionnaient en lampes de poche supplémentaires par crainte de manquer d'électricité en hiver. Le conseiller national des Verts Bastien Girod a, lui aussi, déclaré au média Nau qu'il achetait des bougies pour l'hiver.

Des ventes fulgurantes chez les commerçants en ligne

La volonté de s'approvisionner en tout ce qui promet lumière et chaleur en hiver se manifeste également chez Digitec Galaxus, le plus grand magasin en ligne de Suisse. En août, les chiffres de vente ont grimpé à des hauteurs vertigineuses. Entre le 1er et le 17 août, les ventes de bois de chauffage ont augmenté de 1897% par rapport à la même période de l'année précédente. «Les gens stockent du bois chez eux au cas où ils n'auraient soudain plus de gaz ou de mazout», explique Stephan Kurmann de Digitec Galaxus.

Firewood on a heap, pictured in Scuol, Switzerland, on July 13, 2013. (KEYSTONE/Gaetan Bally)

Brennholz auf einem Stapel, aufgenommen in Scuol am 13. Juli 2013. (KEYSTONE/Gaetan Bally)
En 2020, on thésaurisait du papier toilette, maintenant tout le monde veut acheter du bois de chauffage.KEYSTONE

La boutique en ligne a également multiplié par 20 ses ventes de stations d'alimentation. Selon Kurmann, l'accumulation de ces batteries portables géantes a commencé dès le mois de mars, soit juste après l'invasion russe de l'Ukraine. Mais en août, les ventes ont atteint de nouveaux records avec une augmentation de 1868%. Il ajoute:

«Il semble que la population suisse se prépare à l'urgence»
Stephan Kurmann, de Digitec Galaxus

Les stations d'alimentation – à condition qu'elles soient chargées – permettent de continuer à utiliser des appareils importants comme les smartphones, les bouilloires ou les ordinateurs, même en cas de panne de courant.

La demande est forte pour les générateurs de courant, les panneaux solaires, les accessoires correspondants et les radiateurs. Dans ce domaine, les ventes ont augmenté d'environ 500 à 1000% par rapport à la même période de l'année précédente. Digitec Galaxus ne donne pas d'indications concrètes sur le nombre de pièces, mais le grand magasin en ligne précise que les chiffres de vente se situent tous dans une fourchette de trois à quatre chiffres.

La demande augmente massivement en août chez Digitec Galaxus:

  • Bois de chauffage: +1897%
  • Stations électriques: +1868%
  • Génératrices: +1148%
  • Panneaux solaires: +999%
  • Accessoires pour l'énergie solaire: +672%
  • Radiateurs: +492%
  • Radiateurs soufflants: +169%
  • Chauffage radiant: +155%

La Suisse ne fait pas exception à la règle: sur le site du Spiegel (DE), l'un des articles les plus lus porte sur la manière dont les propriétaires peuvent alimenter leur propre maison en énergie. Les gens parlent de leur chauffage infrarouge solaire et de leurs réservoirs d'eau de 9000 litres, qui permettent de conserver la chaleur de la fin de l'été à la saison froide.

La crise comme fascination

Aussi utile que soit la préparation au risque réel de pénurie d'électricité en hiver: sous une forme accrue, il existe aussi pour d'autres une fascination pour cette situation d'exception. On appelle «prepping», en novlangue, le fait de se préparer à une crise, entre autres pour le plaisir. Aux Etats-Unis, cette scène entre hobby et style de vie existe déjà depuis les années 1970. La crise climatique, la crise de Corona et aujourd'hui la crise énergétique ont donné un nouvel élan aux preppers dans notre pays.

La frontière de définition est toutefois floue. Selon le point de vue, le spectre s'étend des experts en survie aux personnes qui se contentent de suivre les recommandations de la Confédération et de stocker les provisions indiquées: un peu d'eau, des boîtes de conserve et des biscottes pour une semaine, un réchaud à gaz et une radio à piles.

Une chose est sûre: la tendance actuelle à une plus grande indépendance s'observe dans presque tous les états d'inquiétude. En Suisse, les «preppers» avancés peuvent par exemple s'approvisionner dans la boutique en ligne de l'entreprise bernoise Mountainmen. Entre le sac à dos de fuite et la scie pliante, on y trouve à peu près tous les gadgets pour survivre dans la nature. La boutique propose en outre une rubrique intitulée «Blackout Suisse». On peut y lire ceci:

«Nous recevons de plus en plus de questions et de demandes concrètes de conseils. Nous pensons qu'il faut réfléchir calmement et prudemment à la manière dont on souhaite faire face à de telles pannes»

Filtre à eau et cours de survie

Il est également recommandé de se procurer un filtre à eau. La publicité semble fonctionner: la majorité des produits vantés sont en rupture de stock. «En Suisse, nous avons de bonnes infrastructures, mais nous ne sommes pas autosuffisants sur tous les sujets», écrit Mountainmen.

Autonome. Les crises réveillent l'envie de l'homme de se débrouiller seul – ou du moins de tester les cas d'urgence. Markus Lusser propose des cours de survie. Il a constaté la chose suivante:

«Ce n'est pas seulement depuis février, la demande s'est déjà renforcée avec Corona. Nous sommes souvent complets»
Markus Lusser, organisateur de cours de survie

L'appel de la nature sauvage est un phénomène bien connu dans un monde de plus en plus technicisé. «Mais maintenant, les gens se rendent compte à quel point ils sont dépendants de tout.» La peur du black-out est «définitivement un thème» que Markus Lusser a récemment observé en augmentation parmi les participants à ses cours.

Gion Saluz enregistre également un intérêt accru pour ses cours de survie, et depuis peu, il propose même un cours axé sur le blackout. Les gros titres actuels sur la menace d'une pénurie en hiver ne le surprennent pas: en 2014 déjà, il avait parlé au Beobachter du danger des pannes de courant pendant les mois d'hiver. La population suisse atteindrait alors très vite «ses limites». Saluz possède des générateurs depuis longtemps – au pluriel, notez bien, notamment parce qu'il pourrait les échanger contre un autre bien en cas d'urgence. Pour certains, l'apocalypse est à la fois un métier et une maxime.

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