Alain Berset qui balance des stories sur Instagram, on connaît. Bientôt, c'est tout le Conseil fédéral qui en prendra de la graine et qui se glissera dans votre fil d'actualité. Vous verrez certainement les sept sages parfaitement mis en scène par l'équipe d'un nouveau «centre audiovisuel» à Berne, qui produira du contenu pour le gouvernement et les départements.
Avec ce projet présenté mercredi, l'administration annonce, entre autres, vouloir uniformiser la communication et informer «les parties de la population qu'il est difficile d'atteindre par d'autres canaux».
Au menu du Conseil fédéral? L'ouverture d'un compte Instagram en 2022 (pour un essai-pilote) et la création d'un compte Twitter en anglais pour le public international. Mais encore faut-il gérer ces comptes, créer du contenu et mettre en oeuvre la stratégie. Ce sera le boulot de quelques employés des départements et d'un centre audiovisuel, mis sur pied à la Chancellerie fédérale. Au total, dix postes à plein temps feront chauffer les algorithmes.
Ils sont calés en réseaux sociaux ou concernés par la stratégie fédérale et commentent cette stratégie pour watson:
Urs Bruderer: Les habitudes et les attentes de la population en matière d'information ont beaucoup changé ces dernières années. La stratégie et la mise sur pied d'un centre audiovisuel tiennent compte de cette évolution.
Johanna Gapany: Si la Confédération veut toucher la jeune génération, elle devrait d'abord mettre en place le vote électronique. Plus largement, je comprends cette volonté de s'adapter aux moyens actuels.
Michael Kamm: C'est réaliste et pas disproportionné. Cette stratégie planche sur un mix de canaux de communication. Produire du contenu, certainement en trois, voire quatre langues, demande des ressources. La modération des commentaires est aussi très chronophage.
Léonore Porchet: La communication digitale, si elle est bien faite, multilingue et très réactive, prend un temps infini.
Dans ce cadre, dix personnes environ ne me paraît pas surélevé.
Urs Bruderer: 10 postes à plein temps ont été accordés (...): 6 dans les départements, 4 à la Chancellerie fédérale. Il n'y aura pas de création de poste pour le centre audiovisuel. En outre, il n'est pas prévu de moyens matériels supplémentaires pour la réalisation de la stratégie, ni pour la mise sur pied ou l'exploitation du centre, les dépenses seront financées par le budget existant.
Michael Kamm: Le Conseil fédéral se met en scène pour les conférences de presse, mais est très désordonné sur les réseaux. Alain Berset, c'est l'exception, le bon élève, sur Instagram notamment.
Tout cela montre qu'un concept global est une bonne idée. La Suisse se lance, en retard et pas à pas, mais elle évitera peut-être ainsi des dérives. Je pense notamment à Emmanuel Macron qui tente d'être le roi sur les réseaux, mais qui à mes yeux va trop loin.
Urs Bruderer: Les départements et chaque membre du Conseil fédéral sont et resteront libres de communiquer sur les canaux de leur choix. Nous n'avons pas parlé d'harmonisation.
Léonore Porchet: La presse pourrait être libérée de sa tâche de transmettre «l'information brute» au public. Si le Conseil fédéral communique sur les réseaux, les médias vont pouvoir se concentrer sur l'analyse et la critique de ces informations. Je le vois positivement.
Michael Kamm: La Confédération n’a aucun intérêt à se passer des médias et il ne serait pas intelligent de se les mettre à dos. Une approche intégrée, c'est la clé du succès. Si l'opération d'Alain Berset avec les jeunes de Tataki a été un succès, il y a quelques semaines, c'est aussi grâce à l'audience et à la confiance que les gens ont envers le média.
Urs Bruderer: La communication axée sur le journaliste traditionnel demeure cruciale. L'activité dans les médias sociaux ne doit pas se développer aux dépens du travail médiatique et des relations publiques classiques, elle peut les compléter, mais ne peut pas se substituer à eux.
Michael Kamm: C'est une vision dépassée de penser que les réseaux sont réservés aux millennials. La logique n'est pas aussi binaire. Si Berne utilise les réseaux uniquement pour présenter ses dossiers à une partie de la population, ça ne marchera pas. Les gens s'informent sur une combinaison de plateformes et les jeunes n'échappent pas à cette règle.
Urs Bruderer: A ce stade, nous ne pouvons pas encore vous en dire plus.