Des singes attachés qui hurlent, des milliers de souris mortes, tout cela pour tester les effets d’une pilule, voilà qui devrait bientôt appartenir au passé.
Les expériences sur les animaux pour le développement de médicaments ou de thérapies sont en constante diminution, en Suisse, depuis 2015. Il y a 40 ans, la part d’animaux utilisés pour les recherches était bien plus importante:
Selon l'Office fédéral des denrées alimentaires et des affaires vétérinaires (Osav), près de la moitié de ces animaux ont, par ailleurs, été utilisés pour des études d'observation pures. Aucune douleur ne leur a été infligée, ils n’ont pas été mis en état d’anxiété et leur état général n’a pas été affecté.
Pour de nombreuses organisations de protection des animaux, ces chiffres restent trop élevés. L'initiative «Oui à l'interdiction de l'expérimentation animale et humaine» demande une interdiction complète de l'expérimentation animale ainsi que de la recherche sur l'être humain. En outre, tous les produits testés à l'étranger sur des animaux ou des êtres humains ne doivent plus pouvoir être importés. C'est sur cette question que, le 13 février, les électeurs suisses seront appelés à se prononcer.
L'initiative devrait avoir du mal à passer dans les urnes. C'est ce que montrent les premiers résultats d'un sondage de la SSR publié vendredi dernier. Parmi les personnes interrogées entre le 17 décembre et le 3 janvier 2022:
L'initiative a déjà eu du mal à convaincre le Parlement. Pour le Conseil fédéral, les exigences sont trop radicales. La loi suisse est déjà l’une des plus strictes en matière d'expérimentation animale. De plus, une interdiction limiterait fortement la recherche médicale, ce qui aurait à son tour de fortes répercussions sur la santé publique.
Malgré les chances plutôt minces d'une acceptation, la loi sur l'expérimentation animale pourrait à l'avenir devenir un sujet récurrent. En effet, en plus de l'initiative, d'autres interventions sont déjà en suspens au Parlement.
Si le Conseil fédéral et le Parlement rejettent en bloc l'initiative, c'est en grande partie parce qu'il n'existe pas encore suffisamment d'alternatives à l'expérimentation animale dans la recherche médicale. Une interdiction pourrait par conséquent entraîner indirectement des décès et le secteur de recherche suisse en souffrirait énormément.
Cela ne signifie pas pour autant que la politique et l'économie s'opposent catégoriquement à l'abandon de l'expérimentation animale. Au contraire: la Suisse connaît depuis plus de 30 ans les principes dits des 3R (replace, reduce, refine – remplacer, réduire, améliorer), et le Centre de compétence 3R Suisse a été créé en 2018. Les principes 3R ont pour but d'étudier des méthodes alternatives et de réduire les expériences sur les animaux à un strict minimum.
En mai de l'année dernière, le programme national de recherche «Advancing 3R – Research, Animals and Society» a été lancé. Avec un financement de 20 millions de francs, ce programme dure 5 ans et doit permettre de réduire encore le nombre d'expériences sur les animaux.
Pour la conseillère nationale verte'libérale, Katja Christ (c'est elle ☝), cela ne suffit pas: dans une initiative parlementaire, la Bâloise demande que la recherche 3R soit ancrée dans la loi:
Bien qu’elle poursuive le même objectif, Katja Christ s'oppose à l’initiative visant à interdire toute expérimentation animale. «Avec une interdiction, nous porterions un préjudice extrême au site de recherche suisse. Les expériences sur les animaux n'en seraient pas empêchées, au contraire. Comme la recherche elle-même, elles seraient simplement transférées à l'étranger, où les lois sur la protection des animaux sont moins strictes.»
Pour Katja Christ, il est clair que les expériences sur les animaux doivent continuer à être réduites de manière drastique et remplacées par des alternatives sans animaux.
La Bâloise estime donc que l'initiative doit être prise au sérieux et que des bases légales doivent être créées pour développer encore plus rapidement des alternatives. «Sans incitations, le processus ne progressera que lentement et continuera à alimenter les revendications extrêmes.»
Le 13 février, le canton de Bâle-Ville votera également sur l'initiative «Droits fondamentaux pour les primates». L'idée qui la sous-tend est révolutionnaire et ferait de Bâle-Ville la première région au monde à reconnaître aux animaux, en l'occurrence, aux singes, des droits fondamentaux tels que le droit à l'intégrité physique et mentale.
Mais il y a un hic: si l'initiative était acceptée, les droits fondamentaux ne s'appliqueraient qu'aux primates appartenant au canton. Or, Bâle-Ville et ses institutions ne détiennent elles-mêmes aucun primate à l'heure actuelle. Les opposants parlent donc d'un emballage trompeur: l'octroi de droits fondamentaux dans la Constitution cantonale aurait tout au plus un effet indirect sur la détention de singes au Zoo de Bâle.
Les entreprises privées, comme l'industrie pharmaceutique locale, pourraient donc continuer à porter atteinte à l'intégrité physique et mentale des primates par le biais de l'expérimentation animale. Les initiateurs en sont conscients, mais ils espèrent que cela aura un effet indirect sur les tiers. Silvano Lieger, directeur de l'organisation «Sentience», à l'origine de l'initiative, explique:
Pour les faire appliquer, on pourrait imaginer un médiateur nommé par le canton ou un curateur indépendant.
L'initiative a du mal à passer. Le Grand conseil l'a rejetée par 55 voix contre 25. Les membres du comité d'initiative se montrent, toutefois, combatifs: ils ont gagné contre le gouvernement bâlois, qui voulait déclarer l’initiative nulle, devant la Cour constitutionnelle ainsi que le Tribunal fédéral.
Le comité peut compter sur le soutien des partis de gauche et de personnalités connues comme Jane Goodall, la plus grande spécialiste de la recherche sur les chimpanzés. La suite promet d'être intéressante.
Cette dernière idée ressemble à celle des droits fondamentaux pour les primates, à la différence que ces droits devraient s'appliquer à tous les animaux. L'organisation de protection des animaux «Animal Rights Switzerland» a déposé, en octobre 2021, une pétition réunissant environ 5600 signatures.
La pétition ne demande pas seulement un droit à l'intégrité physique et mentale, elle veut aussi que les animaux soient reconnus comme des personnes juridiques. Cela signifierait que personne ne serait plus autorisé à posséder des animaux et encore moins à les tuer pour un usage humain.
Une revendication radicale – le président de l’association initiatrice Pablo Labhardt en a conscience. «Avec cette pétition, nous voulons déclencher une discussion sur notre relation avec les animaux», explique-t-il. Il est prêt à accepter que ces revendications ne soient que de la musique d'avenir.
En réalité, la pétition est moins radicale que l'initiative pour l'interdiction de l'expérimentation animale. «Les droits fondamentaux ne sont pas non plus absolus chez les humains», explique Labhardt. Par exemple, l’autodéfense peut passer par l’usage de la violence. Il en va de même pour l'expérimentation animale:
Traduit de l'allemand par Tanja Maeder.