C’est le sujet qui fait le plus parler au vu des votations du 26 septembre. L’accès légal au don de sperme en Suisse prend place dans le débat du «mariage pour tous». Les couples hétérosexuels mariés ont cette possibilité depuis le 1er janvier 2001. C’est à ce moment-là que la loi sur la procréation médicalement assistée est entrée en vigueur en Suisse. Fin 2020, un total de 4234 enfants issus d’un don de sperme a vu le jour, selon le gouvernement fédéral.
Dans les discussions sur l'accès au don de sperme pour les couples lesbiens, les opposants mettent divers arguments dans la balance. Un «droit à l'enfant» éthiquement discutable serait constitué. De plus, les enfants seraient privés de leur père au moins jusqu’à l’âge de 18 ans. En effet, à l'âge de la majorité, la loi accorde aux enfants de donneurs de sperme le droit de connaître l'identité de leur père biologique, y compris des informations sur son «apparence physique».
Vingt ans et neuf mois se sont écoulés depuis que le don de sperme est devenu légal pour les couples hétérosexuels. En d'autres termes, les premiers enfants conçus grâce à un don de sperme ont atteint l'âge de la majorité à la fin de l'année 2019. Le nombre d’enfants qui théoriquement auraient le droit de connaître l’identité de leur père biologique n’est toutefois pas connu. Aucun chiffre exact n'est disponible à ce sujet, nous informe l'Office fédéral de la Justice. Dans les premières années de la mise en place de la loi sur la procréation médicalement assistée, une douzaine d'enfants issus de dons de sperme ont été conçus. Ensuite, ces chiffres ont pris l’ascenseur. En 2019 et 2020, environ 600 enfants ont vu le jour grâce au don de sperme.
La Confédération doute: tous les parents n’informent pas leurs enfants sur leurs origines. Jusqu'à présent, seuls deux enfants issus d'un don de sperme se sont renseignés sur l'identité de leur père biologique auprès du gouvernement fédéral, selon l'Office fédéral de la justice. Dans les deux cas, les donneurs de sperme étaient disposés à prendre contact avec les jeunes adultes.
Le faible nombre de demandes d'informations sur les pères biologiques soulève la question de savoir combien d'enfants sont informés par leurs parents du fait qu'ils ont été conçus avec l'aide d'un donneur de sperme. Cela ne peut en effet être quantifié. L'Office fédéral de la justice «soupçonne que tous les parents n'informent pas leurs enfants de leurs origines». La loi sur la procréation accorde aux enfants de donneurs de sperme le droit à la filiation. Dans la doctrine juridique, l'opinion dominante reprend le fait que les parents sont tenus d’informer leurs enfants, en vertu du devoir d'assistance inscrit dans le code civil d’informer leurs enfants.
Dans le cas des adoptions, la loi exige explicitement que les parents «informent l'enfant du fait de son adoption en fonction de son âge et de sa maturité». Toutefois, aucun mécanisme de contrôle et respectivement aucune sanction ne sont prévus en cas de manquement des parents.
Un don de sperme étant plus facilement dissimulable qu’une adoption, les enfants nés par procréation médicalement assistée sont plus susceptibles de ne pas être informés de leur filiation par leurs parents que les enfants adoptés. Contrairement à l'adoption, la mère vit une grossesse. Une certaine ressemblance est également plus facile à obtenir qu'avec l'adoption. En effet, lors de la sélection du sperme donné, la similitude externe du donneur avec le père légal et social peut influencer le choix.
Si le «mariage pour tous» est adopté le 26 septembre, le cercle des couples auxquels l'accès au don de sperme est ouvert s'agrandira. Cela devrait également augmenter le nombre d'enfants conçus grâce au don de sperme. Yv Nay est un sociologue spécialisé dans les familles arc-en-ciel. En d’autres termes: les familles dans lesquelles au moins un parent se définit comme homosexuel. Depuis environ 10 à 15 ans, on observe un désir accru d'enfants chez les couples homosexuels, souligne-t-il. Les chiffres exacts sur le nombre de couples lesbiens suisses qui réalisent ce souhait par le biais d'un don de sperme à l'étranger ne sont pas connus.
En février, l'Université de Berne a publié une étude commandée par la Confédération sur la question de savoir combien de personnes domiciliées en Suisse se sont rendues à l'étranger dans le cadre de la procréation médicalement assistée. Sur 516 cas documentés, le don de sperme n'a représenté que 22 cas (un bon 4 %). Dix femmes étaient lesbiennes, onze étaient célibataires et une était dans une relation hétérosexuelle.
Les auteurs de l'étude supposent que le nombre de cas non signalés est élevé «parce que de nombreuses femmes célibataires ou des couples lesbiens contournent les institutions médicales suisses, mais aussi étrangères, et commandent du sperme sur Internet ou alors prennent des dispositions privées et procèdent elles-mêmes à l'insémination». Pour Yv Nay, un «Oui au mariage pour tous» signifie également que les femmes lesbiennes en Suisse auront un accès sûr à la procréation et ne prendront pas de risques en se rendant à l’étranger.
Le nombre d'enfants qui ne savent pas qu'ils ont été conçus grâce à un don de sperme ne devrait pas augmenter, même si l’initiative du «mariage pour tous» est acceptée. Selon l'Office fédéral de la justice, les jeunes adultes demandent généralement des informations sur l'identité du père biologique lorsqu'ils sont informés par leurs parents du don de sperme.