Françoise Overney a une boîte aux lettres qui s'apparente à beaucoup d'autres, mais une fille qui ne ressemble à personne. «Avec elle, il faut avoir le cœur bien accroché», prévient-elle en échangeant un regard complice avec Sylvie, attablée dans la salle à manger du petit appartement de Romont. Les deux femmes ont devant elles un paquet de lettres, des dizaines et des dizaines de cartes de vœux (73 en tout, on les a comptées ensemble) envoyées par des inconnus de toute la Suisse romande.
Pour comprendre comment on en est arrivé là, il faut revenir au message publié la semaine dernière par Sylvie sur Facebook. Ce message, le voici:
Aussitôt, une chaîne de solidarité s'est mise en place. La maman, bien sûr, n'en savait rien, si bien qu'elle a été très surprise en allant chercher le courrier le jour de son anniversaire.
Quand elle a découvert la quantité de courrier, l'octogénaire a vainement cherché un nom qu'elle connaissait parmi les expéditeurs. «Mais il ne s'agissait que d'inconnus!» Des habitants du Jura, de Berne, Fribourg, Genève, du Valais ou encore du canton de Vaud. Bref, de toute la Suisse romande, et même de France.
Il y avait des cartes en papier, d'autres en carton; des souples et des rigides, des petites et des grandes, des carrées et des rectangulaires. Dans chacune, les mêmes mots adorables pour souhaiter un bon anniversaire à cette femme que les auteurs des missives ne connaissaient pas. Au final, le contenu des messages, forcément, est très impersonnel. On aurait pu remplacer le nom de Françoise par un autre sans changer la moindre ligne au texte. «C'est vrai, mais c'est le geste, l'attention qui a de la valeur. Pas le contenu», assure la destinataire. Sa fille renchérit:
La plupart des expéditeurs vouvoient Françoise, mais il y en a aussi quelques-uns qui la tutoient. «Ça ne me dérange pas du tout», assure la Romontoise. C'est le cas de la famille Keller, qui lui a écrit ce message:
La carte a été envoyée à Boudry. Il est étonnant, d'ailleurs, de constater que la plupart du courrier vient de petits villages, et aucun des villes. «Sans doute parce que le lien de proximité y est plus fort», songe Sylvie. C'est aussi à elle que les auteurs ont écrit. Son nom y est souvent cité, de nombreuses personnes soulignant à quel point Françoise avait de la chance d'avoir une fille aussi attentionnée. «Les lettres qui parlaient de Sylvie sont celles qui m'ont le plus touchée», reconnaît la maman.
Ce qui frappe aussi, maintenant que nous avons toutes ces cartes sous les yeux, ce sont les photos qui accompagnent les textes. Pour envoyer leur courrier gratuitement en utilisant l'application Postcard creator, les auteurs devaient forcément illustrer leur message. Qu'ont-ils choisi? Des fleurs aux couleurs vives, des animaux (dont le chat d'une famille prénommé Bounty) ainsi que des paysages: Mont Saint-Michel, île Maurice ou encore Majorque; autant de destinations que Françoise n'a jamais vues autrement qu'en photo, elle qui n'a pas beaucoup voyagé durant sa vie.
Sur la petite table du salon, une lettre rouge se démarque des autres. Non par le contenu, mais par le cadeau qui s'y trouve: un bon de 20 francs à la Coop!
Quand on lui demande ce qu'elle va en faire, Françoise Overney répond naturellement qu'elle va le donner à sa fille.
La Fribourgeoise va ranger toutes ses cartes de vœux dans un album, qu'elle aura plaisir à relire par la suite. «J'ai toujours été très sensible aux mots et aux lettres, dit-elle, mais depuis qu'il y a WhatsApp, ce n'est plus pareil. Les échanges se font surtout par messages.»
La dernière lettre manuscrite que Françoise a rédigée, c'était pour adresser des condoléances. «On ne le fait plus beaucoup pour d'autres occasions.» Sauf quand une fille demande avec beaucoup d'amour d'écrire pour les 80 ans de sa maman. «Je m'attendais à ce qu'elle reçoive une cinquantaine de lettres. Mais plus de 70, c'est fou, avoue Sylvie. On entend souvent dire que l'on vit dans une société très autocentrée, et c'est peut-être vrai, mais il y a encore de la bienveillance sur Terre.»