Avec leur allure de gadget et leur goût de bonbon, les puffs, ces cigarettes électroniques jetables d'un nouveau genre, séduisent des adolescents de plus en plus jeunes. Un risque quand on sait qu'elles contiennent tout de même de la nicotine synthétique (jusqu'à 5%) et d'autres substances non contrôlées.
Popularisées par les réseaux sociaux, elles ont rapidement envahi les cours de récréation en France et aux Etats-Unis. Quand est-il en Suisse, alors que le 13 février prochain, les Suisses devront se prononcer sur une initiative populaire visant à protéger les enfants et les jeunes contre la publicité pour le tabac?
Avec l'arrivée de ces nouvelles cigarettes électroniques, une telle initiative sera-t-elle suffisante? On a fait le point avec Luciano Ruggia, directeur de l'association suisse pour la prévention du tabagisme👇
C’est une tendance, en tout cas en France, mais est-ce c’est le cas en Suisse?
Même si on n'a pas encore de données quantifiables, on constate une explosion des sites web qui vendent ce genre de produit en Suisse. On constate également qu'elles commencent à être vendues un peu partout: dans les magasins de tabac, de vapotage, dans les kiosques et sur les aires d'autoroute. Même si plus de la moitié des cantons interdisent la vente de tabac aux mineurs, seulement sept cantons interdisent la vente des cigarettes électroniques aux mineurs. On peut les acheter sans problème en ligne et recevoir un colis discret à la maison. Les parents ne vont pas forcément vérifier chaque colis que leurs enfants reçoivent. Elles sont aussi moins chères que les cigarettes classiques: 8 francs pour 400 bouffées, soit une trentaine de cigarettes, elles peuvent aller jusqu'à 35 francs pour 4 000 bouffées, l'équivalent de 400 cigarettes.
Ça vous inquiète?
Ça nous inquiète énormément pour plusieurs raisons. Tout d'abord le fait qu'elle soit si populaire chez les très jeunes. Je pense qu'à 13, 14 ou 15 ans, on n'est pas conscient du fait que l'on est en train de consommer un produit qui est mauvais et qui devrait être interdit.
Un autre élément inquiétant, c'est le fait qu'elles contiennent de la nicotine synthétique et que l'on ne connait pas encore les conséquences sur la santé, étant donné que c'est le premier produit qui en contient. De plus, il n'y a en aucun contrôle de qualité. Il peut y avoir n'importe quoi dans ces produits.
A la différence d'une cigarette classique que l'on prendrait le temps de fumer, avec les «Puff Bars» on peut pratiquement hyperventiler à la nicotine et donc en consommer en grandes quantités. En termes d'écologie, c'est aussi une vraie catastrophe: Il y a une batterie à l'intérieur, des produits toxiques, du plastique et du métal qui vont mettre des années à se décomposer. Pour nous, elles sont aujourd'hui un produit d'entrée dans la consommation de tabac et nous les surveillons de près.
Pourquoi elles attirent les jeunes selon vous?
Pour le consommateur, l'avantage, c'est qu'une fois terminée, on peut la jeter à la poubelle. Il n'y pas d'entretien particulier, on ne sent pas mauvais et ces cigarettes ne dégagent pas de gros nuage de fumée. Elles peuvent être consommées très discrètement, parfois même en classe sans que les professeurs ne s'en rendent forcément compte. Pour les jeunes, elles sont extrêmement pratiques, peu chères et ludiques.
Est-ce que c'est une mode qui va passer?
Je ne crois pas. Je pense qu'on est au début d'une vague extrêmement importante de nouveaux produits.
Quelles sont les solutions d’après vous?
Il faut bien entendu faire des enquêtes de consommation chez les jeunes et des campagnes de sensibilisation. Mais il faut surtout arriver avec de nouvelles dispositions légales.
Au niveau des mesures structurelles contre le tabac, la Suisse est l'un des pays les plus en retard en Europe et cela ne risque pas de changer avec la nouvelle loi. De notre côté, on essaye d'alarmer les gens, d'expliquer ce qu'il se passe et d'attirer l'attention là-dessus. C'est un premier pas.