Comme c'est plutôt rare qu'une affiche publicitaire plantée dans la rue nous intrigue au point d'y penser après l'avoir largement dépassé, on s'est dit qu'il fallait creuser. Un peu seulement. Ce n'est pas non plus l'affaire Takieddine.
Que trouve-t-on sur ces excroissances marketing? Un logo. Sur fond noir. Et pas n'importe quel logo. Un truc bien familier. De ceux qui réveillent de bons souvenirs. Au point de tomber à chaque fois dans le panneau, lorsqu'on est encore à plus de vingt mètres du crime.
Ceux qui n'ont pas immédiatement pensé à Metallica ont de sérieuses lacunes musicales à combler.
Megabyte pour Metallica, Wi-Fi pour AC/DC. Simple, basique. Derrière cette petite astuce graphique se cache la société Sunrise et son offre de fidélité baptisée Moments. En Suisse romande, quatre artistes légendaires se retrouvent ainsi parodiés dans les rues des grandes villes.
Pourquoi eux et pas les autres? Pourquoi de vieux groupes? Pourquoi trois pourvoyeurs de rock? Où est passée Taylor Swift? DJ Bobo? L'opérateur suisse avait-il l'autorisation de plagier ainsi le blase de telles sommités de la musique? Ont-ils contacté Angus Young pour s'en assurer? Petit coup de fil au porte-parole, avec qui on commence logiquement par énumérer les artistes parodiés, histoire de s'assurer d'en n'avoir raté aucun.
Nous apprendrons donc le nom du cinquième larron quelques heures plus tard. Dans l'intervalle, on comprend que les artistes placardés en ville ne sont pas forcément en concert prochainement et qu'ils n'ont pas tous été inclus dans le programme fidélité de l'opérateur suisse.
«Moments», c'est le petit sucre culturel et sportif offert aux clients de Sunrise et UPC, histoire qu'ils ne filent pas chez la concurrence. Sur son blog, le journaliste spécialisé Xavier Studer, lui aussi interloqué par cette campagne massive dans les grandes villes du pays, rappelle que c'est un secteur où le taux de désabonnement est élevé».
Tarifs préférentiels, zones VIP, primeur au moment d'acheter un billet, files spécifiques devant les salles de concert, tout est bon pour rassasier le détenteur d'un abonnement Sunrise. Au point de risquer un procès des groupes parodiés?
Sunrise impose une présence de plus en plus agressive dans le domaine du divertissement et boutique ses sucres culturels en partenariat avec Ticketcorner. Rolf Ziebold nous n'en dira pas plus sur les modalités de ce mariage.
Vendre des abonnements, ce n'est plus assez rentable? «Le programme Moments n'a pas été lancé pour gagner de l'argent. C'est du marketing et une autre forme de sponsoring. Par l'intermédiaire de cette campagne d'affichage, nous voulions faire ressentir des émotions à nos clients. Avec des références musicales des années 1980 qui parlent à toutes les générations», nous explique le porte-parole de l'opérateur.
Trente minutes plus tard, Rolf Ziebold nous rappelle enfin avec les informations qui manquent. On trépigne. Il faut dire que lorsqu'une société décide d'appliquer un traitement différent des deux côtés de la barrière de roesti, les francophones tremblent. Souvent à raison. (Coucou les CFF.)
Au bout du fil, le porte-parole avoue à moitié qu'il ne connait pas le groupe en question. Et notre échange vaut son pesant d'or. Le voici:
Une énième preuve du casse-tête que l'on vit dans un pays qui abrite plusieurs langues nationales. On vous laisse juge de résultat final et on prend congé du porte-parole qui... lui aussi, aura appris plein de choses ce jour-là.