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UDC: pourquoi la gauche caviar est devenue l’ennemie numéro 1°

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Pourquoi la gauche caviar est devenue l’ennemie numéro 1 de l’UDC

En chef de meute, le big boss de l'UDC a désigné les nouveaux ennemis: les bobos de gauche. L'anathème a été repris par tous ceux qui comptent dans le parti. Ce qui ressemble furieusement à une campagne bien orchestrée. Analyse et interview.
15.08.2021, 11:5416.08.2021, 10:27
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Combattre ces «villes de gauche» qui mènent des «politiques parasites». Combattre cette «gauche caviar» et ces «moralisateurs verts» qui vivent «dans leurs bulles, à l'écart de la réalité que vivent la plupart des gens dans le pays». Les propos tenus à l’occasion de la Fête nationale par le président de l’UDC, Marco Chiesa, ont provoqué quelques réactions outrées, en particulier (on pouvait s'en douter) chez les élus de gauche.

Il n'y a pas de hasard dans la vie

En grand stratège de la communication et en pleine torpeur estivale, l’UDC n’a pas jeté ce gros pavé dans la mare par hasard. Ni à un moment anodin. Le premier parti de Suisse a fait ses petits calculs avec un anathème résultant d’une stratégie bien huilée. Les buts: relancer un parti en manque de cibles à dégommer et parler à un électorat qui a révélé son poids politique tout récemment, à la faveur d’une loi CO2 jugée injuste.

On ne parle plus d’UE et d’immigration

Il faut dire qu'il n'y a plus grand-chose à dire (et à faire) sur les dossiers fétiches de l'UDC.

  • L’accord-cadre avec l’Union européenne (UE) est au point mort depuis l’abandon des négociations, et il paraît peu vraisemblable que de grandes avancées soient perceptibles avant les élections fédérales de l’automne 2021. Les annonces ici et là autour du financement de la recherche n’y changeront probablement rien.
  • Dans le même temps, l’immigration n’est plus une thématique saillante depuis quelque temps. Un dossier de loin pas réglé, mais qui est passé au second plan politique, caché notamment par une pandémie qui n’en finit pas et qui enflamme toujours les pays occidentaux, destinations des migrants.

Et puis, les «bombes» de l’UDC sont une pratique saisonnière. Eté après été, année après année, les présidents de l’UDC ont toujours trouvé une bête noire sur laquelle cracher, profitant avec malice de la pause estivale pour s’offrir une place de choix dans les médias. Le chef de meute, ici Marco Chiesa, pose sa bombe et laisse ensuite les élus UDC développer et marteler sa réflexion. A l’époque, Ueli Maureur, ancien président de l’UDC aujourd’hui conseiller fédéral, avait lui aussi manié la polémique avec brio.

Attirer les périurbains

Trouver un nouveau cheval de bataille et surtout partir à la conquête de nouveaux électeurs. Lesquels? Ceux qui ont jeté un triple non dans les urnes le 13 juin dernier (la loi CO2 et initiatives agricoles). Non pas tant les agriculteurs souvent déjà acquis à la cause UDC, mais cette population périurbaine qui travaille en ville, mais n’y vit qu’à proximité. C’est bien elle que l’UDC compte ramener dans son escarcelle pour enrayer son recul. Il ne faut pas oublier le contexte: entre 2015 et 2019, l’UDC a perdu 3,8 points de force électorale nationale, à 25,6%.

De tous ces éléments, le conseiller national UDC genevois Yves Nidegger ne s’en cache pas vraiment. Nous avons soumis cette vision des choses à celui qui, le 31 juillet dernier, avait déjà fustigé cette «gauche caviar», qu’il qualifie de «nouveau bailli du peuple suisse». Interview.

Quelques photos du 1er août pour se remettre dans le bain:

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Le 1er août 2021
Ce matin, dimanche 1er août, aux Bains des Pâquis à Genève.
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La gauche caviar des villes, c’est le nouvel ennemi de l’UDC?
Yves Nidegger: Elle a toujours été notre ennemie. L’opposition des cantons urbains et des cantons campagnards est un grand classique de l’histoire suisse. Aujourd’hui, c’est un marqueur clair entre les conservateurs qui souhaitent changer ce qui ne va pas et conserver ce qui marche, les progressistes qui veulent changer pour changer, et des progressistes de gauche qui veulent changer ce qui marche.

Ça ne dit pas vraiment pourquoi c’est maintenant que vous tapez dessus…
Le clivage ville-campagne est assez clair sur toutes les questions de fond qui sont l’ADN de l’UDC: la souveraineté du pays, sa neutralité ou encore l’indépendance par rapport à l'Union européenne. Il en va de même des dérives des politiques sociales dont nous avons toujours combattu les abus: à Genève et autres grandes villes, les barèmes d’aide sociale et d’imposition donnent l’impression d’avoir été conçus pour inciter les gens à moins travailler et à plus dépendre des autres. Dès que vous faites un effort, on vous retire vos aides et on augmente vos impôts. Ce sont des incitations au «parasitisme». L’Etat donne même l’exemple en parasitant les contribuables et en s’endettant plus que de raison. Dans les régions rurales, on pense différemment.

C’est donc cette gauche caviar qu’on attaque quand l’Europe ou l’immigration ne sont plus des thématiques saillantes et porteuses électoralement?
Détrompez-vous: ces deux thématiques sont en pleine ébullition. Sur l’Europe, tous les autres partis continuent à pousser vers une intégration institutionnelle. En ce moment, ils sont juste un peu sonnés, mais c’est le calme avant la tempête. Pareil pour la migration: voyez ce qui se passe aux frontières poreuses de l’Europe, avec la Biélorussie, avec la Turquie, en Méditerranée. Ces thématiques sont celles de notre époque, elles ne vont pas bouger avant très longtemps.

Mais alors, pourquoi arriver en tir groupé avec cette histoire de gauche caviar?
Parce que les électeurs doivent comprendre que la gauche au pouvoir dans les villes n’a plus rien à voir avec la gauche d’antan, celle qui s’engageait pour les travailleurs. Aujourd’hui, la gauche est hostile au travail et méprise les travailleurs, elle flatte les parasites et les fonctionnaires qui constituent sa nouvelle clientèle.

«Marco Chiesa a raison d’en faire un thème de politique intérieure. J’observe que son discours sur les parasites a suscité des réactions d’ordre moral, mais aucun contre-argument»

Quand même: beaucoup d’articles de presse contredisent les propos de Marco Chiesa. C’est-à-dire que ce sont les cantons urbains qui financent les cantons ruraux. Qu’en pensez-vous?
Non, dans la péréquation intercantonale, Zurich et Genève, qui concentrent des richesses faramineuses sur leur territoire paient, il est vrai, et les cantons alpins reçoivent, en général. Mais à l’intérieur des cantons, ce sont les villes qui sucent leurs campagnes en leur faisant financer par l’impôt des infrastructures concentrées en milieu urbain.

Les citadins disposent d’un riche réseau de transport qui n’existe pas en campagne, ils vivent dans des appartements subventionnés dans l’hypercentre, où ils circulent en trottinette et prétendent donner des leçons de savoir-vivre et de savoir cultiver à ceux qui les nourrissent dans les campagnes où l’on ne peut se passer d’un véhicule individuel. En plus, les villes gaspillent les impôts par des politiques dispendieuses et font d’énormes dettes. Les communes rurales ont une gestion plus stricte et plus responsable des finances, elles ne subventionnent pas tout et n’importe quoi. Tout cela rappelle un peu l’ancien régime: la populace se prive et regarde la noblesse dépenser sans compter pour des choses incompréhensibles.

Le double non aux initiatives agricoles et – surtout – le non à la loi CO2 ont été rendus possibles par la mobilisation des campagnes. Vous comptez surfer sur cette vague jusqu’aux élections fédérales de 2023?
Le discours pragmatique de l’UDC a toujours trouvé davantage d’écho dans les campagnes plus conservatrices que dans les villes qui se laissent volontiers séduire par les dernières idées à la mode. C’est le cas de la loi CO2, personne ne peut croire qu’une augmentation d’impôt en Suisse puisse avoir le moindre effet sur la température globale. L’UDC ose le dire et prendre la défense des boucs émissaires des zones périurbaines où l’on protège son indépendance en protégeant son pouvoir d’achat.

«Le plein d’essence, produit de luxe pour nantis, ça peut passer chez les citadins en tram, pas dans les campagnes»

D’aucuns comparent le discours de Marco Chiesa à ceux de Donald Trump: durcir le propos pour mobiliser la base. Cette comparaison vous sied-elle?
Marco Chiesa fait son travail de président. Tous les présidents de l’UDC ont régulièrement jeté des pavés dans la mare. Rappelez-vous Ueli Maurer: avant de devenir un très policé ministre des Finances apprécié de tous, il était un chef de meute aussi provocateur que redouté. Sous sa présidence, l’UDC a doublé ses parts de marché avec des affiches qui choquaient énormément. En comparaison, Marco Chiesa, c’est le gendre idéal.

SVP Parteipraesident Marco Chiesa, TI, kurz vor Beginn der Elefantenrunde der Parteipraesidenten zu den Eidgenoessischen Abstimmungen, am Sonntag, 13. Juni 2021 in Bern. Das eidgenoessische Stimmvolk  ...
Marco Chiesa, «le gendre idéal».Image: KEYSTONE

Alors que la pandémie ne semble pas s’arrêter et qu’elle a été un stress test pour le système fédéraliste suisse, pour l’unité de sa population en général, n’est-ce pas un mauvais coup que vous faites au pays en favorisant des divisions pour raisons électoralistes?
L’UDC est le seul parti qui se soit déclaré hostile aux mesures de fermeture, qui ont tout arrêté sauf le virus. Et nous nous opposerons à tout retour du confinement.

«En traitant les Suisses comme des gosses et en leur racontant n’importe quoi, on détruit ce qui distingue la Suisse de ses voisins: la confiance qui existait entre les autorités et le peuple»

L’Etat fait confiance aux citoyens qui remplissent eux-mêmes la déclaration qui sert de base aux paiements de leur impôt, en retour, les citoyens font confiance aux autorités et partent de l’idée qu’ils seront traités avec équité. Ces rapports sains, où la bonne foi est présumée de part et d’autre, sont une mine d’or. Le confinement et le contrôle policier sont des méthodes totalitaires importées de Chine où le virus est apparu en premier, appliquées à une population habituée au respect et à la liberté.

Nous sommes en train de tuer la confiance qui est à l’origine de la prospérité de notre pays. Tuer la confiance, c’est tuer le pays, il était logique d’en faire un thème du 1er Août en rappelant les fondamentaux qui font de notre pays ce qu’il est. C’est ce qui a été fait.

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