Y avait-il date moins indiquée pour rendre public un sondage portant sur un sujet délicat: les rapports entre des voisins de langues différentes? C’est ce mercredi 29 décembre, dans le no man’s land temporel des fêtes de fin d’année, qu’ont été dévoilés les résultats d’une enquête commandée par les districts valaisans de Sierre (francophone) et de Loèche (germanophone).
Géographiquement collées l'une à l'autre, les deux entités administratives souhaitent renforcer leur bilinguisme pour une meilleure coopération. A cet effet, elles ont demandé leur avis aux habitants des 22 communes concernées*. Lancée début octobre, l'étude a été confiée au Forum du bilinguisme, basé à Bienne (BE).
Les résultats comblent les attentes des autorités préfectorales des deux districts, les commanditaires du sondage. Une majorité des sondés juge la deuxième langue officielle (l’allemand ou le français selon les cas) comme «très importante à indispensable» dans les secteurs de la santé (60%), de la formation (68%) et du tourisme (plus de 70%), détaille Virginie Borel, directrice du Forum du bilinguisme de Bienne, interrogée par l’agence de presse Keystone-ATS.
Deux aspects ressortent de cette enquête: l’un, pratique, l’autre, culturel. Pour le côté pratique, il s’agit surtout d’avoir accès à des services offrant un accueil et une prise en charge dans les deux langues:
Ensuite, sur un plan plus culturel ou identitaire:
Derrière les déclarations d’intention, l’affaire reste sensible. Vouloir plus de services dans les deux langues, plébisciter un enseignement bilingue (facultatif), ne veut pas dire renoncer à sa langue, le français ou l’allemand, en l’occurrence le dialecte haut-valaisan.
Il n’empêche, les résultats du sondage plaident pour une sortie du statu quo. Ce dont se félicite le préfet du district de Sierre, Jean-Marc Viaccoz, approché par watson – son homologue du district de Sierre, Edi Kuonen, est injoignable en cette période de fêtes.
Problème: l’Assemblée constituante, chargée de réviser la constitution valaisanne, n’a pas prévu de modifier les frontières infracantonales. Mais ses travaux ne sont pas terminés...
L’argument du bilinguisme sert aussi une vision politique: «Unies, les régions de Sierre et de Loèche pèseraient davantage au niveau cantonal», affirme Jean-Marc Viaccoz. Si on fait le calcul, ensemble, les députations des deux régions compteraient près de 50 représentants sur 130 au Grand Conseil.
Il faudra y aller un pas après l’autre. «Les présidents de communes des deux districts ne font pas de ce projet de rapprochement une priorité, ils ont d’autres problèmes à régler», constate le préfet du district de Sierre.
Dans l’immédiat, Jean-Marc Viaccoz propose de conclure des «pactes d’amitié renforcée» entre communes francophones et germanophones des régions de Sierre et de Loèche. Cinq pour commencer. Il s’agirait notamment de développer la pratique des échanges scolaires afin de permettre aux enfants de se familiariser tôt avec la langue de l’autre. Ce n’est pas qu’il n’y ait rien de ce côté-là – sept classes du district de Sierre entretiennent des liens avec les communes de Loèche et Zermatt – mais il conviendrait de passer à présent à la vitesse supérieure.
La famille du préfet du district de Sierre montre en quelque sorte l’exemple:
Bonnes volontés et bons sentiments peuvent cacher des écueils. A éviter dans le cadre de ce projet de mariage. Le district de Sierre, bien plus peuplé, ne doit pas donner l’impression de vouloir annexer celui de Loèche. Quant au district de Loèche, il ne doit pas passer pour un profiteur en se greffant à celui de Sierre. En un mot: l'intérêt, oui, l'opportunisme, non. (Avec Keystone-ATS)
*Enquête réalisée à partir de 787 questionnaires remplis, sur une représentation hommes-femmes à parité et sur une population adulte issue de toutes les tranches d'âge de 26 à 65 ans, elles-mêmes issues des 22 communes composant les districts de Sierre et de Loèche, avec 56% de francophones et 40% de germanophones.