La population suisse est-elle suffisamment informée sur la loi Covid-19, en votation le 13 juin? La question se pose alors que la brochure explicative rouge, envoyée avec le bulletin de vote, n’évoque pas trois points aussi importants que sensibles: le certificat sanitaire, le traçage des contacts et la suppression de la quarantaine pour les personnes vaccinées.
La raison de cette absence? C’est la loi dans sa version du 25 septembre qui est attaquée par un référendum de l’association Les Ami.e.s de la Constitution. Or, les trois points ci-dessus ont été introduits par le Parlement le 19 mars 2021. D’autres modifications ont, elles, été ajoutées le 18 décembre 2020.
La Chancellerie fédérale affirme avoir fait tout ce qu’elle pouvait pour donner le plus d’informations aux citoyens. Si les modifications du 18 décembre sont bien évoquées dans la brochure, celles du 19 mars ne pouvaient tout simplement pas l’être: le bouclage pour l’envoi de la brochure à l’imprimerie était fixé au 5 mars.
«Le délai de production de ces brochures est grand. Nous en imprimons plus de 5 millions. Nous ne pouvons par ailleurs pas spéculer sur les résultats des votes au Parlement. Raison pour laquelle nous avons mis une note de bas de page qui indique que d’autres modifications (réd: en l’occurence, celles du 19 mars) de la loi se profilaient», justifie Urs Bruderer, responsable de l'information à la Chancellerie fédérale.
Une justification qui ne convainc pas vraiment. Avoir une loi votée, puis modifiée à plusieurs reprises avant une votation est rarissime et ouvre la porte à bon nombre d’interprétations et d’interrogations, notamment juridiques. Pour les citoyens, cela demande une clarté absolue, selon Suzette Sandoz, professeure honoraire de droit à l’Université de Lausanne et ancienne conseillère nationale.
Les autorités n’auraient-elles pas dû faire un effort explicatif supplémentaire? Urs Bruderer s’en défend: «Les électeurs ont été rendus attentifs aux modifications par le Conseil fédéral et l'administration. Le 12 avril, par exemple, le conseiller fédéral Alain Berset a déclaré que la loi Covid du 25 septembre était la base légale pour les modifications ultérieures. Sans cette base, rien (réd: notamment le certificat Covid) ne pouvait être élaboré».
De plus, une série de questions/réponses est disponible dans les langues nationales sur le site du Département fédéral de l’intérieur. Un explicatif juridique de tout ce qui a trait à la loi Covid et à sa communication est aussi mis à disposition du public, mais uniquement en allemand.
Avec une question primordiale: est-ce que les points de la loi qui concernent le certificat sanitaire, le traçage des contacts et la suppression de la quarantaine pour les personnes vaccinées tomberont si un «non» sort des urnes le 13 juin? Oui, affirme la Chancellerie, «car ces modifications ne peuvent pas exister sans le texte du 25 septembre».
Ce n’est toujours pas convaincant, soupire Suzette Sandoz, qui remet en question l’interprétation juridique de la Confédération sur «ce cas unique d’une grande complexité».
«Si une modification de la loi Covid est autonome et existe comme telle, elle pourrait rester en vigueur même en cas de non. Cette question juridique reste en suspens et aurait dû être présentée dans la brochure. Ne pas l’avoir fait est quelque chose de très grave», regrette-t-elle.
Dès lors, la votation pourrait-elle être annulée en raison d’une erreur dans la brochure? Un exemple:
Scandalisés, Les Ami.e.s de la Constitution affirment dans Le Matin réfléchir à lancer une procédure avant le vote. Une telle action a été déclenchée dans le canton de Schwytz par 38 personnes. De plus, un groupe s’est formé pour lancer un deuxième référendum contre la loi Covid, qui vise cette fois la modification du 19 mars. Le délai pour la récolte des 50000 signatures est fixé au 8 juillet.
L’«affaire» fait aussi des vagues au Parlement, où l’UDC Jean-Luc Addor a déposé une interpellation intitulée: «Les Suisses trompés par la brochure explicative sur la loi Covid-19?».